« Negative descent ». En deux mots, un début de panique à bord d’un bateau.
On va plonger sur un site localisé par GPS. À la surface, on voit rien. Et pour taper le site, il faut forcer l’immersion. On ne peut pas gentiment se laisser tomber du bateau, rincer son masque peinard-pépouze à la surface, ça va, tout le monde est ok ? OK ? Alors hop, on vide la stab, et on descend, chacun à son rythme, et on pense bien à équilibrer les oreilles, n’est-ce pas.
Mais non. « Negative descent », c’est : on vide la stab avant de se jeter à l’eau, et dès qu’on perce la surface, on palme vers le fond, en équilibrant les oreilles en continu. Pas le choix, le courant t’emporte sinon, et tu vas te faire balayer loin du site. Dès qu’on touche le fond, on s’accroche.
Ça, c’était le briefing sur le bateau. Et la traduction du briefing dans ma tête, c’était : « FUCK FUCK FUCK FUCK FUUUUUCK ». Et ma seule question, c’était d’ailleurs :
« So if I fuck up my descent, I just go up and back on the boat, and that’s the end of the dive, right? »
Right. Ou comment amener le scénario d’échec au premier plan dans mon esprit.
Et puis, je me suis souvenue de mon billet d’hier. Parfois, j’oublie que la peur n’est pas que paralysante : c’est aussi un stimulant.
Alors, j’utilise le shot d’adrénaline pour dissoudre la panique, je prends quelques inspirations profondes et je me repasse la séquence dans la tête. Vérifier tout mon équipement. Le mettre en place. Re-vérifier que tout est en place. Respirer profondément.
Me préparer à équilibrer en palmant.
3 – 2 – 1… GO
Le fond se rapproche et mes tympans popent doucement à chaque nouvelle pression insufflée. Ma respiration est soutenue, un peu forcée, c’est normal, je palme en continu. Je touche le fond et je m’accroche à un rocher. Je lève les yeux. C’est passé. J’ai réussi.
Bon, celui qui n’a pas réussi, c’est le client qu’on devait emmener au fond. Donc on est remonté sur le bateau, et on a retenté le coup.
Il n’y a que la première fois qui coûte
La peur était passée. En fait, c’était facile. Je l’ai fait une fois, je peux le refaire à l’infini. Et c’est la première leçon des premières fois : elles font voler en éclat le plafond de l’incapacité.
J’en suis capable ou pas ? Je peux le faire ou pas ? La première fois ne répond pas à ces questions : elle produit la démonstration. La réponse, c’est toi qui l’a. Je l’écris pour m’en souvenir : c’est toi qui a la réponse. J’en suis capable ou pas ?
Si tu réponds « non », tu peux t’arrêter là. Il faut d’abord répondre « oui » pour pouvoir dépasser la peur et tous les obstacles, pratiques, techniques, théoriques, et autres limites assimilées.
Chéris tes premières fois, c’est la jauge et le mode d’emploi
Je me le répète pour l’intégrer : les premières fois sont riches en enseignements. Que j’arrête de les appréhender en me disant que je vais forcément foirer.
Déjà, parce qu’on ne peut pas « foirer » une première fois. C’est à la fois la jauge et le mode d’emploi : au pire, c’est la liste de ce qu’il ne faut pas (re) faire, et la prochaine fois, on fera mieux, et ça passera. On fera mieux, c’est-à-dire par rapport à cette tentative, qu’elle soit réussie ou pas. Satisfaisante ou pas.
Ma deuxième « negative descent » était beaucoup moins fluide que la première. Mes oreilles me faisaient mal, les tympans appréciant moyennement de prendre 2 bar pour la deuxième fois en dix minutes.
Au lieu de sortir de l’eau en me disant « ça passe nickel », j’aurais dû analyser tout ce que j’ai fait correctement, pour pouvoir le répéter. Genre « prendre des notes » mentales des étapes à réaliser.
Chéris tes premières fois, aussi nombreuses possibles
Des premières fois, il y en aura tant que j’en provoquerai. Tant que j’irai les chercher, pour développer mes compétences, étendre ma zone de confort, progresser. ME développer, vraiment.
À moi d’arrêter de les redouter, de les fuir, comme des échecs potentiels, et de les poursuivre au contraire, pour les incroyables opportunités d’apprentissage, d’amélioration et d’enrichissement qu’elles sont.
« Negative descent ». Check.
Une réflexion sur “D 48. Chéris tes premières fois”