D. 24 Le soleil se couche derrière

J’ai raté le lever du soleil, ce matin. Ou plutôt, je l’ai devancé. J’étais réveillée de trois à plus de cinq heures du matin, obligée d’aller me réapprovisionner en eau potable à la fontaine. Trop tôt. Je me suis rendormie pour un nouveau cycle de trois heures, et je n’ai pas voulu me faire violence pour prendre part à la première plongée. Mon corps avait déjà subi suffisamment de violence ces derniers jours, entre les interminables trajets en wood-truck, en voiture, et ce périple en ferry qui m’a coûté les tripes.

J’ai émergé vers neuf heures, les plongeurs étaient déjà partis. Je me suis commandé un thé et des pancakes à la banane au petit-déjeuner, pas du tout végane, mais j’avais besoin du sucre, vraiment (et je voulais vérifier que je n’avais pas une gastro, DES FOIS QUE le mal de mer serait un mythe. Rien de tel que des produits laitiers pour me retourner l’estomac s’il est déjà en proie à une infection. Mais non, c’était bien le mal de mer. Goddamnit.)

J’ai passé toute la journée au même endroit : face à la mer, sur les coussins de la terrasse, les orteils en éventail. J’ai lu, écrit, relu, fait un tour sur madmoiZelle (pleuré de rire devant la lettre d’adieu de Jean-Monique), et fait un tour sur la plage, au coucher du soleil, enveloppé dans mon sarong (meilleur vêtement EVER) (les dames du bar m’ont demandé d’où il venait, elles ont reconnu les broderies typiques de Florès.)

Le soleil se couche derrière le bar, quelques part dans les terres. Enfin, on est orienté pas tout à fait plein sud, mais un peu vers l’est, je crois. Si le soleil se couche derrière, c’est qu’il se lèvera devant, demain matin.

Il se lèvera sur mes cinq prochaines semaines, les trente-cinq prochains jours, jusqu’au samedi 3 septembre, date de mon vol au départ de Makassar, pour Denpasar (Bali). C’est un autre voyage qui commence aujourd’hui. Fini les déménagements, les heures de routes, les recherches d’hôtel… Je reste ici.

Demain, je donne mes fringues à laver, et je rêve déjà du parfum de lessive sur mes quelques vêtements, dont je ne supporte plus l’odeur ni la texture. En vrai, c’est pas si terrible, ils ne puent pas, je les lave régulièrement à la main… Mais ils ont l’odeur âcre de l’eau dure, et le toucher rêche des tissus dont on ne prend pas soin.

Un petit luxe pour 25 000 roupies (même pas 2€), je m’en réjouis déjà.

Bira Dive Camp est encore mieux que ce que j’avais espéré. Il n’y a rien, c’est le désert, on est posé au bord de la plage et c’est tout. Je vais devoir aller en ville pour retirer 2 millions et me réapprovisionner en 3G pendant mon séjour, mais à part ça, il ne me manque rien.

J’ai du mal à réaliser que je vais rester « sur place » pendant aussi longtemps. Et en même temps, j’ai passé six heures à écrire tellement de trucs aujourd’hui que je pense que mon cerveau a compris qu’il pouvait se relâcher, arrêter de prévoir, et se mettre en mode inspiration roue libre.

Non vraiment, si on exclue la cohabitation avec les nombreux, énormes et flippants insectes qui vont partager mon quotidien pour les cinq prochaines semaines… Il ne me manque rien.

Et j’ai hâte que le soleil se lève, demain.

D. 23 Sea sickness is a real thing (and curse this shit)

I just spent twenty-eight hours on that goddamn ferry, the better part of it contorted with stomach pain. I flat out refused to believe that I was being sea sick, on the account that I don’t believe in sea sickness, to start with. Even if such an affliction did, in fact, exist, it could not affect someone who had already spent over seven days at sea, in much worse conditions than these, for instance.

For one, I was lying down the whole time, under proper ventilation, and with a view to the outside, not canned up somewhere below deck. And the size of the ship was so that I could barely feel the movement of the wave underneath.

So there was really no way I could be subjected to « sea sickness », and again: I’d sooner believe in ghosts than in the existence of a stomach disease, caused by the simple fact of being aboard a boat. I do believe that my own mind could cause my body to feel sick, but that can happen in various situations. What the mind does, the mind can undo. If I don’t allow myself to entertain the reality of sea sickness, then my body cannot be afflicted by it, can it?

But there I was, unable to move from my position, bed-ridden by my stomach, threatening to relinquish its content without warning at any sudden move on my behalf.

Well, I must be having my period, then. For sure. Intense nausea has been a symptom before, especially on an empty stomach. I should eat something, drink more, and place my mooncup as a preventive measure.

Eating made it worse. Oh well, then I must have given myself food poisoning, by eating these awful crackers. After all, they do contain some milk products, that must be the reason why I can’t seem to be able to digest them. Even though I had eaten those last week, to no side effects. Fuck this. I need more water.

Well, I’ve been drinking over 1,5 L of water over the last 20 hours, with no feeling of thirst, and no need to go to the bathroom… Something if definitely wrong with me. My body isn’t processing anything at the moment.

Why isn’t my digestive system functioning properly? WHAT THE FUCK, BODY?

By the time we reached Bira, (Saturday, around 6pm, having left Friday at 3pm), I was seriously considering jumping ship. Then again, the full blast karaoke session that had been going on for the past SIX FUCKING HOURS made for a greater incentive than this pretend-sea sickness I still don’t really believe in.

I waited for my ride a few steps away from the ferry docks, praying it would be a car, not a bike of any kind. The ground was moving all around me, and I ended up sitting down on the warm stone, increasingly aware of my stomach, which content had not been released in over twenty-eight hours.

My ride came. Of course it was a motorbike. Of course there was no helmet. The driver took my backpack in front of him, and I remembered just enough indonesian to ask « pran-pran »: slowly please. It was only about ten minutes but it felt agonisingly longer, although at this point, I had no resistance left. I think my body went to survival mode, and I wasn’t as fear-ridden as I would have been, riding by night on the back of a motorcycle, clinging to some guy’s shoulders for dear life.

When we passed the gates of « Bira Dive Camp », I let out a sigh of relief. I was trembling when I got off of the bike, thanking my driver for his skills. He took me to meet the staff, then to my dorm, and let me get settled in.

But he was gone for about a minute when my stomach decided that it was time to let it all out. Ha, so here’s the water I’ve been drinking, but that my body hasn’t been getting.

I went down to the terrace only to bade everyone good night and fill up my water bottle, which I drained once for good measure. I was dehydrated for sure, and it was pointless to eat in these conditions.

As I lay flat on my mattress, I could here the soft rustling sound of the waves, less than fifty meters below. The noise alone was giving me a funny feeling inside. I drained another bottle of water during the night, and thought I’d best pass on the invitation to join in for the next morning’s first dive. Diving while dehydrated isn’t exactly the best idea.

So, I guess, that these past two days have taught me this: sea sickness is real. I am prone to sea sickness. I need to find a way to get past this. I will then get as much information as I can find about this illness, why it happens, how to get rid of it. There has to be a way. I like the sea too much to let it keep me at bay, on the ground that my stomach can’t — well, can’t « stomach » it.

I am the boss here. And I say that since I cannot ignore the problem anymore, I’ll solve it. Period.

