J’ai dit que mon corps était un cheval, mais c’est plutôt un mustang, un cheval sauvage. Parce que je suis passionnée, et que mon monde n’est pas fait pour les gens passionnés. J’ai toujours l’impression d’être à la mauvaise place, de prendre trop de place, de faire trop de bruit, et en même temps, d’être étouffée, et à l’étroit.
Je vois bien qu’il y a un ordre, des étapes, des cerceaux par lesquels il faut passer, des obstacles qu’il faut sauter… Mais j’ai pas le temps, et pas l’envie non plus de faire des acrobaties pour épater la galerie. C’est méprisant pour les chevaux de dressage, pardon, je ne juge pas, au fond, chacun fait bien ce qu’il veut.
Can’t be tamed…
J’ai passé beaucoup de temps à essayer de me dresser moi-même. De me mettre dans les cases qu’on me présentait, de rentrer dans ce rang où la vie paraît si simple. Mais il suffit d’un coup de vent dans la crinière pour que je me rappelle qu’on respire mieux dans l’étendue des prairies.
« Chassez le naturel, il revient au galop ». Effectivement. Je sais marcher au pas, mais ça m’épuise tellement, j’ai très vite besoin de me dégourdir les pattes avec un bon galop.
J’ai compris pas mal de choses chez moi cette année, et ce dernier mois, et je me sens plus stable sur mes appuis… Mais il restera toujours cette part d’énergie indomptable. Et j’ai fini de le regretter. (J’ai peur des chevaux, dans la vie… how interesting…)
Fuel of life
La passion, c’est de l’énergie, c’est une énergie qui me sert de moteur. Y a pas vraiment de vitesses, c’est plutôt ON/OFF comme modèle, et c’est pas sur commande, en plus. Alors quand c’est ON, ça fuse, ça décolle, et je peux aller très loin.
La plongée, c’est la première passion que j’ai suivie sans retenue. L’écriture était ma première passion tout court, mais je m’étais laissée dire que c’était pas un métier, puis que c’était pas un métier rémunéré, et enfin que c’était pas vraiment un métier, même si je pouvais en « vivoter ».
Toute l’énergie que j’ai mobilisée à me convaincre que ça ne me mènerait nulle part… Mais je serais où si je l’avais investie à aller de l’avant plutôt qu’à me retenir ? J’ai pas vraiment de regrets parce que je ne suis pas restée sur place en attendant la marée, mais je m’en suis servi de leçon.
Quand j’ai plongé pour la première fois, je ne me suis pas laissée « rationaliser ». J’ai foncé. J’y suis retournée. J’ai continué. J’ai investi. J’ai subi des contingences, des coups d’arrêts… Mais j’ai persévéré. Parce que tant que la passion est là, le levier est en ON et y a du jus. Je déplacerais des montagnes, et de fait, je vais conquérir des océans pour suivre cette passion.
J’en viens à me poser des questions sur mon avenir professionnel, et les voix qui me disent que c’est vraiment dur comme métier, et puis c’est mal payé, et puis est-ce que je suis sûre de moi… Leur écho vient de loin.
Rien n’est facile dans la vie, surtout quand on fuit la facilité. On n’est jamais sûr de rien, et c’est pas un mal en soi. Quand à la paie… je préfère être fauchée et épanouie que riche et cloîtrée dans un tailleur. Been there, done that, et je suis partie le jour où j’ai réalisé qu’aucun montant crédible d’augmentation n’aurait pu me faire continuer dans ce job.
J’ai appris par hasard que l’une des Divemasters quitte le camp, le mois prochain. Du coup, la responsable cherche quelqu’un. Je l’ai su en fin d’après midi, mais j’ai immédiatement connecté la question sortie un peu de nulle part avant la deuxième plongée aujourd’hui : elle m’a demandé ce que je faisais le mois prochain, si je rentrais en France…
Opportunités partout, frustration nulle part.
Mais je rentre à Paris le 6 septembre, mon autre passion a pris le dessus, depuis que j’ai enfin décidé de lâcher les chevaux. Il paraît qu’on n’arrête pas un cheval lancé au galop sur une plage. Il fonce tant qu’il y a du sable devant lui.
Ça tombe bien, j’ai pas l’intention de ralentir le rythme de sitôt.
J’ai passé tellement de temps à essayer de « me dompter », comme si ma passion était un danger pour moi. Mais ma passion, c’est moi. La rationalité n’est pas pour autant mon ennemie. J’aime penser que c’est mon cavalier. On peut toujours discuter avec la monture, mais au final, c’est le cheval qui a le dernier mot.
Ça va mieux quand on est sur la même longueur d’ondes, mais ça y est, je crois que le cavalier a enfin compris qu’il fait bien de lâcher la bride : on va plus vite et plus loin au galop.
Elle est belle, la vue sur cette plage… Mais cette passion souffrira d’un peu d’attente. J’en ai d’autres sur le feu qui ont déjà trop attendu, et trop d’énergie à investir dans ce voyage.
J’ai hâte, de pouvoir bientôt lâcher les chevaux.
Une réflexion sur “D. 32 Entre passion et raison”