D. 55 Point final

Quelle sensation étrange, euphorique, vertigineuse et flippante à la fois : le point final.

Déjà, c’est encore une première fois à épingler au tableau de cet été. C’est la première fois que je termine un roman. Rien que de l’écrire, ça me procure un sentiment bizarre. Comme « un soulagement positif ». Ce n’est pas une douleur ou un manque que je soulage, c’est un accomplissement que j’achève.

Et c’est étrange.

Je me suis relue, critique et scrupuleuse, avec un oeil acéré et les doigts tendus sur le clavier. J’ai traqué les anglicismes involontaires, les coquilles, les fautes d’accord. J’ai ciselé les phrases complexes, taillé dans les structures lourdes, construites à l’envers, les propositions mal reliées, mal assemblées.

J’ai interrogé mon intention, derrière chacune de mes idées. Est-ce que ces mots ont un sens ? Est-ce que leur contexte le rend univoque ? Est-ce que le point est clair, clairement amené ? (Est-ce que j’ai bien évité des anglicismes insupportables à la « le point est » ?)

Est-ce que j’ai pas intégré des références à d’autres oeuvres, qu’il faut soit assumer en bonne et due forme, soit retirer du texte ? (Ou la hantise de choper des idées chez les autres sans s’en rendre compte…)

Est-ce que ma chronologie est cohérente, est-ce que les « portes ouvertes » sont des négligences, ou des clins d’oeil volontaires à la suite ? (Spoiler alert : j’avais fait n’importe quoi dans les dates, MDR… ET je me suis surprise en retrouvant quelques unes de mes « pistes » pour les tomes suivants, en mode « ah mais oui lol faut pas que j’oublie çaaa »… Hashtag autrice en carton…) (mais c’est bon j’ai pris des notes hein)

Je me suis relue, et je ne peux pas m’empêcher de me demander : est-ce que c’est publiable ? Je ne doute pas vraiment que cette histoire soit intéressante à lire, sans fausse modestie : ça va faire dix fois que je la lis, et je prends toujours du plaisir à la re-découvrir, j’oublis certains détails (cf paragraphe précédent).

Après plusieurs relectures, je pense avoir lissé le style, même s’il doit rester quelques lourdeurs, et quelques répétitions (malgré mes efforts pour retirer mes usages abusifs de l’expression « briser le silence », il doit en rester trop…)

Et même après plusieurs relectures, toujours le même sentiment : bordel, j’ai vraiment TOUT découvert, là. Je ne me suis jamais sentie aussi nue qu’en voyant mes états d’âmes, mes dilemmes moraux, mes batailles intérieures exposées comme ça, tous ces sentiments traduits en paroles prêtées à des personnages, que j’agite comme des marionnettes, planquée derrière un mince écran de papier.

C’est exactement ça. Tout est de moi. Tous les personnages sont moi, leurs caractères, leurs hésitations, leurs doutes, leur détermination, leur courage et leur lâcheté, leur altruisme et leur égoïsme. Leurs ambitions et leurs angoisses, leurs rêves et leurs limites.

Ils ont les visages de gens que je connais ou que j’ai sans doute croisé, et que mon subconscient me recrache lorsque j’entends leur voix, dans mon esprit. Mais je n’ai pris aux gens qui existent que leur apparence physique, et encore, seulement à travers mes propres yeux. Un détail de chez eux.

C’est vraiment une expérience étrange, de coucher tout ça sur le papier. Et plus encore de le relire deux ans après le premier jet, et de toujours s’y retrouver. Comme si c’était une photo de moi qui vieillissait avec moi, sans que l’image ne change.

J’ai dis que j’y ai mis un point final, mais c’est faux, bien sûr. C’est un « à suivre » que j’ai apposé à la fin, parce que c’est pas du tout la fin, au contraire. C’est à peine le début de l’aventure.

Expi(r)ation, Renaissance, Tome 1. Peut-être bientôt en librairie (PS : je cherche un ou une éditeur•rice, à bon entendeur, cordialement), et sinon, sur Internet.

« Coming soon », whatever happens!

544 851 caractères
88 043 mots
241 pages en PDF, interligne 1.3
29 chapitres + 1 épilogue
Et un point final.
🙂

Ah, et du coup : défi relevé !!!

D. 54 Le grain de sel et la gangrène

…Ou pourquoi je suis fatiguée d’être le messager. (Ouais j’suis allée le chercher un peu loin, ce titre. Au départ c’était « I’d hate to be the bearer of bad news », mais après avoir fini de l’écrire, j’ai commencé par décider de ne pas m’auto-qualifier d’oiseau de mauvaise augure. Parce que oui ça pique, mais je ne suis pas le problème de cette fable. Voilà pour les coulisses…)

Here comes the Killjoy…

C’est une phrase du bouquin de théorie de plongée, sur le respect de l’environnement, qui m’est restée en mémoire. Je l’ai lue il y a plus de trois semaines, et elle continue de me revenir à l’esprit, régulièrement.

Il y avait toute une partie consacrée à la surpêche, aux pratiques anti-écologiques qui font énormément de mal à la faune océanique, aux dangers assez imminents que représentent la pollution et l’action humaine, lorsqu’elles entraînent la destruction des mangroves et la mort des coraux.

Et il y avait une question du test :

« Comment pouvez-vous participer à la sauvegarde des écosystèmes marins ? »

Étonnamment, il n’y avait pas « #GoVegan » dans les propositions de réponse, mais j’y reviendrai.

L’une des réponses à cocher était (je paraphrase de mémoire) :

« Informer vos proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes »

Practice target on the messenger

Ah mais pas de souci les gars. Pas-de-souci. Et je pourrais aussi porter un T-shirt « #GoVegan », au cas où juste le fait d’être végane n’attirait pas suffisamment d’attention au quotidien, surtout au moment des repas.