— Saturday, July 30th

D. 22 Un défi en suspens

J’écris depuis la terre ferme, donc on n’est pas vraiment vendredi 29 juillet, mais dimanche 31 juillet. C’est un #CheatDay comme je les appelle, des pages de journal écrites a posteriori. Mais je les écris quand même, parce que je me remémore clairement le moment de la journée où je me suis dit « ok, c’est de ça dont j’ai envie de parler aujourd’hui », c’est cette idée ou cet instant que je veux cristalliser, développer à l’écrit. Et comme vendredi, j’étais clouée à l’horizontal sur un ferry (voir le post suivant… hem hem…) j’ai pas pu écrire tout ça sur le moment. Mais en vingt-huit heures, j’ai eu le temps d’y réfléchir.

Je sais pourquoi j’écris presqu’un jour sur deux en anglais. Ça dépend du moment où me vient l’inspiration, je pense, et quand je suis entourée de gens, je parle (donc je pense) en anglais. Forcément, les mots me viennent en anglais. Mais ça m’arrive aussi quand je me parle à moi-même, parce que je lis en anglais.

Et mon livre de voyage, celui qui me permet de tuer le temps quand je suis clouée sur un ferry pendant vingt-huit heures, c’est Outlander. J’avais commencé à regarder la série, et je me suis téléchargé tous les bouquins sur Kindle. J’aime les séries à lire, déjà parce que j’ai en tête d’en écrire une, donc je trouve ça hyper instructif sur le rythme de narration, la diversité des personnages et des actions, mais aussi parce que je lis vite (et que je saute pas mal de descriptions) donc j’ai pas vraiment le temps de m’attacher aux personnages sur un seul roman.

Pendant le trajet, j’ai fini la partie que je connaissais déjà, pour avoir vue les saisons 1 et 2 (presque finie !) de la série sur Netflix. J’adore le moment où j’arrive dans l’inconnu, déjà parce que ça me force à ralentir, et c’est comme un supplice : il y a plus de suspense, et je dois lire moins vite. C’est totalement contre intuitif. En plus, sur Kindle, je peux pas fouiner dans les pages comme j’aime le faire avec les livres papier. Je peux aller voir les titres des chapitres, et glaner quelques infos ça et là, mais c’est vraiment difficile de sauter d’une page à l’autre. Je suis obligée de suivre le fil, et je ne vois pas les pages diminuer à droite, à mesure que je les tourne d’un clic.

Kindle est à la fois la pire et la meilleure invention du monde, pour moi. Ça me permet d’avoir plusieurs livres commencés en même temps, et de zapper entre les moments de la journée, tout ça sans avoir à porter le poids des bouquins. Or c’est toujours en voyage que j’ai l’envie (et le temps !) de lire, donc si c’est pas sur Kindle, je ne lis pas entier. Et surtout, si c’est pas sur Kindle, je peux commencer par la fin, indisciplinée et terroriste de la lecture que je suis. Ça m’oblige à suivre le rythme, et si je saute des parties, je suis obligée de tourner page par page.

Je lisais Outlander, donc, mais j’avais un oeil sur la structure. C’est assez proche de ce que j’ai en tête, même si j’aimerais vraiment éviter qu’un seul personnage prenne le dessus de la narration, comme Claire. Pour le coup, je préfère le « zapping » à la Game of Thrones, même si j’ai pas encore trouvé de façon plus élégante de faire passer la main, que de brutalement intituler le chapitre du nom du protagoniste. Et j’ai détesté aussi le « roulement » des Dan Brown, où la narration passe d’un lieu à l’autre, presque mécaniquement, à tel point que ça en devient vraiment chiant.

Pour mon premier tome, le problème ne se pose pas trop. Mes trois protagonistes restent ensemble la plupart du temps, et j’ai besoin que le lecteur suive leur processus d’intégration et de découverte. Mais par la suite, je veux développer l’histoire plus largement, et je n’ai pas encore trouvé de technique qui me permette de le faire sans les redondances propres aux séries.

À lire tous les romans de Diana Gabaldon à la suite, je note ses répétitions, au début de chaque nouvel opus : rappeler qui sont les personnages, leurs relations, amener à nouveau les faits marquants de leurs histoires personnelles… C’est redondant pour qui s’enquille plusieurs volumes à la suite, mais c’est nécessaire pour le lecteur qui attendra plusieurs mois avant la parution du prochain roman.

J’aime bien le personnage de Claire. Trop maternante à mon goût, mais je crois bien que c’est le premier personnage féminin que je ne trouve pas « trop féminin ». Elle est féministe même pour son époque, alors au XVIIIème siècle, c’est un OVNI. Elle est intelligente et diplomate, loyale et bornée, elle réfléchit avant d’agir, elle est complexe et juste. C’est un « vrai » personnage.

Je crois que si j’arrive à raconter l’histoire de femmes aussi intéressantes que Claire dans Outlander, j’aurais pas perdu le temps investi à écrire tout ça.

J’ai lu Harry Potter en me disant : wow, c’est tellement bien écrit (en anglais). J’ai lu Hunger Games en me disant : hum, je peux faire mieux que ça. Twilight m’est tombé des mains avant la moitié du premier bouquin en me disant : je peux VRAIMENT faire mieux que ça.

Les extraits seuls de Fifty Shades of Grey m’ont fait soupirer : quand est-ce que je m’y mets ?

Outlander me fait dire : ok, y a du level. Je suis capable de matcher ça. Diana Gabaldon l’a écrit comme « practice novel ». Elle faisait un « test » pour écrire un roman historique. C’était pour s’amuser. C’est un peu la même chose, pour moi : j’ai commencé par défi envers moi-même, pour voir si j’étais capable de cracher sur le papier une de ces folles histoires que j’aime me raconter pour m’endormir, le soir.

Et puis, j’y ai mis mes angoisses et mes espoirs, tous les dilemmes qui me tourmentent, ces leçons que j’aimerais qu’on apprenne, ces tiraillements et ces débats qui animent les soirées, les repas, et qui me font questionner mon existence, encore, même lorsque le sujet de conversation change.

C’est parti comme un défi d’un mois, et maintenant, c’est un projet qui me fait peur, parce qu’il est presque fini, ou plutôt, il attend que je le finisse. Que je prenne mon courage à deux mains et mes exigences, que je termine les derniers chapitres écrits à la va-vite, pour me prouver que je pouvais poser un point final. Mais il faut désormais repasser sur le texte, partout, encore une fois, parce que les mailles du récit sont trop lâches par endroit.

J’aurais pu passer mon Dive Master n’importe où ailleurs. J’aurais pu d’ailleurs ne pas m’arrêter cinq semaines au même endroit, un camp posé sur une plage, sur une côte peu habitée du sud de Sulawesi. Mais c’est un test, pour moi. J’ai de quoi m’occuper pour ces cinq semaines, pensez-vous. Je vais suivre une formation de Dive Master. Sauf que la nuit tombe à dix-huit heures, et que je ne vais pas me coucher à sept heures tous les soirs. Qu’il n’y a RIEN ici, pas une télé, pas de wifi, pas d’autres activités…

Juste moi, une plage paradisiaque, des banquettes confortables qui lui font face… Et ce défi, qui m’attend depuis presque deux ans. J’ai commencé à écrire l’intrigue en août 2014. À la veille d’août 2016, je me pose la question, à moi-même : tu vas continuer longtemps à lire les séries des autres, avec cette certitude arrogante que « tu peux mieux faire », ou est-ce que tu vas te le prouver, une bonne fois pour toutes ?

