De l’aide. En recevoir, en demander, c’est difficile. On n’a pas l’habitude. C’est perçu comme une faiblesse. Et pourtant, c’est un moyen d’aller de l’avant.
Aujourd’hui, j’ai fait une plongée « pédagogique » : Laura (mon instructrice) et moi, on s’est posées par 13 mètre de fond, sur le sable, et on passé 48 minutes à répéter des gestes. Perdre et remettre son détendeur. Enlever et remettre son masque. Enlever et remettre sa ceinture de plomb, sa stab & la bouteille, nager sans masque, faire une remontée d’urgence, une remontée assistée, etc…
Une vingtaine de « compétences » dont je découvrais la plupart, n’ayant pas appris à les exécuter moi-même en France (parce qu’en soi, y a zéro raison de et zéro difficulté à enlever et remettre quoi que ce soit sous l’eau).
Mais faut pas juste savoir le faire : comme je viens de le dire, y a pas de difficulté. Faut savoir l’enseigner. Faut pouvoir exécuter les gestes suffisamment lentement, amplement, en soulignant suffisamment chaque étape, pour que l’élève en face puisse répéter la séquence et réussir la compétence.
Travaux pratiques
De retour au camp, pas le temps de lézarder au soleil, on repart pour une troisième plongée, après une grosse heure de pause. Un client veut tester la plongée, Laura l’emmène pour un baptème — avec moi.
Romain est français, donc j’ai commencé à taper la discute. Donc Laura m’a proposé de prendre les commandes : tu lui montres l’équipement, tu lui expliques tout, comment ça marche, à quoi ça sert, comment on l’utilise, et les 2 compétences qu’il va devoir réaliser sous l’eau : lâcher-reprise d’embout, et vidage de masque. OK?
OK.
C’est plus de la théorie, c’est même plus de la pratique, c’est In Real Life, sans filet. Le mec, si je le briefe mal, si je le surveille mal, il risque une surpression pulmonaire. Même à 10 mètres, ouais.
Et sous l’eau, il a eu plusieurs galères. Je le voyais, lutter pour équilibrer ses oreilles. Et j’arrêtais pas de me dire : est-ce que j’en ai trop dit ? Pas assez ? Est-ce que je lui ai mis trop de pression ? Pas assez ? Est-ce qu’il a peur de descendre parce qu’il a peur de se faire mal, ou est-ce qu’il se fait déjà mal en forçant ?
Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer, mais avec qui tu as du mal à communiquer ?
Je le voyais, galérer avec sa stab. Mettre trop d’air. Pas assez. Et puis, le dilemme : si je prends les choses en main, ça va attaquer sa confiance. « Laisse, je gère », sous entendu « parce que tu t’en sors pas ». Alors je démontre. Je démontre encore. Il n’imite pas comme il faut.
Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer sans le faire douter de ses propres capacités à résoudre le problème ?
J’ai appris à demander de l’aide, reste à apprendre à en apporter
C’était dur, aujourd’hui. Dur de se mettre à la place de l’élève pour décortiquer geste après geste des séquences que j’ai déjà intégrées dans mes automatismes. Dur d’être à la place du moniteur pour un novice absolu, d’être dans cette impuissance relative, et pourtant responsable.
Cette journée m’a fait réfléchir à l’aide. J’ai déjà appris à demander de l’aide, et c’était pas facile, tant cette forme d’humilité raisonnable est vue d’un mauvais oeil dans nos sociétés. Moi, je sais que c’est une forme de sagesse et de maturité.
Mais je dois encore apprendre à aider les autres. Proposer de l’aide, apporter de l’aide à ceux qui en demandent.
C’est un sujet complexe, faut que j’y réfléchisse. J’ai pas encore digéré cette journée. Parce qu’elle a été chargée :
– première plongée, Shark Point, je sers de guide à deux Espagnoles (Elles m’ont dit : « tu es une super guide, je me suis vraiment sentie en sécurité ! ») (et puis je leur ai débusqué deux tortues donc je suis un peu leur star)
– intervalle de surface : Laura me fait nager un 400M « nu » (sans masque ni palmes ni combi, juste en maillot), chronométrés. Je fais un 10min30 de merde, mais y avait du courant sur la moitié de la distance…
– deuxième plongée : plongée « pédagogique ». Je suis sortie lessivée.
– Pause dej (après avoir rangé le matos de la matinée et déchargé une partie du bateau)
– troisième plongée : le baptême de Romain, que j’ai équipé, briefé, coaché, accompagné pendant toute sa plongée (y compris sa remontée accidentelle, et sa ré-immersion).
– …re-rinçage et rangement du matos, je vais me doucher, et de retour à la terrasse :
– une Française vient se renseigner pour passer son Open Water, donc j’offre nos services en français.
– je débrief toutes les compétences que j’ai foirées, je détaille les séquences à l’écrit pour les revoir avec Laura
– Laura me demande de l’aide avec un client espagnol qui parle très mal anglais, j’me retrouve à improviser un coup de fil en espagnol pour préparer les sorties du lendemain (Jaume, donc, nous rejoint pour deux plongées demain).
Help. Help help help. Pourquoi des fois c’est facile d’aider les gens, et parfois, il faudrait presque trouver une parade juste pour prêter main forte ?
Comment on aide à apprendre ? #WorkInProgress.
À suivre… Ce soir, j’ai posé les questions. Demain, je chercherai les réponses. Pour l’heure, je vais me coucher. Je suis épuisée.
PS : j’ai corrigé mille coquilles à la première relecture, à ce compte-là il doit en rester plein. Signe s’il en est qu’il est temps de mettre les méninges en veille…