C’est pas comme si « mes proches », « amis-famille-collègues » comme ils disent, mais rajoutons n’importe quel quidam au passage, n’avaient pas de base une réaction défensive au simple rappel de l’existence du véganisme.

Moi je veux bien « informer mon entourage », mais bordel, ça me fatigue. Ça me fatigue d’avoir à me justifier aussi souvent, de choix qui devraient être une évidence. Je ne parle pas de refuser de manger des animaux, je parle de refuser de consommer des produits dont l’achat participe à l’encouragement de pratiques nocives pour l’environnement, les animaux et l’Homme.

Le véganisme ne me prémunit pas contre TOUS les produits tombant dans cette catégorie, mais force est de constater que l’écrasante majorité des produits animaux entrent dans cette catégorie.

Non, les oeufs que pondent les poules que ta tante élève dans son jardin, effectivement, ils ne font de mal à personne. Ni les poulets qu’elle tue tous les trois mois pour te préparer son fameux coq au vin. Ni le fromage qu’elle fait maison quand sa chèvre lui donne du lait.

Les animaux de trait utilisés en permaculture, eux non plus, ils n’attaquent pas l’équilibre biologique naturel.

« De la culpabilité »…

Bon c’est dommage pour ceux de ces animaux qui finissent en coq au vin, ragoût, hachis ou sauciflard, mais je suis prête à cette concession morale. Si on pouvait ne consommer QUE les animaux qu’on élève et qu’on nourrit nous-même, avec nos propres ressources, et dont on s’occupe de A à Z, de la naissance à la (mise à) mort, en passant par les soins et la gestion des déchets, on éviterait déjà :

  • d’accaparer 75% des terres agricoles (pour la monoculture de la nourriture du bétail)
  • de ruiner les écosystèmes essentiels à la survie de l’humanité (en les rasant pour les transformer en terres agricoles, asséchées rapidement par la monoculture de… cf 1er point)
  • d’affamer et d’exproprier les paysan•es locaux, en accaparant les terres agricoles pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les populations locales en noyant de pesticides les terres agricoles accaparées pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les eaux douces, les zones humides et les deltas, où charrient en permanence les pesticides et les milliards de tonnes de déchets organiques produits par les millions d’animaux d’élevages (Google : pollution océan élevage pour voir) (attends tiens, clique-là !).

… Et je pourrais continuer la liste. Je pourrais continuer la liste tellement longtemps, elle est tellement longue, désespérante, et me rend de plus en plus triste à mesure que je réalise qu’on a vraiment, nous, individuellement ET collectivement, le pouvoir de changer tout ça.

Mais je ne peux pas le dire. C’est culpabilisant, tu comprends. Faut pas culpabiliser les gens.

D’accord.

Juste. J’ai une question : pourquoi c’est ressenti comme culpabilisant quand je ne fais que PARLER de véganisme ?

Ce serait pas justement parce qu’on est tous un peu coupable de l’état du monde actuel, là, dites ? Parce que bon, perso, quand je lis une phrase de type : « la consommation de viande rouge est mauvaise pour la santé et l’environnement », je ressens zéro culpabilité. Et techniquement, c’est pas une phrase culpabilisante. Y a pas écrit : « Tu ruines ta santé et l’environnement en mangeant de la viande rouge, #LeSachiezTu ? »

Alors pas de souci, je suis super opé pour continuer à « informer [mes] proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes ». Pas-de-souci.

Je vais juste m’équiper d’un gilet pare-balles avant, parce qu’à ce sujet, les gens ont la gâchette facile envers le messager.

La culpabilité des autres VS ma responsabilité

Mais tu sais quoi ? Challenge accepted. Au fond, j’ai pas choisi d’assumer publiquement mon véganisme pour qu’on me remette une médaille. J’aurais pu continuer très longtemps à manger ce que je veux chez moi, picorer ce que je peux ailleurs, voire développer des techniques d’évitement socialement acceptables, de type : je suis intolérante au lactose, je suis allergique aux fruits de mer, ah je suis un régime sans cholestérol donc pas de charcuterie pour moi, ah ça les oeufs, j’aime pas du tout ça mon bon ami !

On me trouverait tout aussi chiante, mais on me plaindrait en société au lieu de fantasmer mon jugement, de tester mes convictions, ou de les mépriser ouvertement (parce que le véganisme est une religion comme une autre, m’voyez…)

Ben non. J’ai fait un choix. Celui d’assumer publiquement que je base mes choix de consommation sur un raisonnement éthique, moral, humaniste (et rationnel aussi, parce que bon, continuer à soutenir que la viande et le lait sont bons pour la santé à une époque où la recherche médicale a désormais démontré le contraire, je sais pas, ça m’échappe.) (à propos du lien : ça se passe dans le 3ème paragraphe. De rien.)

En fait je sais pourquoi j’écris tout ça ce soir. Parce qu’hier soir, j’ai lu cet article de Black Voices, qui explique le problème avec le fait d’avoir « des amis racistes » (Rapport au fait que Daniel Radcliffe a déclaré avoir dans son entourage, des gens aux idées racistes avec lesquels il était « viscéralement en désaccord », mais sans pour autant considérer d’arrêter de les fréquenter). Fort bien. Moi non plus, je ne me vois pas arrêter d’être amie avec tous les carnistes de mon entourage (même si mes cercles VG ne sont qu’amour et bon délires).

L’article mettait le doigt sur notre responsabilité, lorsqu’on est témoin de discours ou d’actes oppressifs, de les challenger (ils disent « to check » en anglais. « These prejudices go unchecked »).

Et combien de fois, dans une discussion sur le véganisme que je n’ai pas sollicitée (souvent déclenchée par ma simple présence), je laisse mes interlocuteurs proférer des contre-vérités absurdes ?