Il ne reste que quelques milliers de mots, de ces descriptions pourtant nécessaires qui te font tant suer… Et la volonté de repasser sur ces textes déjà travaillés plusieurs fois…

J’aimerais repartir de Bira avec mon Dive Master, ce serait un super accomplissement, c’est sûr. Mais si je pouvais en repartir avec mon premier manuscrit, prêt à démarcher des éditeurs, ce serait un vrai défi relevé. Et la suite, qui me brûle les doigts, et qui n’attend que mon temps et ma volonté pour glisser sur le clavier…

— Vendredi, 29 juillet

D. 21 Pause

Je l’ai sentie. La fatigue. C’est bon, j’ai compris comment mon corps communique. Puisque j’ignore systématiquement les signes physiques, c’est par les émotions qu’il m’intime de ralentir.

J’ai eu mon verdict, ce matin : un rapide examen des deux oreilles a permis au médecin de me déclarer apte à plonger, à condition de faire attention à la descente (but of course baby). Il était à peine dix heures, j’avais la journée devant moi, et… rien envie de faire.

Le soulagement a laissé place à… rien. J’avais booké deux heures de traitement dans un spa à 14h (massage traditionnel javanais d’une heure + body scrub d’une heure, pour la modique somme de 16€ environ. Bon prince, j’ai laissé 4€ de pourboire. Allez, 20€ les deux heures, c’est pour moi).

J’ai passé la journée à lire, à boire, à manger, me faire masser, lire, boire et manger encore un peu plus. Il est 21h, je suis claquée de n’avoir rien foutu… Mais quand je repense aux cinq derniers jours, je réalise que c’était ça, la première sommation : viens, on souffle un peu, aujourd’hui.

J’aurais pu écrire, mais j’avais pas envie. J’aurais pu aller me balader, mais il faisait trop chaud, j’avais pas envie. Le bureau des ferries était fermé ce matin, on m’a dit que de toute façon, j’achèterai mon billet demain, le bateau part à 13h ou 14h (ouais je vais viser midi hein, just in case…)

D’habitude ça m’énerve, d’être dans cet état semi-amorphe, j’ai l’impression de perdre ma journée. Mais ça y est, j’ai compris. C’est pas du temps perdu. C’est un besoin de ralentir, pas forcément de s’arrêter, je suis pas malade, je suis juste : fatiguée. C’est pas grave. Ça ne me condamne pas à « une journée de perdue ».

Ça me propose une journée « au ralentit ». Comme dans « qui veut aller loin ménage sa monture. » Et aujourd’hui, la monture que j’ai traînée à travers la cambrousse florésienne les cinq derniers jours m’a dit : ce serait cool si on pouvait être lavée, nourrie et abreuvée de façon genre abondante, et si au passage on pouvait ne pas trop trop trop être secouée, ce serait tip-top-merci-bisous.

Dont acte. Slow day. Ah, j’aurais pu me reposer demain, sur le bateau, j’ai 24h de trajet, ça aurait été un stop obligatoire… Mais voilà, c’est aujourd’hui que j’étais fatiguée.

Ça me fait du bien, de réussir à écouter mon corps. J’ai la sensation qu’on est redevenu copains.

— Jeudi 28 juillet

D. 20 Retour au Paradis(e)

Ce soir, le crépuscule est rouge. Un néon orangé a remplacé l’horizon, en parfaite harmonie avec la chaleur du soir.

Je suis de retour au chaud, sur la terrasse du Paradise. Il fait toujours aussi bon, ici. Rien à voir avec la fraîcheur des soirs à Ruteng, Denge ou Bajawa, hier encore. Ici, la température ne tombe pas.

J’arrive pas à décrocher le regard de cette vue. Je me sens bien. Je me sens bien, malgré la dizaine de piqûres de moustiques parsemées sur mes mains, et qui me démangent si fort que je voudrais pouvoir m’écorcher les doigts.

Je me sens bien malgré les odeurs d’anti-moustique et de sueur chaude que je n’arrive plus à décoller de mes vêtements. Je me sens bien malgré mes courbatures aux jambes, conséquences d’un trek à jeûn et de trop nombreuses heures de transport passées les pattes cassées, dans des véhicules trop peu confortables.

Je me sens bien, même si me retrouver face à un miroir pour la première fois depuis quatre jours m’a fait un petit choc. J’ai la peau rouge, gonflée de sébum en défense contre les couches de crème solaire et d’anti-moustique que j’applique en alternance. J’ai un bouton si jaune sous la narine gauche qu’il dégueule du pus.

J’ai un mono-sourcil et une moustache, trois piqûres de moustiques sur le visage dont une enflée comme un oeuf de caille au-dessus de la moitié droite de mon sourcil. Ça va, elle est pas aussi grosse que le dôme qui gonfle sur ma main droite, ni que l’oeuf au plat qui s’étire sur ma hanche droite.

Je ne panique pas, je retourne voir mon médecin demain matin, je vais en profiter pour lui montrer mes piqûres de guerre, et qu’il m’aide à identifier l’animal qui s’est cru suffisamment en confiance pour me défigurer de la sorte. (Et j’ai pris un cachet anti-allergie dans l’après midi, histoire que l’oeuf-au-plat ne devienne pas une omelette baveuse… #BonAppétitBienSûr)

Le médecin. C’est pour ça que je suis revenue à Labuan. Magnus et les filles dorment sans doute à Moni ce soir, au pied du Kelimutu, dont ils entreprendront l’ascension à l’aube. Il faut atteindre le sommet avant 11h pour avoir une chance d’admirer les trois lacs, sinon les nuages s’accrochent aux sommets.

Tous trois prendront un bus depuis Ende pour revenir à Labuan Bajo vendredi soir… Mais moi, j’ai un ferry pour Bira vendredi midi, et il n’y en a que deux par semaine. C’est pour ça que je revois le médecin jeudi, pour qu’il me dise si je peux aller plonger ou non. Si oui, j’embarque dès le lendemain pour mon camp de formation, au sud de Sulawesi. Si non… Je ne sais pas. Je voulais prendre un vol pour Java et aller me balader dans les volcans, mais Magnus et les filles reviennent vendredi soir… Pour rallier ensuite Lombok par les terres, et pousser jusqu’à Gili T.

Ça me ferait faire une boucle, et s’il n’est question que de passer encore une semaine à terre avant de plonger, je peux tenter de passer mon Dive Master à Gili T… Ce sera ni le même prix, ni les mêmes conditions, mais ça me permettrait de rester un peu plus longtemps avec mes compagnons de voyage…

En trois jours seulement en compagnie de Ticka et Tata, mes progrès en indonésien sont manifestes. Je comprends beaucoup de conversations, même s’il n’est toujours pas question de réussir à faire des phrases complètes moi-même. J’ai la flemme, aussi, de me forcer à retenir du vocabulaire et à me faire expliquer les mem- per- be- et les -nya qui composent les mots employés dans une phrase.

Bref. Aujourd’hui, contrairement à il y a six jours, je ne suis plus de tout anxieuse avant le verdict du médecin. Je ne sais honnêtement pas si mon oreille est remise ou non, j’ai l’impression qu’elles sont tellement pleine de cérumen toutes les deux que j’ai pas vraiment de sensation autre que : je sens rien d’anormal.

Mais je sais désormais que ce n’est pas un « plan B » qui m’attend si je ne peux pas plonger. C’est une aventure, et si je m’emploie à dépenser les cinq prochaines semaines comme je viens de passer les cinq derniers jours, je n’ai aucune angoisse, aucun regret, aucune inquiétude.

Ce soir, l’excitation des jours précédents est un peu retombée, et je dîne seule, à la terrasse d’un restaurant italo-indonésien.

