L’heure de départ le matin dépend de la marée. Mais comme j’essaie d’habituer mon corps à un rythme régulier, j’ai toujours un réveil à 7h00. Il ne m’a jamais réveillée, d’ailleurs. Les macaques qui sautent sur le toit à l’aube s’en chargent généralement, mais avec l’habitude, j’ouvre toujours le premier oeil entre 6h et 6h45. De quoi s’étirer comme un chat, et se lever en douceur.
Ça me laisse le temps de prendre un petit déjeuner au calme, avant que la terrasse ne soit envahie par les clients. Je m’assois face à la mer, dont le bruit des vagues rythme le passage du temps comme un métronome, en continu.
L’espace d’un moment, je règne sur le Paradis. Le vent ne s’est pas encore levé, le soleil n’écrase pas encore la plage, sa lumière est douce, comme l’air matinal.
Le parfum du thé au gingembre qu’on me sert brûlant et le goût des fruits frais chassent pour quelques instants l’odeur salée de la mer, omniprésente.
Mais ce matin, le ciel est gris. J’ai rendez-vous à 8h avec mon instructrice, on part faire deux plongées avec notre élève Open Water, à 8h30. Il est bientôt 8h et la terrasse est déserte. Et le ciel s’assombrit.
Un coup de tonnerre retentit, et soudain les nuages se déchirent, laissant tomber un rideau de pluie, dense et frais. C’est tombé si fort que j’ai eu peur que les couleurs délavent, et qu’elles se diluent sur la plage.
C’était beau.
On est sorties en mer ce matin-là, et la tempête tropicale avait laissé la place à une journée de grisaille. Du vent qui siffle aux oreilles et fouette la peau humide et nue, de l’eau tiède qui brûle les tympans et la gorge.
J’avais pas envie d’y retourner, j’avais qu’une seule envie, ou plutôt plusieurs, en fait : prendre une douche chaude, mettre des habits doux et secs, boire un thé chaud, manger un repas chaud. Mais j’oublie qu’il n’y a pas d’eau chaude dans les douches, que je vis dans une hutte ouverte donc si c’est humide dehors, tout est humide dedans, et que le repas chaud devra attendre ce soir.
Mais en fait, je me rappelle que ça fait partie du deal : on peut pas vivre au Paradis et s’attendre à des jours 100% heureux. Il y aura aussi des jours sans, des jours plus difficiles, des jours plus chiants, des jours pluvieux.
Au moment de retourner sous l’eau, contre toute fibre de volonté de mon corps, je me suis repassé les raisons pour lesquelles je me retrouvais là, à ce moment, au bord d’un bateau traditionnel maltraité par les flots, sous une pluie tiède.
Parce que je kiffe ça. Parce que j’ai choisis d’être là. Parce que j’ai envie d’être là, pour le meilleur ET pour le pire.
C’est important de garder à l’esprit les raisons et les envies qui me motivent à poursuivre une voie, pour les jours de pluie et de grisaille, où elles ne seront peut-être plus aussi évidentes.
C’est toute la différence entre la vraie vie et les cartes postales, n’est-ce pas ? Parfois il pleut, même au Paradis. Mais ça a son charme aussi.
— Vendredi, 26 août 2016
#CheatDay parce que j’étais tellement claquée à la fin de cette journée que j’ai pas sorti l’ordi et je suis allée dormir 12h, pour la peine.
Une réflexion sur “D. 50 Parfois, il pleut même au Paradis”