« Non mais moi », l’exception qui confirme la règle

« Non mais le boeuf français, il est nourri au soja/blé français ». (Ah ouais ? Calcule voir la superficie nécessaire pour faire pousser assez de soja pour nourrir le nombre de boeufs qu’on s’enfile collectivement chaque année, juste pour voir combien de fois la France ça fait. Pas sûr que les plaines de Beauce suffisent, du coup. #JeDisCaJeDisRien)

« Non mais il faut manger de tout, au moins un peu, pour être en bonne santé ». (Passons l’info à 97% de la population asiatique, intolérante au lactose, et à tous les peuples végétariens depuis des lustres, au passage. Ça fait des générations entières de gens carencés, jésus-marie-joseph !)

« Non mais moi je sais ce que je consomme et d’où viennent mes produits. Je consomme local, bio et équitable ! ». (Su-per Norbert. C’est local comment le saumon de Norvège ? Et sinon, #ProTip : quand on calcule le chemin parcouru par un produit, on part de la matière première, donc pour ta côte de boeuf, c’est d’où vient le soja que ton boeuf a mangé qu’il faut prendre en compte. C’est pas la distance de chez toi à ton boucher qui fait qu’une viande est « locale », tu sais. Tiens lis cet article, c’est bien expliqué).

Oui voilà, c’est magnifique, personne n’est jamais le problème, c’est toujours les autres, cette foule innombrable dont on ne fait pas partie bien sûr (d’ailleurs on n’y est jamais confronté, dans des endroits comme, au hasard, la caisse des supermarchés), et c’est les « gros » le problème, les industriels qui ravagent l’environnement (et qu’on ne cautionne AU GRAND JAMAIS en achetant leurs produits, par exemple), et bien sûr aussi c’est à cause de l’inaction de tous ces hommes politiques (qui arrivent au pouvoir par l’action du Saint-Esprit, et pas en conséquence de nos votes ou de notre abstention, hein).

On est tous des exceptions, t’as vu. Et moi aussi.

Parce que « non mais moi », je suis végane parce que je suis intolérante au lactose et que j’ai perdu le goût pour les viandes, en fait. Pis les oeufs, j’ai jamais aimé ça, d’abord.

C’est vrai. C’est vrai, mais c’est lâche de ma part de le présenter comme ça. C’est lâche de dissocier la dimension éminemment politique, éthique et morale de mes discussions sur le véganisme, juste parce que je suis fatiguée d’être le messager, et que j’en ai marre de prendre des balles.

Mais j’ai une responsabilité, en fait. Assumer ce choix , c’est pas me balader avec un T-shirt #GoVegan. C’est assumer ma responsabilité dans la diffusion de l’information cruciale qui entoure ce choix .

Parce que bon, quand un ami profère un truc ouvertement raciste, je baisse pas les yeux sur mon assiette en disant « haha ouais, tant que c’est bio, ça passe ! », m’voyez. Quand on me tient un discours ouvertement homophobe, je ne temporise pas en disant « haha ouais, chacun ses choix, chacun s’occupe de son assiette et la paix des ménages sera préservée ! ». Non, hein. Je leur rentre dans le lard, à ces gens-là. Avec plus ou moins de tact, de patience, de colère ou de pédagogie, selon le contexte.

Pourquoi je suis aussi lâche sur le véganisme ?

Tu te sens coupable quand je te réponds que la consommation de viande rouge est nocive pour la planète ? Moi, je me sens coupable quand tu me dis que t’en manges « pas souvent, que du local », et que je ne te réponds pas.

C’est comme ça qu’on devient « une végane extrémiste », j’imagine. Quand on accepte cette responsabilité d’informer, et qu’on n’indulge plus l’ignorance coupable.

À ceux qui me demandent si ça a pas été trop dur d’arrêter la viande, j’ai envie de vous répondre : c’était à rien à côté du devoir de l’expliquer.

PS : bordel, j’ai craqué. J’ai créé le mot-clef « Mes états d’âme » spécialement pour ce billet. Faudrait pas que ce soit pris pour une leçon de morale, hein, faut bien que d’éventuel•les lecteur•rices comprennent que ce sont « Mes états d’âme » que je déverse…

…On n’est pas sorti de l’auberge.

D. 53 La motivation (aussi) est un muscle qui se travaille

Il fait trop chaud.
Sérieux, j’ai pas d’endroit confortable où me poser.
Je sais pas par où commencer.
Je sais pas comment reprendre les corrections.
Et si j’ai pas d’idées ?
Je vais pas y arriver.
J’ai laissé passer trop de jours, je pourrais plus finir maintenant.
À quoi bon ?
Et si ça valait pas le coup, au fond ?

Le doute, c’est comme les grains de sable. Ça enrayerait les plus belles mécaniques de productivité. Mais quand il y en a beaucoup, c’est tellement confortable de rester vautré dedans.

Oui c’est long. Non je sais pas par quel bout le prendre. Mais j’ai un objectif : je veux finir ce roman. Je veux avoir une version « finale » qui ME convienne de A à Z. Que je pourrais publier en ligne sans repasser dessus.

Je suis pas écrivain, j’ai même pas d’éditeur ou d’éditrice pour me relire, me donner des conseils, des critiques, du feedback. Je fais avec quelques retours de potes, sans doute trop bienveillants, pas assez sévères. Je navigue un peu à l’aveugle, c’est vrai.

En fait, des excuses pour laisser ce projet en plan, bien au chaud dans un carton rangé dans le placard de mes aspirations, j’en ai plus qu’il n’en faut. Donc ce n’est pas en pesant le « pour et le contre » des efforts à fournir que je vais m’en sortir.

Tout ce dont j’ai besoin pour finir ce roman, et réussir le défi que je m’étais fixé, c’est de motivation. Juste ça.

Ben si, juste ça. J’aurais pas déjà écrit plus de 85 000 mots sur le sujet si je n’avais pas d’inspiration, pas d’envie, pas d’intérêt à écrire cette histoire. Donc inspiration, envie et intérêt : check.