Je suis sereine. (Malgré la demi-douzaine de geckos qui se baladent au-dessus de ma tête en ce moment même, ainsi que les insectes volants dont j’essaie vraiment d’ignorer la présence).

D. 19 Days borrowed away from eternity

I wish I could waste a lifetime of getting carried away to an unknown destination. We were off schedule by a day, and I was most likely going east only to fly back to my starting point. There was nothing more I could see before returning to Labuan Bajo, yet I continued on, just for the sake of moving forward, in great company.

I still have etched on my face the glorious smile of our early morning ride from Denge, back to Ruteng. I had felt a world away from where I had started, as if I had switched to a completely different trip.

So today, we didn’t do anything. We got off a car shooting too fast through the road, in the hand of a careless, dangerous driver. We settled in a medium hotel, and chilled around our cheap, bare rooms, for a highly needed nap. Rian continued on to Ende, but the girls, Magnus and I stopped in Bajawa for the evening.

We took care of our future travelling arrangements, and set out to find a restaurant for dinner, which turned out to prove quite a challenge, since nothing vegetarian seemed to be on the menu in each wahrung we tried.

This day got me thinking about time and value. I had been thinking about the relations between price, cost and value, but time is also valuable, yet highly difficult to praise. What’s the value of a minute? I’ve got plenty on my hands, on a daily basis. But if I’m short one after my boarding time, here goes the price of a plane ticket.

My time in indonesian is very precious. It’s not like I can come back any day, I would need time and money, and I’ve got neither of those things in unlimited quantity. But what would be the point of running to the next sight, rushing to check out boxes on the must-see tour of Florès?

There was plenty to see around Bajawa, but I was in no mood to do anything. Just chilling with my new friends was more than enough to make this day memorable.

This is what I love most about travelling. It’s not the places you go to, or the things you see, it’s the people you meet, the experiences you have, and how it makes you feel.

I never thought myself capable of living out of backpack for more than five days, yet this is already the 19th of my trip. I never thought myself capable to go without hot water, modern showers, or even familiar foods.

I was the kind of person who needed to know beforehand the complete route and schedule of a bus before deciding on a mean of transportation. Was. I like how a slow day like this one makes me realise how much I’ve already changed, so early on in this trip.

Because it is still quite early in this trip. I’m barely getting started.

— Tuesday, July 26th

D. 18 A day to remember

We stole away a day to a dimension we don’t belong to. When the sun rose over Wae Rebo, I didn’t move, too tired to lift myself up the dry leaves mattresses we had been provided for the night. But when breakfast was brought to the center of the hut, I could no longer ignore the call to rise.

Fried rice, corn crisps and some herb omelette I didn’t try had been served, along with another round of the local, incredibly good coffee. I found out over breakfast that I had been drinking water from the mountain the night before (I was too thirsty and in too dire need of water to inquire as to its origin), and since I didn’t get sick, I was no longer afraid to take generous gulps of clear water this morning, and re-filling my empty bottle.

We left the village around 9am, making our way down to Denge, back to our host. The man Tata, Ticka and Rian had heard about is offering us the hospitality of his family’s home for the day, and the night. We will leave at about 2am, when the public transport is supposed to depart for Ruteng. Translated into indonesian time, that may be any hour from 2 to 4, I guess.

But I wouldn’t trade my place for anything in the world. We spent the day with the family, and my only regret is to not be able to speak more indonesian to talk to them. Tata and Ticka do their best to include us in the conversation, but translating is wearisome.

We arrived from our trek at about half past eleven, and were welcomed with hot tea, that we drank on a straw sheet deployed specially for us in front of the house. We shared salt crackers, and while Magnus played cards with the girls, I went to wash away the sweat from the morning’s efforts.

I thought I’d miss hot water at some point, but definitely not today. The cool temperature struck my skin in blissful delight. When I joined my friends outside again, ready to begin this entry, they were surrounded by school children, apparently fascinated by the tall white man playing cards with the girls.

We shared lunch at our host’s table, rice & corn served with bitter vegetables and smoked fish. It was intimidating to be a guest in the household, and again, so frustrating not to be able to express my gratitude as much as I would have liked to.

Another coffee had us linger around the table, while the boys exchanged cigarettes. We ended up talking about tax rates and public education in France, Denmark and Indonesia, until I felt too drowsy to keep up with the constant language switch.

I was offered a bed in the main hut, and felt asleep almost instantaneously. When I woke again, the afternoon had ran away, and the family was starting to gather around, children taking interest in my writing, Magnus, the girls and the boys getting out the cards again.

Night fell and we moved to supper, but by now, my silence was starting to feel somewhat lighter. We are no longer strangers, imposing our presence in an unfamiliar place. We are guests, welcomed in this household for the evening.

This is not an experience you can order through a travel agency. This is the beauty and the wealth brought by random encounters, when strangers meet and share enough between them that they become friends.

I can’t wipe the smile off my face, and I will cherish the warmth growing inside my heart, that has chased away the awkwardness of the first hours.

I thought this day would be wasted away: we would be stuck in Denge, waiting for a ride out of there. But we ended up stealing away a priceless experience, in the heart of Flores.

This quote from St Exupéry, Le Petit Prince, comes to mind: « the essential is invisible to the eyes ». For sure. Even though I certainly got an eyeful, and the images of last night will be carved into my memory, no picture could even begin to sum up the feel of that day. After dinner, we all gathered in the main hut again, and the men got out their instruments to sing traditional songs.

I was on the verge of tears, so moved by the atmosphere of pure warmth, and sharing. We were all draped in sarongs (my new favorite piece of clothing, the best thing EVER), until it was time for bed.

For us, the night would be short. We had a 1:30am wake up call, to be ready for the ride back to Denge — whenever the ride might be ready. We ended up spending nearly 2 hours watching music video on some indonesian music channel, in the main corridor, sitting on the floor and drinking coffee.

At 3:30, we boarded the « trucksport », and bade our good byes. I will never forget this day. And as the truck began its bumpy descend through the jungle, it was blasting a very appropriate song, about making the moment last.

Nothing could wipe the smile off my face at this point. As we were dashing through the damp night in the jungle, I could hardly believe my own happiness. These moments aren’t even dream material, they’re token of eternity stolen from paradise.

Dawn crept on us, and lit up the rice fields as we reached the heights approaching Ruteng. Hardly the end of the road, though.

As I let the cold morning wind chill the skin of my face, I reminded myself of this thought, that I had confided in Magnus this morning, drunk from tiredness: I think this fucking ear infection is the best thing that has happened to me so far, in this trip.

Had I not been grounded for seven days, I would have been off diving around Komodo, having a fantastic time, for sure. But this day? That was a jewel, every minute of it. And I will cherish these memories like the priceless diamonds they are.

— Monday, July 25th

D. 17 Le prix, le coût et la valeur

Wae Rebo, ça se mérite. Mais je vais commencer par le début.

Au départ de Ruteng, notre plan s’est déroulé sans accroc. Mieux que du papier à musique. On s’est renseigné auprès de notre hôtel, le Rima, partiellement en construction (ou en rénovation, question de point de vue j’imagine).

On voulait rallier Denge en bus public, non merci pas louer de scooter, encore moins monter à l’arrière d’un conducteur indonésien, et non merci, on ne veut pas non plus louer une voiture avec chauffeur pour la journée, pour la modique somme d’un demi-million et plus. Même si ça faisait toujours que 250 000Rp par tête, soit moins de 30€, on en a fait une question de principe. On n’est pas là pour se faire balader en jeep climatisée.