Bref, des raisons de mener le projet à bout, j’en ai déjà. Quid des moyens de boucler, en revanche ?

Écrire, ça ne me coûte rien. Je ne peux pas plonger, donc je n’ai virtuellement rien à faire de mes journées (étant entendu que le soleil c’est Satan, donc j’vais pas me coller sur la plage en journée).

Le temps disponible : check. Et de toute façon, le temps, ça se prend. C’est une monnaie relative, on a dit !

C’est quoi, la motivation ?

Je crois que j’ai souvent cherché en moi la motivation comme si c’était une donnée : est-ce que cette idée me motive ou non ? Alors qu’en fait, c’est moi qui décide : à moi de me motiver (ou non) pour m’impliquer dans tel ou tel projet.

C’est juste un choix, tout simplement, au fond. Choisir d’allouer des ressources (notamment du temps) à ce projet plutôt qu’un autre. Choisir de focaliser son énergie et son attention sur ce projet, plutôt qu’un autre.

La motivation est une pondération du choix. Comme un super-joker, que je peux sortir à volonté pour dériver mes moyens sur le bon canal.

Avec de la motivation, tout coule, déroule, sans accroc.

Il a suffit que je m’y mette, ce matin. Que je me dise : c’est aujourd’hui. Soit je tue les deux prochains jours à me ruiner en 3G, actualiser mon fil Facebook alors que c’est le milieu de la nuit en France, soit j’ouvre ma dernière version, et j’en fais une nouvelle.

J’ai réécrit tellement de trucs dans le premier chapitre, et le plus fou, c’est que ça me venait tout seul. La motivation a cette puissance étonnante, de stimuler le corps et l’esprit à volonté.

La motivation de finir la course, même si j’vais faire un temps de merde et que je sens plus mes jambes. La motivation d’aller à cette conférence, même si c’est loin et chiant d’y aller. La motivation de m’atteler à cette tâche, que je ne fais que repousser.

C’est aussi un muscle qui se travaille. Au début, je lutte pour tenir ma planche pendant 30 secondes. Mes épaules s’affaissent, le dos me lance et mes mollets brûlent. Et puis, de 30 secondes par jour, on passe à 45, puis à une minute. Et ce qui me paraissait inatteignable est devenu une routine.

Tout ce que j’avais à faire, au début, était de rassembler la motivation de faire cette foutue planche tous les matins. Et ça finit par devenir une bonne habitude.

Je suis en train de relire le 18ème chapitre (sur 28). Il y a plus de taf sur la fin, donc j’aurais probablement pas fini demain.

Mais je vais finir. Parce que j’ai décidé de finir, parce que j’ai trouvé la motivation de finir.

D. 52 Un dimanche paresseux

J-8. Je m’étais dit que je ne ferai pas de compte à rebours, mais je peux pas m’empêcher à la rentrée, à mon retour, à la semaine qui est déjà en train de s’organiser de l’autre côté de ces huit prochains jours.

J’ai pondu plus de textes aujourd’hui qu’au cours du mois entier, sans compter ces posts de blog bien sûr, toujours un par jour. Sauf que je suis en train d’écrire le troisième du jour, que j’ai sorti 2 articles, 2 nouveaux posts pour le blog du Bira Dive Camp, et préparé ma trame d’interview de plongeuses pour une section que je veux lancer sur mon blog de plongée.

Pas trop mal pour un « sick day » comme on dit. On avait zéro client aujourd’hui, zéro réservation, donc les 3 filles et moi avons passé la journée à lézarder sur la terrasse, vautrées sur les banquettes, avec nos ordis.

Je suis sans doute en train de consommer mes dernières data 3G, mais je compte faire un dernier réapprovisionnement à 10€ (ce luxe) pour tenir amplement le reste de la semaine.

Demain, je reste à quai, je repose mon oreille, on verra si je replonge ou pas avant mon départ. Mais je ne perds pas mon temps face à la mer, avec ou sans Internet, je laisse glisser mes doigts sur le clavier.

Il me reste huit jours pour terminer ce roman, et tenir ma promesse. Chiche ?!

D. 51 The Captain with the right hand hook

So I’ve talked a while ago about my body being the stallion and my mind being the rider, and how I need to listen to my body as if I were riding a horse. That is, if I intent to go the distance. I could very well keep burning through my power, and see where that would get me.

Then I figured out that I couldn’t let my body dictate the terms either: if I indulge too much in resting, we’ll get used to moving slowly, and I can’t have that.

All in all, throughout this trip, I have finally managed to get my mind & my body to find a sort of balance between them. But there’s one more lesson I need to learn.

So I wasn’t at the top of my game today, which is the understatement of the year. I had been extremely tired the day before, and both my ears were ringing. When I woke up, the right ear (A-G-A-I-N) felt stiff, swollen, and painful.

I felt it coming though. It was already burning pretty badly the day before, but not yet painful. I am so used to discarding pain, that when I feel something is painful, it’s the sort of pain I cannot ignore anymore.

I guess I got that from the leg muscle-tear I got playing soccer when I was 10 years old. Because all the adults assumed that I was faking it because I hated soccer at school, they kept saying that I was faking it to get out of soccer practice. (I honestly don’t know how they got to this conclusion, since I had been playing soccer with my brothers all the time, and it was about THE ONLY SPORT I actually liked).

I guess I ended up telling myself that I was not really hurt, and I kept walking — or rather, limping on that injured leg for about 2 weeks. Until one morning, I couldn’t take it anymore. I sat up on the stairs of our house, and demanded to see a doctor, refusing to move until promised so. My dad said he would take me after school, so I limped another day on it, until finally, a doctor examined me.

What might have been a minor tear if treated & rested properly early on, had become a knee tendinitis, made worse by my constant limping on it.

3 weeks of rest left this knee weaker than the other for years.

I should have learnt then to take care of pain when it first manifests, but I was 10 years old. Instead, I learnt that if it’s anything serious, the pain will come back worse after I have discarded it.

And most of the time, biting through it combined with a little rest usually works. And if it doesn’t, I’m usually the only one to pay the price.

« Usually ». Well. I had to sit the day out yesterday, and we had 8 guests wanting to do a Try Dive. A fourth Divemaster would have been appreciated. Because I was unable to dive, the team had to divide the try divers in 2 groups, and do 2 rotations each.

It’s not the ear that hurt me most yesterday, although the lack of painkillers on the boat made itself sharply obvious. It’s the feeling that I’m letting the team down, and they have to handle double work because I’m out.

Try Dives can be really tough to monitor, because they tend to go up and down a lot, failing to equalise properly, or to maintain their buoyancy underwater. This very enthusiastic crew was no exception, and everybody’s ears were subjected to quite a strain. Twice.

And a third time that day, with 3 other Try Divers.

Helping out with equipment set up on the boat, rinsing and clearing out the gear was the least I could do that day, and it felt like not enough.

Not because the girls made me feel like I was letting them down (on the contrary), but because I felt like I could have avoided this situation by taking a day off earlier, when I first felt tired and strained.

I won’t be the only one paying the price anymore

I need to remember that I’m not the only one paying the price anymore. I may be paying the highest toll, but as long as I’ll be part of a team, it’s the collaterals I need to think of, not just my own stakes in the matter.

That lesson gets even more essential transposed to team captain, instead of just team member. Sure, I can be a captain with a right hand hook, even with a wooden leg and a glass eye.

But wouldn’t I be better at it if I kept all my parts, to the best of my ability? Doesn’t it make more sense to rest when I need to, instead of when I can’t handle it anymore?

Isn’t it easier to plan a day off, than to suffer through sick days, waiting for my body to be functional again?

I probably have an ear inflammation. AGAIN. I probably need to stay out of the water for a couple of days. AGAIN. Yet I barely have more than « a couple of days » left here, and 4 trials to complete, 2 of which underwater.

I need to accept 2 things about myself:

My mind is in far better shape than my body. I’m faster, smoother, sharper in my mind than with my body.

My mind can always negotiate a little extra energy, I can always persuade myself that « I’m OK ». I waited 18 hours with 2 broken wrists last year, before asking to go to a hospital. I should have known right away that this kind of pain meant that something WAS wrong. But no matter what my mind tells me, my body will always have the last word.

There really is no point in being a healthy, exercising, non-drinking vegan, if I keep ignoring the earliest signs of something going wrong.

I’m not talking about making a fuss every time I have an itch, I just need to stop ignoring the small signals my body sends me.

It’s like clicking « later » on the important updates pop ups on your computer: sooner or later, the thing shuts down and you have to wait out the installation of the 12 657 updates you neglected to download earlier.

I might have to leave this place without completing my Divemaster. It’s a dire price to pay for this lesson, but again, it’s one I really should have learnt by now. And one I really cannot afford to suffer through again.

…Worst case scenario, though: I’ll have to come back here to complete all of my trials.

— Saturday, August 27th

#CheatDay because, once again, I was too tired to be bothered to open up my computer.

D. 50 Parfois, il pleut même au Paradis

L’heure de départ le matin dépend de la marée. Mais comme j’essaie d’habituer mon corps à un rythme régulier, j’ai toujours un réveil à 7h00. Il ne m’a jamais réveillée, d’ailleurs. Les macaques qui sautent sur le toit à l’aube s’en chargent généralement, mais avec l’habitude, j’ouvre toujours le premier oeil entre 6h et 6h45. De quoi s’étirer comme un chat, et se lever en douceur.

Ça me laisse le temps de prendre un petit déjeuner au calme, avant que la terrasse ne soit envahie par les clients. Je m’assois face à la mer, dont le bruit des vagues rythme le passage du temps comme un métronome, en continu.

L’espace d’un moment, je règne sur le Paradis. Le vent ne s’est pas encore levé, le soleil n’écrase pas encore la plage, sa lumière est douce, comme l’air matinal.

Le parfum du thé au gingembre qu’on me sert brûlant et le goût des fruits frais chassent pour quelques instants l’odeur salée de la mer, omniprésente.

Mais ce matin, le ciel est gris. J’ai rendez-vous à 8h avec mon instructrice, on part faire deux plongées avec notre élève Open Water, à 8h30. Il est bientôt 8h et la terrasse est déserte. Et le ciel s’assombrit.

Un coup de tonnerre retentit, et soudain les nuages se déchirent, laissant tomber un rideau de pluie, dense et frais. C’est tombé si fort que j’ai eu peur que les couleurs délavent, et qu’elles se diluent sur la plage.

C’était beau.

On est sorties en mer ce matin-là, et la tempête tropicale avait laissé la place à une journée de grisaille. Du vent qui siffle aux oreilles et fouette la peau humide et nue, de l’eau tiède qui brûle les tympans et la gorge.

J’avais pas envie d’y retourner, j’avais qu’une seule envie, ou plutôt plusieurs, en fait : prendre une douche chaude, mettre des habits doux et secs, boire un thé chaud, manger un repas chaud. Mais j’oublie qu’il n’y a pas d’eau chaude dans les douches, que je vis dans une hutte ouverte donc si c’est humide dehors, tout est humide dedans, et que le repas chaud devra attendre ce soir.

Mais en fait, je me rappelle que ça fait partie du deal : on peut pas vivre au Paradis et s’attendre à des jours 100% heureux. Il y aura aussi des jours sans, des jours plus difficiles, des jours plus chiants, des jours pluvieux.