Le bus public donc, c’est un « Truck-sport » (ils disent TRACHPORT mais je suis pas sûre d’avoir compris.) Il part du Terminal Mena à 11h maximum, ou dès qu’il est plein. Mieux vaut ne pas trop traîner, donc.

Comment rejoindre le Terminal depuis notre hôtel ? On s’apprête à héler deux scooter (PLEASE GOD NOT AGAIN), quand un bemo arrive à l’horizon. Sauvée. Le patron de l’hôtel, qui nous avait briefé sur le trek de Wae Rebo (et tous les paiements dont il faudra s’acquitter d’ici là), nous aide à négocier le prix du bemo. Ce sera 10 000Rp chacun, ce qui correspond au juste prix.

9h20, nous voici au Terminal. J’ai pas le temps de ressortir mon Kindle pour vérifier comment on dit « où est le bus pour Denge » qu’un jeune crie à la cantonade :

« Wae Rebo ! Wae Rebo ! »

Je n’ai plus qu’à vérifier quelques informations auprès du chauffeur, démontrant mes nouvelles compétences en indonésien : combien de temps dure le trajet ? On arrive à quelle heure ? Environ quatre heures de route, et on arrive à 14h. Exactement ce qu’on nous avait dit à l’hôtel, parfait. C’est 50 000Rp le trajet, là encore, nos infos sont justes.

Embarquement immédiat… Telle une princesse, je me présente à l’arrière du carrosse, m’attendant à y trouver une échelle. LOL. Les indonésien•nes, déjà entassé•es à l’intérieur, m’indiquent une rangée de libre. On nous crie de passer nos affaires, et j’ai pas le temps de réagir, mon sac est déjà plaqué sur le toit de la carlingue avant que je n’ai pu en extraire mon « petit sac » de voyage. Mais à part ma bouteille d’eau, il ne m’a rien manqué. Je n’aurais pas pu continuer de lectures pendant ce trajet…

Le « truck », donc, c’est un camion de transport de bois transformé en bus ouvert sur les côtés. À l’intérieur, sept planches parallèles marquent les bancs, tous ont un dossier sauf le dernier, juste avant la barrière arrière. On peut donc s’y assoir face ou dos à la route.

Capacité : +60 personnes et un cochon vivant

Nous partîmes à environ quatre par rang, et deux mecs sur le toit. Nous finîmes par atteindre sept par rang (enfants compris) et douze sur le toit, aux dires de Magnus qui, à l’instar des jeunes hommes présents, a été invité à laisser sa place à une jeune femme en rejoignant ces messieurs sur le pont supérieur.

Moi, j’ai commencé le voyage aux côté de Tata, étudiante indonésienne de 22 ans originaire de Java (qui parle très bien anglais), puis au-dessus d’un cochon vivant, sur la dernière planche face à la route.

On est parti à 9h42, et on a été débarqué à Denge vers 15h30. Ce sont donc près de six heures que Magnus et moi avons passées dans ce bus, au milieu des locaux qui se rendaient d’un point à un autre sur la route entre Ruteng et Denge, et de trois autres touristes indonésien•nes, qui comme nous, prévoyaient de rallier Wae Rebo pour la nuit.

C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Tata, Ticka et Rian, deux jeunes filles et un garçon venus aussi visiter le village indigène.

Tata a été la première à m’adresser la parole et à se présenter, dès le départ. Et cette question : « pourquoi vous n’avez pas pris un chauffeur ? » Parce qu’on voulait voyager avec des Indonésien•nes, rencontrer des gens ! Mais après ces six heures, j’aurais plutôt répondu : « Tu plaisantes ? Je ne manquerais ça pour rien au monde ! »

Je vais pas le survendre. Le trucksport, c’est sportif. Le confort n’est pas garanti et le vol n’est pas non fumeur. Niveau climatisation, ça va, pas besoin, y a du vent quand on roule, mais ça tape très fort quand on s’arrête en plein soleil, soit environ toutes les vingt minutes, parce que ce truc s’arrête PARTOUT et même quand il est plein à craquer, les gens montent encore.

À mi-parcours, on a chargé un cochon vivant, et j’ai échangé ma place loin de la bête avec les jeunes femmes apeurées par le comportement peu coopératif de l’animal.

Et j’étais là, à l’arrière du truck, à utiliser mes deux mains et mes deux pieds comme amortisseurs, calés où je pouvais mais pas au sol à cause du cochon, à me dire : j’échangerais pas ma place contre un fauteuil en business class.

Je volais à travers les bananiers, les rizières, et oui, ça secoue, mais tout d’un coup l’odeur de la mer me saisit les narines et j’oublie que j’ai mal au dos dans cette position. C’est pas grave parce que vingt minutes plus tard, j’ai déjà changé, des gens sont descendu, j’ai plus de place pour mes jambes.

Ces six heures de transport extrêmement folkloriques m’ont donné tout le temps nécessaire pour continuer ma réflexion sur la valeur des choses. Le prix, le coût et la valeur. Trois notions extrêmement différentes, qui se confondent pourtant souvent dans mon quotidien, et dans mon esprit.

La vie ici ne me coûte rien, ou si peu que ç’en est dérisoire. Les prix que je paie me semblent totalement déconnectés de la valeur que j’accorde aux choses.

On a traversé tellement de rizières et de villages de paysans, et je me disais : c’est eux qui nourrissent la planète. C’est leur riz, en train de sécher au soleil, que je vais faire cuire à Paris. Ce riz qui transite par sacs en toile de jute comme ceux qui jonchent le plancher de notre vaisseau (à côté du cochon).

Pourquoi vous n’êtes pas riches ?

Pourquoi ces gens ne sont pas millionnaires ? Pourquoi ils vivent dans des baraques à l’air si précaire, et pas dans des villas avec piscine, comme les grands exploitants texans ? (qui non seulement ne nourrissent pas grand monde, mais ont plutôt tendance à empoisonner les gens avec leurs pesticides, leurs OGM et leurs cheptels envahissants).

Pourquoi on n’a pas plus de reconnaissance, ou de la reconnaissance tout court d’ailleurs, pour tous ces gens qui nous nourrissent ? Pourquoi le kilo de riz est si peu cher alors qu’il vient de si loin ? Et quelle est la part qui revient au final à ces gens qui prennent soin des plants les pieds dans l’eau, à longueur de saison ? Qui se cassent le dos à les extraire du sol, à sécher les graines avec tant de précaution ?

Pourquoi ça coûte RIEN de manger leur travail, alors que sans eux, on crèverait vraiment de faim ?

On arrive à Denge, ou plutôt, on nous largue au terminus, au pied du départ du trek. Les filles ont une bonne adresse : il y a un vieux monsieur qui héberge gratuitement les voyageurs, et chez qui on peut aussi laisser des affaires. Moi j’ai allégé mon sac au max pour ces cinq jours, mais Magnus ne revient pas à Labuan Bajo, donc il a tout avec lui.

On nous offre un thé, et je comprends qu’on arrive trop tard pour faire le trek en entier. On doit arriver avant 20 heures pour le dîner, et on nous propose de nous avancer au maximum à dos de moto (MAIS ENCORE PUTAIN). Je fais très vite le calcul de préférences entre 4 kilomètres de moto et garder mes deux guides indonésiennes, ou reporter le trek au lendemain matin mais perdre toute possibilité de communiquer avec mes hôtes.

Va pour la moto. (GOD PLEASE MAKE IT STOP).

Le trek des débutantes

On a deux heures et demi de marche jusqu’au village, et je viens de me rappeler que : on n’a pas mangé depuis le petit déjeuner. Un toast de pain de mie carré et un thé, pour ma part. Magnus a eu un oeuf au plat, j’ai passé.