Au moment de retourner sous l’eau, contre toute fibre de volonté de mon corps, je me suis repassé les raisons pour lesquelles je me retrouvais là, à ce moment, au bord d’un bateau traditionnel maltraité par les flots, sous une pluie tiède.

Parce que je kiffe ça. Parce que j’ai choisis d’être là. Parce que j’ai envie d’être là, pour le meilleur ET pour le pire.

C’est important de garder à l’esprit les raisons et les envies qui me motivent à poursuivre une voie, pour les jours de pluie et de grisaille, où elles ne seront peut-être plus aussi évidentes.

C’est toute la différence entre la vraie vie et les cartes postales, n’est-ce pas ? Parfois il pleut, même au Paradis. Mais ça a son charme aussi.

— Vendredi, 26 août 2016

#CheatDay parce que j’étais tellement claquée à la fin de cette journée que j’ai pas sorti l’ordi et je suis allée dormir 12h, pour la peine.

D. 49 It’s the details that will throw you off your game

Chances are, I won’t ever drop in the water for a dive forgetting my tank. And even if I did, there would be someone to point out the problem. It’s not the big, obvious mistakes you’ve got to worry about. You know the drill, you run the show, this is not a challenge. But it’s the details that will throw you off your game. A grain of sand grinding a smooth mechanic of well shaped habits.

I’ve been diving here for a little over 3 weeks, so focused on working on my leadership skills, improving the way I divide my attention between finding interesting stuff, and keeping an eye on my divers.

Because I’ve been carrying extra-weight most of the time, in case a diver needs some extra during a dive, I’ve neglected my own balance in the process.

Three weeks. And I’ve let this issue completely under the radar, not noticing its impact on my general behaviour underwater.

When I was practising how to properly demonstrate skills underwater with Laura, I was thrown off balance so often it became frustrating. I could not complete a sequence properly, when I had to struggle just to keep kneeling straight at the bottom.

Laura suggested that I added some weight next time, and I did, this morning, when I had another go at the exercice, this time in front of an actual student.

Granted, the conditions were not ideal, because the current was much stronger. But again, I struggled to keep my balance, and failed multiple times, constantly falling forward.

Once you know it, it becomes obvious

Needless to say, I wasn’t at all satisfied of my performance this morning. Once out of the water, Laura pointed out the problem to me:

« You need to wear your weight at the back. Not in the front. This is why you keep falling forward ».

So I was wearing the right amount of weight, just not in the right place. Of course, once she had pointed it out, I couldn’t believe how I had not seen it myself. I’m wearing all 3.5 kg at the front of my belt, and the extra kilo in the side pocket, also forward. Nothing cancels out the upward pull of the aluminum tank strapped to my back.

THIS IS WHY I’M FALLING FORWARD ALL THE TIME LOL. How did I not see that? For THREE FREAKING WEEKS???

Because it’s the details that will throw you off your game. The ones only an expert eye can see, the ones that creep up on you through « the habits that kill », the ones you can only get rid of by performing rigorous checks and asking yourself the right questions.

About those damn « habits that kill »

Interestingly enough, I did identify the source of the problem: it’s through what I’ve called « a habit that kills » that I came to wear my weights on the front, without even questioning why I always wear them there.

I am used to dive with a steel tank, which are shorter and denser than aluminum tanks. This is why I usually wear weights on the front, to avoid getting the weights pressed against my spine by the tank.

But when diving with an aluminum tank, I should have questioned this habit. It’s not the comfort that drives the decision, it’s the balance issue. Had I thought about that, I would have realised that I was wearing my weight on the wrong side.

But I didn’t. Force of habit. And I blamed external elements for my failure to master proper balance at all times.

Lesson one: you probably have the key to correct your own failure

So, two lessons must be learnt out of this experience: the first, is that I should look into my own behaviour for mistakes & potential improvements BEFORE blaming the elements or any outside influence.

It’s always so tempting to try and find an outside explanation for failure, even the little ones. But this is a dead end, when it comes to self-improvement. So what if the current was, in fact, making it difficult for me to keep my balance? Laura was managing perfectly. So it was achievable.

Lesson two: it’s the details that’ll throw you off your game

The second lesson, is the next step to follow from the first one: pay attention to details. It’s unlikely I’ll make a huge obvious mistake, with no one around to point it out to me. But I will look past an intermediary checkpoint, I will forget about the little things that pave out the way to perfection.

As my 11th Grade Drama teacher used to have us repeat every day:

« Excellence consists in doing ordinary things extraordinarily well »

You can hop on one leg while taking care of other people’s problems, because they matter more at the moment. But when your other leg gives way from exhaustion, a fat lot of good it’ll do you if you’re falling down too.

I should not have overlooked my balance issue for this long. When I really needed to be on my A-game, I couldn’t bring it. Worse, I couldn’t even figure out WHY I couldn’t bring it.

I learn a great deal from my failures, especially the smallest ones.

I moved the weight to the back of my belt for this afternoon’s dives.

My life underwater has just become a whole lot easier. Funny how much influence those little details can have…

D 48. Chéris tes premières fois

« Negative descent ». En deux mots, un début de panique à bord d’un bateau.

On va plonger sur un site localisé par GPS. À la surface, on voit rien. Et pour taper le site, il faut forcer l’immersion. On ne peut pas gentiment se laisser tomber du bateau, rincer son masque peinard-pépouze à la surface, ça va, tout le monde est ok ? OK ? Alors hop, on vide la stab, et on descend, chacun à son rythme, et on pense bien à équilibrer les oreilles, n’est-ce pas.

Mais non. « Negative descent », c’est : on vide la stab avant de se jeter à l’eau, et dès qu’on perce la surface, on palme vers le fond, en équilibrant les oreilles en continu. Pas le choix, le courant t’emporte sinon, et tu vas te faire balayer loin du site. Dès qu’on touche le fond, on s’accroche.

Ça, c’était le briefing sur le bateau. Et la traduction du briefing dans ma tête, c’était : « FUCK FUCK FUCK FUCK FUUUUUCK ». Et ma seule question, c’était d’ailleurs :

« So if I fuck up my descent, I just go up and back on the boat, and that’s the end of the dive, right? »

Right. Ou comment amener le scénario d’échec au premier plan dans mon esprit.

Et puis, je me suis souvenue de mon billet d’hier. Parfois, j’oublie que la peur n’est pas que paralysante : c’est aussi un stimulant.

Alors, j’utilise le shot d’adrénaline pour dissoudre la panique, je prends quelques inspirations profondes et je me repasse la séquence dans la tête. Vérifier tout mon équipement. Le mettre en place. Re-vérifier que tout est en place. Respirer profondément.
Me préparer à équilibrer en palmant.

3 – 2 – 1… GO

Le fond se rapproche et mes tympans popent doucement à chaque nouvelle pression insufflée. Ma respiration est soutenue, un peu forcée, c’est normal, je palme en continu. Je touche le fond et je m’accroche à un rocher. Je lève les yeux. C’est passé. J’ai réussi.

Bon, celui qui n’a pas réussi, c’est le client qu’on devait emmener au fond. Donc on est remonté sur le bateau, et on a retenté le coup.

Il n’y a que la première fois qui coûte

La peur était passée. En fait, c’était facile. Je l’ai fait une fois, je peux le refaire à l’infini. Et c’est la première leçon des premières fois : elles font voler en éclat le plafond de l’incapacité.

J’en suis capable ou pas ? Je peux le faire ou pas ? La première fois ne répond pas à ces questions : elle produit la démonstration. La réponse, c’est toi qui l’a. Je l’écris pour m’en souvenir : c’est toi qui a la réponse. J’en suis capable ou pas ?

Si tu réponds « non », tu peux t’arrêter là. Il faut d’abord répondre « oui » pour pouvoir dépasser la peur et tous les obstacles, pratiques, techniques, théoriques, et autres limites assimilées.

Chéris tes premières fois, c’est la jauge et le mode d’emploi

Je me le répète pour l’intégrer : les premières fois sont riches en enseignements. Que j’arrête de les appréhender en me disant que je vais forcément foirer.

Déjà, parce qu’on ne peut pas « foirer » une première fois. C’est à la fois la jauge et le mode d’emploi : au pire, c’est la liste de ce qu’il ne faut pas (re) faire, et la prochaine fois, on fera mieux, et ça passera. On fera mieux, c’est-à-dire par rapport à cette tentative, qu’elle soit réussie ou pas. Satisfaisante ou pas.

Ma deuxième « negative descent » était beaucoup moins fluide que la première. Mes oreilles me faisaient mal, les tympans appréciant moyennement de prendre 2 bar pour la deuxième fois en dix minutes.

Au lieu de sortir de l’eau en me disant « ça passe nickel », j’aurais dû analyser tout ce que j’ai fait correctement, pour pouvoir le répéter. Genre « prendre des notes » mentales des étapes à réaliser.

Chéris tes premières fois, aussi nombreuses possibles

Des premières fois, il y en aura tant que j’en provoquerai. Tant que j’irai les chercher, pour développer mes compétences, étendre ma zone de confort, progresser. ME développer, vraiment.

À moi d’arrêter de les redouter, de les fuir, comme des échecs potentiels, et de les poursuivre au contraire, pour les incroyables opportunités d’apprentissage, d’amélioration et d’enrichissement qu’elles sont.

« Negative descent ». Check.

D. 47 Parfois j’oublie que ça fait peur

Parfois, j’oublie que ça fait peur. Les responsabilités m’écrasent. C’est la gravité, ça te tire vers le bas, et la peur agit comme un poids. Du coup, ça t’écrase encore plus. Et ça te demande encore plus d’effort de relever la tête, de continuer à avancer.

La peur nourrit la peur, alors c’est de plus en plus lourd. Bientôt, tu peux plus mettre un pied devant l’autre tellement ça t’écrase les épaules, le dos, ça te serre la poitrine, ça comprime les poumons.

La pression t’étouffe. Et bientôt, tu respires plus.

Parfois j’oublie que la peur a cet effet toxique et paralysant. Et parfois, je me rappelle qu’elle peut aussi procurer un effet stimulant, enivrant, grisant. Et c’est juste une question d’état d’esprit.

Alors je me rappelle que la peur existe pour que mon cerveau soit en état d’alerte, parce que j’ai besoin d’être à 100%. Si je ne bouge pas, si je ne fais rien, c’est comme si je me laissais paralyser : puisque je refuse de prendre l’initiative, mon cerveau prend celle de m’immobiliser. C’est plus sûr. Si on reste sur place, il ne peut rien nous arriver.

Mais c’est faux, bien sûr. Ou plutôt, y a un peu de vrai : il ne peut rien m’arriver. Le bad, vraiment. Je veux vraiment d’une vie où il ne va rien m’arriver ? Bien sûr que non. Alors il faut que j’accepte le risque. Et l’annonciatrice du risque, souvent, c’est la peur.

Parfois j’oublie que la peur est aussi un stimulant. C’est juste à moi de le décider, et d’agir en conséquence, sans me laisser paralyser.

« Clémence, you’re leading today »

Bien sûr que ça me fout les jetons d’emmener 5 personnes par 30 mètres de fond. D’assumer la responsabilité d’un groupe de plongeurs, avec lesquels j’ai jamais plongé.

Bien sûr que ça me paralyse, de me dire qu’à l’avenir, ça pourrait être mon job à plein temps, que je serais responsable d’un groupe de plongeurs après l’autre. Sans instructrice pour assurer mes arrières. Ce serait sans filet.

Bien sûr que ça me fait flipper. Mais c’est à ça que je reconnais les frontières que je dois dépasser, les limites que je dois repousser pour me stimuler, apprendre, grandir, à tous les sens du terme.