Je viens de faire dix minutes de moto, et par conséquent, un shot d’adrénaline a fait descendre mon niveau de sucre dans le sang très brusquement. Et mes barres de céréales sont… dans le sac à pharmacie que j’ai décidé de laisser derrière, parce que je pense survivre une nuit sans mes deux kilos de médocs (ainsi que mes chargeurs en tous genres).

Donc. C’est parti pour deux heures de trek en mode jeûne, après tout, ça se fait. La nuit tombe, mais on a tous des lampes frontales, alors ça va. Sauf qu’on est dans la jungle, alors je balance à Magnus :

– T’as vu le film Avatar ?
– Ouais ?
– « première nuit dans la jungle »… J’essaie de toute mes forces d’ignorer les bruits que fait cette forêt.
– Ha Ha !

À partir de ce moment, il n’a plus arrêté de se moquer de mes sursauts fréquents, malgré ma tenue spéciale aucune-bête-ne-viendra-me-chatouiller-le-cou-j’en-fais-le-serment.

Selamat Datang Wae Rebo

Bienvenue à Wae Rebo

L’arrivée à Wae Rebo s’accompagne d’un rituel. On est accueilli par le chef du village, il faut faire une donation de 10 000Rp par personne. Il faut aussi payer le guide, 200 000Rp par groupe (on est cinq). Pour rester dormir au village, il faut s’acquitter d’un tarif fixe de 325 000Rp par personne, ce qui inclue le dîner et le petit-déjeuner (et ptêt le déjeuner aussi mais je ne suis pas sûre). On dort sur des paillasses dans la hutte traditionnelle réservée aux hôtes, avec un oreiller et une couverture (perso j’ai aussi le sac de couchage parce que je suis préparée à toutes les situations.)

C’est peut-être cher payé pour ce que c’est, et je me demande un peu où va l’argent de ce business, puisque clairement, personne ici n’a d’iPhone 6. C’était d’ailleurs la petite blague d’accueil, avant le café qu’on nous a offert après la cérémonie : vous voulez le mot de passe du Wifi ? C’était en indonésien mais j’ai tout compris, haha !

Mais c’est une expérience inestimable.

La cérémonie d’accueil était émouvante, et pourtant, j’ai rien compris au discours du chef. Mais au fond, j’ai tout compris. Il nous a accueillis. Nous sommes entrés, cinq étrangers dans ce village, et nous sommes ressortis de cette hutte cinq amis, qu’il accueille volontiers au sein de sa communauté, l’espace d’une nuit.

Tata a fondu en larmes, et j’en étais pas loin moi-même, sans même avoir pu comprendre le sens des paroles. Le ton, la musique de la langue et les sourires ont suffi.

Je me fais la promesse de revenir lorsque mon niveau d’indonésien me permettra de comprendre ces mots et de communiquer moi-même avec les villageois•es. Je compte repartir d’ici avec un sarong traditionnel, de l’un de ceux qui sont en vente, peu importe le prix. Même si je me doute qu’il sera bien supérieur à son véritable coût. Emporter un morceau de cet endroit avec moi, c’est matérialiser ma promesse de revenir.

L’avantage avec un vêtement, c’est que ça se porte. J’aurais de quoi m’habiller « bien », c’est-à-dire convenablement et respectueusement, si j’assiste à des événements formels indonésiens. (Bien sûr ce n’est pas un déguisement, je suis pas con).

Ce soir, j’ai donc dégusté le meilleur café de ma vie, haut-la-main, dîné assise en tailleur avec une douzaine d’autres visiteurs venus d’un peu partout, indonésiens comme étrangers, et je suis là, adossée à l’un des piliers de la hutte, à me raconter tout ça pour être sûre de ne jamais l’oublier.

Une journée comme celle-ci n’a pas de prix. En sortant de la hutte du chef, j’ai levé les yeux au ciel, et failli tomber à la renverse. Les étoiles dégoulinaient de la voûte céleste, mais elles restaient accrochées dans la voie lactée, qu’on remarquait par ses traces claires sur l’encre noire.

Incroyable. Où est passé cette journée ? Dans quelle dimension suis-je passée ?

Six heures de trucksport à travers les montagnes, 4 bornes de moto en altitude, et 2h30 de trek à travers la jungle.

Wae Rebo, ça se mérite, et ça se paie. Mais ça n’a pas de prix.

Au dîner, Tata m’a demandé :

« pourquoi tu aimes tant l’Indonésie ? »

Je sais pas. Parce que vous êtes accueillants, ouverts, tolérants, que j’ai le sentiment qu’une fois que je pourrais parler, je pourrais facilement m’intégrer ici, qu’on s’en fiche que je sois blanche, je serais pas perçue à vie comme une gosse de riche à pigeonner. Parce que j’ai le sentiment que la diversité de cultures, de racines, de religions et de croyances ici n’est qu’une richesse, et pas un motif d’exclusion ni de conflit. Et qu’il faut une grande sagesse pour en arriver là. Que je regarde avec beaucoup de honte le passé guerrier, colonial et meurtrier des nations européennes, d’autant plus que c’est la première fois que je visite vraiment une « ex-colonie ».

Parce que ce pays est fabuleux à bien des égards, et qu’il me fascine de plus en plus. Parce qu’une journée comme celle d’aujourd’hui me coupe le souffle et me vole les mots. Et que ça fait bien longtemps qu’aucun endroit ne m’avait foutu une claque comme celle-là.

— Dimanche 24 juillet

D. 16 Il ne me manque rien

Je continue mes réflexions sur les habitudes, en glissant sur la question du confort. Hier soir, j’ai fait mon sac pour les cinq jours à venir. J’ai gardé les vêtements chauds, parce que nous allions un peu nous poser en altitude, et qu’on ne sait jamais, les nuits pourraient se rafraîchir.

Mais j’ai viré mes affaires de plongée : exit le shorty, les palmes, le parachute et son plomb de 500g, la lampe-torche étanche également sévèrement lestée (pour ne pas perturber ma flottabilité, bien sûr). Tout est resté à l’hotel, que je retrouverai mercredi ou jeudi soir.

Exit aussi le Routard de Bali-Lombok, dont j’ai déjà tiré l’essentiel des informations pratiques. J’ai largué mon pantalon de pyjama panthère, trop épais pour le chaud, trop léger pour le froid, et trop lourd à porter. C’était mon choix « demi-saison », mais il n’y a pas de demi-saison ici. Il fait 30°C ou il fait froid parce qu’on est en altitude. Faites vos jeux.

Je me suis fait la réflexion pendant le trajet, dans la voiture climatisée qui nous amenait de Labuan Bajo à Ruteng : il ne me manque rien. En termes matériels, entendons-nous bien.

Je me prends à me demander : à quoi servent les myriades de TRUCS qu’on est capable d’entasser dans nos appartements ? J’ai eu plus de six appartements (déjà !) dans ma vie, autant de déménagements, tellement de cartons, et pour le cinquième, j’ai simplement renvoyé chez mes parents des cartons pas déballés du précédent déménagement.

À quoi ça me sert ?

À quoi ça me sert, tout ça ? Tous les livres dont j’ai besoin sont sur mon Kindle — ou ils finiront par l’être. Les habits dont j’ai besoin se résument à deux ou trois tenues pour pouvoir tourner entre les lessives, et de quoi répondre aux contraintes climatiques et environnementales.

Mais le luxe que c’est, de ne pas avoir à se poser cette question le matin : qu’est-ce que je mets ? Et bah LA tenue propre qui correspond à la météo du jour, ma chère. Le choix est très vite fait, et il est pleinement satisfaisant.

Je me surprends, plusieurs fois par jour, à me demander « OK, comment je m’occupe ? ». Si je veux une connexion Internet, il faut aller la chercher. Si je veux faire quelque chose, il faut m’organiser. Mais entre deux expéditions, excursions, visites, il faut bien « s’occuper », d’autant que la nuit tombe à 18h ici, et que la faiblesse de l’éclairage public en fait une VRAIE nuit noire dès 19h.

Donc, comment je m’occupe ? C’est magique. Je réfléchis. Je lis. J’apprends l’indonésien (super vite vu mon temps libre). J’écris. J’écris sur l’ordinateur quand je prends le temps de me poser, j’écris sur mon carnet nul qui n’aura jamais assez de pages (donc que j’économise) sur lequel je gribouille des schémas de pensée, des raisonnements…

Je prends le temps de ne rien faire

Je n’ai rien et je ne m’ennuie pas, parce que je meuble de façon épanouissante. On avait plus de trois heures de route, ce matin. J’en ai passé une et demi à avaler du vocabulaire indonésien, et le reste à contempler le paysage, et reposer mes yeux par intermittence (ça balançait beaucoup trop dans tous les sens pour pouvoir dormir, et la passagère derrière nous a rendu ses tripes dans un sac plastique pas moins de sept fois. God bless her soul).

On est arrivé, j’avais pas vu le temps passer. On a trouvé un hotel, en marchant un peu. 100 000Rp la nuit, avec une porte qui ferme à clé, et dans la chambre d’en face, un grand Danois d’un mètre quatre-vingt. Mon ami, compagnon de voyage pour quelques jours encore.

On est allé déjeuner dans un warung, j’ai réussi à traduire une partie de la carte, assez pour lui permettre d’apprécier la diversité des options. On a mangé un Gado-Gado, un plat de légumes au tofu, tempeh et sauce piquante à la cacahuète. C’est tiède, un peu chelou, mais c’est bon (c’est servi avec des chips de crevettes et un oeuf dur, et je sais pas encore comment demander sans, et je refuse de gâcher de la nourriture ici donc je mange quand même, sauf si j’ai plus faim. Mais je ne fais pas de gâchis de principe.)

30 000Rp pour nos deux plats : à peine 2€.

Je m’étais juré : pas de scooter

Treize heure trente, ça y est, on a trouvé un scooter à louer. Trop cher, mais bon, 100 000Rp à deux, ça fait jamais que 3,50€ pour trois heures de scooter à travers les rizières en toile d’araignée de Cancar, c’est donné.

On part, je suis tétanisée à l’arrière, j’avais pas besoin de prendre un sac à dos, mais je l’ai rempli de mou pour me servir de dorsale en cas d’accident. Je peux pas lâcher prise sur les accidents de la route, je sais que ça pardonne pas, j’ai insisté pour avoir un casque qui ferme, tandis que la bride de celui de Magnus flotte au vent. J’ai un pantalon et une veste pare-soleil et coupe-vent, mais on roule à 30, parce que s’il accélère, je lui plante mes cinq doigts dans l’épaule et je lui déboîte la clavicule, c’est sûr.

Mais on avance, et je me détends, parce qu’on a un bon scooter et qu’il conduit bien, il ralentit quand il faut, la route est en bon état, et puis on quitte la rue principale pour s’engouffrer dans les rizières.

Les rizières de Cancar (on dit « Tchannchar »)

Y a pratiquement plus de circulation, maintenant le challenge c’est les trous sur la route, mais ça y est, je me sens bien. On monte dans la jungle quand soudain la forêt s’écarte et on vole au-dessus des rizières, qui dégringolent à quelques mètres de nous. Le ciel est nuageux mais c’est beau quand même parce que ça fait ressortir le vert que sinon le soleil écrase, et le ciel d’acier vole son éclat.

La route qu’on suit arrive dans ce village, dont j’ai pas imprimé le nom. Un truc en G, qui ressemble à « montagne », donc « gunung » ou quelque chose dans le genre. Le riz sèche sur des grandes bâches devant les maisons. Les enfants courent après le scooter, nous lancent des « hello ! » enthousiastes et éclatent de rire quand on leur répond.

Les habitants nous sourient, les filles et les garçons sont habillés pareil, ils jouent pareil, ils travaillent aussi, on les voit porter des sacs de riz ou des bidons d’eau, on voit des dos cassés dans les rizières aux alentours, recouverts de vêtements contre le soleil qui tape quand même malgré les nuages.

On est rentrés, et j’étais bien. Dans la rue, les lycéens nous arrêtent pour « practice english! ». Ils font des stages et des formations dans le tourisme et l’hôtellerie, donc ils savent demander qui on est, d’où on vient, pourquoi on est là, quel est notre programme. Ils veulent faire des photos avec nous.

Au début j’étais un peu méfiante, parce que j’ai des objets de valeur plein les poches. Des trucs. De l’argent. Qu’est-ce qu’ils veulent me vendre, encore ?

Ils n’ont rien à vendre, ils veulent juste parler anglais. Et ils éclatent de rire aussi quand je leur réponds « saya senang belajar bahasa indonesia ». Ou « saya suka », je sais pas trop. Je suis super contente d’apprendre l’indonésien, en gros.

C’était le 16ème jour de mon aventure, et aujourd’hui, c’était vraiment l’aventure. Ça fait peur et ça surprend, ça secoue et détend. Je n’ai rien avec moi, et il ne me manque rien.

Quelques résolutions

Conclusion, résolution : à mon retour, grand ménage de printemps dans mes placards. Ça faisait déjà quelques années que j’avais arrêté de faire du shopping, mais va falloir se débarrasser des fonds de tiroir, littéralement. Toutes les fringues qui ne sont plus confortables, plus à ma taille, qui ne remplissent aucune fonction pratique (sport, froid, pluie, soleil, chaleur), ça dégage.

Tous les objets à vocation sentimentale, soit j’en fait une photo et je raconte son histoire sur Instagram (ça durera plus longtemps et ça prendra moins de place), soit en fait, ça vaut pas le coup d’utiliser de l’espace pour un truc dont j’ai oublié le sens. Dans les deux cas, j’en ai pas besoin dans mes armoires.

Tous les livres qui n’ont pas une fonction pratique (dont j’ai besoin en ce moment, et régulièrement), ça va dégager aussi. Ça ne se jette pas, bien sûr. Je vais les donner. Mais je vais réfléchir à comment m’en séparer… Ceux qui me restent sont, pour la plupart, dédicacés. J’aimerais bien les garder pour ma future bibliothèque, mais dieu seul sait où et quand j’en aurais une.

Je crois que j’aime davantage l’idée que mes exemplaires dédicacés continuent leur vie de livre, à passer de mains en mains, à l’infini.

Quelqu’un finira par se retrouver avec un original de François Hollande, signé au nom de Clémence, « avec toute mon amitié ».

Je ne crois pas que toutes les choses que j’aime et qui m’entourent à Paris soient sans valeur, ni utilité. Je crois juste qu’elles prennent trop de place dans ma vie, que je pense sans cesse en termes de confort et pas assez strictement en termes d’utilité.

La moitié des affaires que j’ai emportées est inutile. Mais elles m’apportent un certain confort. Moitié moins, voilà un objectif.

Réduire de moitié la quantité de « trucs » que je possède. Je veux me recentrer sur l’essentiel dans ma vie, et ça passe par redescendre mon centre de gravité au plus près de la Terre.