Parfois j’oublie que la peur est grisante, quand je décide de ne plus la laisser m’étrangler, mais que je me sers de son poids pour garder les pieds sur terre.

D. 46 How can I help?

De l’aide. En recevoir, en demander, c’est difficile. On n’a pas l’habitude. C’est perçu comme une faiblesse. Et pourtant, c’est un moyen d’aller de l’avant.

Aujourd’hui, j’ai fait une plongée « pédagogique » : Laura (mon instructrice) et moi, on s’est posées par 13 mètre de fond, sur le sable, et on passé 48 minutes à répéter des gestes. Perdre et remettre son détendeur. Enlever et remettre son masque. Enlever et remettre sa ceinture de plomb, sa stab & la bouteille, nager sans masque, faire une remontée d’urgence, une remontée assistée, etc…

Une vingtaine de « compétences » dont je découvrais la plupart, n’ayant pas appris à les exécuter moi-même en France (parce qu’en soi, y a zéro raison de et zéro difficulté à enlever et remettre quoi que ce soit sous l’eau).

Mais faut pas juste savoir le faire : comme je viens de le dire, y a pas de difficulté. Faut savoir l’enseigner. Faut pouvoir exécuter les gestes suffisamment lentement, amplement, en soulignant suffisamment chaque étape, pour que l’élève en face puisse répéter la séquence et réussir la compétence.

Travaux pratiques

De retour au camp, pas le temps de lézarder au soleil, on repart pour une troisième plongée, après une grosse heure de pause. Un client veut tester la plongée, Laura l’emmène pour un baptème — avec moi.

Romain est français, donc j’ai commencé à taper la discute. Donc Laura m’a proposé de prendre les commandes : tu lui montres l’équipement, tu lui expliques tout, comment ça marche, à quoi ça sert, comment on l’utilise, et les 2 compétences qu’il va devoir réaliser sous l’eau : lâcher-reprise d’embout, et vidage de masque. OK?

OK.

C’est plus de la théorie, c’est même plus de la pratique, c’est In Real Life, sans filet. Le mec, si je le briefe mal, si je le surveille mal, il risque une surpression pulmonaire. Même à 10 mètres, ouais.

Et sous l’eau, il a eu plusieurs galères. Je le voyais, lutter pour équilibrer ses oreilles. Et j’arrêtais pas de me dire : est-ce que j’en ai trop dit ? Pas assez ? Est-ce que je lui ai mis trop de pression ? Pas assez ? Est-ce qu’il a peur de descendre parce qu’il a peur de se faire mal, ou est-ce qu’il se fait déjà mal en forçant ?

Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer, mais avec qui tu as du mal à communiquer ?

Je le voyais, galérer avec sa stab. Mettre trop d’air. Pas assez. Et puis, le dilemme : si je prends les choses en main, ça va attaquer sa confiance. « Laisse, je gère », sous entendu « parce que tu t’en sors pas ». Alors je démontre. Je démontre encore. Il n’imite pas comme il faut.

Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer sans le faire douter de ses propres capacités à résoudre le problème ?

J’ai appris à demander de l’aide, reste à apprendre à en apporter

C’était dur, aujourd’hui. Dur de se mettre à la place de l’élève pour décortiquer geste après geste des séquences que j’ai déjà intégrées dans mes automatismes. Dur d’être à la place du moniteur pour un novice absolu, d’être dans cette impuissance relative, et pourtant responsable.

Cette journée m’a fait réfléchir à l’aide. J’ai déjà appris à demander de l’aide, et c’était pas facile, tant cette forme d’humilité raisonnable est vue d’un mauvais oeil dans nos sociétés. Moi, je sais que c’est une forme de sagesse et de maturité.

Mais je dois encore apprendre à aider les autres. Proposer de l’aide, apporter de l’aide à ceux qui en demandent.

C’est un sujet complexe, faut que j’y réfléchisse. J’ai pas encore digéré cette journée. Parce qu’elle a été chargée :

– première plongée, Shark Point, je sers de guide à deux Espagnoles (Elles m’ont dit : « tu es une super guide, je me suis vraiment sentie en sécurité ! ») (et puis je leur ai débusqué deux tortues donc je suis un peu leur star)

– intervalle de surface : Laura me fait nager un 400M « nu » (sans masque ni palmes ni combi, juste en maillot), chronométrés. Je fais un 10min30 de merde, mais y avait du courant sur la moitié de la distance…

– deuxième plongée : plongée « pédagogique ». Je suis sortie lessivée.

– Pause dej (après avoir rangé le matos de la matinée et déchargé une partie du bateau)

– troisième plongée : le baptême de Romain, que j’ai équipé, briefé, coaché, accompagné pendant toute sa plongée (y compris sa remontée accidentelle, et sa ré-immersion).

– …re-rinçage et rangement du matos, je vais me doucher, et de retour à la terrasse :

– une Française vient se renseigner pour passer son Open Water, donc j’offre nos services en français.

– je débrief toutes les compétences que j’ai foirées, je détaille les séquences à l’écrit pour les revoir avec Laura

– Laura me demande de l’aide avec un client espagnol qui parle très mal anglais, j’me retrouve à improviser un coup de fil en espagnol pour préparer les sorties du lendemain (Jaume, donc, nous rejoint pour deux plongées demain).

Help. Help help help. Pourquoi des fois c’est facile d’aider les gens, et parfois, il faudrait presque trouver une parade juste pour prêter main forte ?

Comment on aide à apprendre ? #WorkInProgress.

À suivre… Ce soir, j’ai posé les questions. Demain, je chercherai les réponses. Pour l’heure, je vais me coucher. Je suis épuisée.

PS : j’ai corrigé mille coquilles à la première relecture, à ce compte-là il doit en rester plein. Signe s’il en est qu’il est temps de mettre les méninges en veille…