Demain soir — Inch’Allah ! Nous dormirons à Wae Rebo, dans un village traditionnel. C’est-à-dire à même le sol, dans une espèce de hutte collective. « Les toilettes sont dans la nature » peut-on lire sur Internet.

Je m’attends donc à prendre une nouvelle leçon sur le confort matériel et la simplicité.

21h, je fais les comptes de la journée : 100 000 pour la nuit, 50 000 chacun pour le scooter (j’offre les 30 000 d’essence, c’est lui qui a conduit), 15 000 chacun pour le déjeuner, et j’ai fait des folies ce soir : 45 000 pour des nouilles frites et un thé au gingembre.

240 000Rp, soit environ 17€. Paris et ses pintes à 7€ ne me manqueront pas, c’est certain.

D. 15 The safety tax

So that’s what it means to be a young woman travelling alone.

This morning, I was woken up by a maid, around 9:30. That’s not bad. What upset me was the reason she did it: some guy, Roonie, was calling upon me. And no, Roonie wasn’t my latest « one night stand », far from it. He was the guy I had met yesterday about sunset, on the road above my hostel.

I had just reached the main road, emerging from the hill’s hidden path, when this guy stopped on his scooter. He asked where I was going, I said I was just walking around, which was true. Most guys on scooters here are eager to offer a ride for 5 to 10 000 rupiahs, so I wasn’t at all put off by this situation.

He offered to take me to the beach, and since I hadn’t found a beach and that would be the perfect spot to enjoy twilight, I agreed. Once again, no red flags there, since our numerous discussions with Julie, the backpacking girl who had completed a world tour, and Harold, our french guide on the cruise, had let me believe that this is a perfectly normal behaviour to have.

The conversation I had with Roonie was also very normal: where are you from, how long are you staying, bla bla bla… Although perfectly casual, I refrained myself from sharing any specific details in our exchanges, save for the irrelevant facts like: yes, I came here to dive, but, I can’t go because my ear’s infected.

But « I don’t know how long I’m staying » (seven days, not another one), « I don’t know what I’m going to do » (find myself a tour inland), « Yes, I already have a room booked » (did NOT specify where, for the record).

Prudent behaviour, even before anything felt awry. The collaterals of growing up as a girl.

He took me to the harbour, downtown, through the fish market, and it was a very enjoyable moment, to be driving through the warm air of the beautiful afternoon, coming to an end. At the harbour, the conversation started to get creepy, as I gathered from his poor english that he was more or less offering me to stay forever in Flores, that he would welcome me in his family, he wanted to show me his village, and so on.

Sensing it was time we parted ways, I told him I was looking for a bar to sit and work (again, plain truth there). I let him drive me a little further to the TreeTop, which turned out the be exactly my kind of place, where tourist AND indonesian folks come to hang out (save for the food, where nothing vegan was particularly enticing, most of my choices being of european inspiration).

I told him I needed to work and said good bye, but he stuck around for a drink (not at my table, as I had made perfectly clear that I was busy. Again, nothing but the truth). It’s when he moved to another table, to bother another single lady, and that she told him off quite plainly that I realised my « nice guy » was not at all that nice, and that it probably wasn’t the cultural differences or the language barrier that made it hard for me to make myself clear: he just wasn’t listening.

But he did go, trying to make an appointment the next day, so I told him no, because I don’t know what I’m doing, and with my sick ear, I’m not making any plans. But this is a small town, so we might run into each other again, and let me get the drink, as a thank you for the ride and the tour.

He left. I thought I had adopted the best possible behaviour in this situation. I was courteous the whole way through, but firm, and I had kept the upper hand at every moment.

Yes, he had been a little too insistent to stay after I had told him good bye now, but I’ve had to shake off worse stalkers in my days. All in all, nothing happened.

Until this morning.

Stalker alert

« Excuse me to wake you up, sorry to bother you… There’s a guy, Roonie, asking for you »

What the what? How did he find my hotel? How did he know to ask for ME? Yes I told him my first name but that’s hard enough to remember, let along to repeat it and for someone to understand it.

I told the maid I didn’t know that guy, he just gave me a ride yesterday, and no, I’m not coming out, I’m sleeping… And I’m sick! I showed her the ear drops I had put it 2 hours before (then fell asleep again).

She went away, I turned to sleep again, but a couple minutes later, she was back, with another member of the staff (a guy), AND ROONIE.

So I told him off very bluntly this time, adding that I AM SICK I’m not going anywhere with him, and please LEAVE ME NOW I’m SLEEPING.

But now he knows he’s got the right place, he even knows which tent I live in. Oh yeah, A TENT. No door I can lock, not a single door between the road, the entrance of the hostel, the terrace, then the tents, then MY TENT. You can just walk in. For 100 000Rp a night, what to expect?!

I call it the safety tax. It sums up all the expenses a woman has to make, that a man doesn’t need to. That a man doesn’t even think about, because it is completely unheard of. Men can be stalked by someone they know, but very, very very rarely by a complete stranger.

I’ve already scouted another place, much fancier, much more expensive (probably over double what I’m paying here — update: seven times what I was paying then), but with doors that can close, and staff members to prevent strangers from entering the facility.

I don’t want to move out, because I like this place better, I certainly don’t want to spend more money to be downtown, living above a fancy and very western restaurant/bar. But should Roonie pay me another visit here, I just might have to leave.

Now two details in this story are infuriating me. The first, is how hard it was for me to recount precisely my own behaviour of last night. Thinking back, I could just point out the many moments when « I led him on ». I should have said « no » firmer. I should have stopped hanging out with him straight from the harbour. I shouldn’t have bought him the drink. I shouldn’t have accepted the ride in the first place…

Yes, it’s MY behaviour that I’ve been reviewing critically. It’s ME I blame for what happened. It’s MYSELF I doubt when I questioned the way I refused his proposals. Not firmly enough? Not clearly enough? Not enough.

But in the end, it’s HIS behaviour that’s the problem. Not the way I have been reacting to it. How many times will I have to write it, to repeat it, for it to stick: you’re not responsible if you’re being stalked. Being courteous and polite isn’t a problem. Abusing this courtesy and ignoring a polite but unequivocally firm « no » is the problem.

I’m not responsible, but I’m still paying the consequences. And that’s the second infuriating detail of the story: I’m the one who’ll have to move out of this place if he comes back.

— UPDATE —

Now it’s half past six, and I’ve just enjoyed a beautiful sunset from the very well oriented terrace of the Paradise Bar. I took a scooter ride there (5 000Rp), and Magnus, my danish friend met on the cruise, joined me for a drink.

We are leaving tomorrow at 7am on a shuttle bus to Ruteng (3-4 hours drive), where we will find a room for the night, and spend the day visiting around Cancar. On Sunday, we depart for Wae Rebo, a traditional village where we will most likely spend the night.

Monday, we make our way from Wae Rebo to Bajawa, find a place for the night then enjoy the sights. Tuesday, we’ll reach Moni through Ende, and organise our sunrise trek on the Kelimutu mountain.

Wednesday morning, if everything goes according to plans, we’ll watch the sun rise over the three lakes. I fly back to Labuan Bajo thursday at 7am, go straight to my doctor for our seven day check up, and probably spend another night in town, before boarding a ferry to Bira the following day, or catching a flight to Java as soon as possible.

Sounds like a plan. One that will keep me busy in the best way possible for the next six days. One that takes good care of my stalker problem.

One that does not feel the least like a contingency, but much rather like a perfect plan. Even though we’ll likely improvise most of it as we go.

I guess you could call it tax evasion.
🙂