«Check your ego at the door» is the reason why I never cross the threshold

J’ai besoin de me construire un ego.

Wow, nan mais la meuf. Voilà la première pensée qui m’a traversé l’esprit après avoir écrit cette phrase. Évidemment. J’ai tellement pas d’ego que la simple envie d’en construire un me déclenche une réaction de « calme-toi bien et dégonfle un peu ». C’est exactement le fond du problème.

J’ai besoin de prendre un peu de place, ça ne veut pas dire « j’vais tout écraser sur mon passage ». Mais dans ma tête, si.

« Sois gentille », ne dérange pas

Tout ça remonte au « sois gentille» de mon enfance, l’injonction à être sage, sous-entendu : ne pas déranger. Ne pas déranger les adultes, ne pas déranger les autres enfants, ne pas faire chier qui que ce soit d’aucune manière.

Sois gentille, mais aussi sois humble, sois modeste, sois ouverte d’esprit, sois souple, adapte-toi à toutes les situations.

Que des bons conseils, le problème, c’est que j’ai d’abord appris à respecter les autres, toutes leurs frontières et toutes leurs exigences, avant de poser les miennes.

J’ai 30 ans, je suis face à la mer, et je me demande : qui suis-je, et de quoi ai-je envie dans la vie ?

Tu me diras, c’est toujours mieux de se poser la question à 30 ans qu’à 80, certes, n’empêche que ça reste hallucinant d’avoir vécu trois décennies sans réfléchir à ces deux questions.

Surtout que j’ai une très bonne idée de ce que mes proches veulent pour moi dans ma vie. Des gens qui ne sont pas moi ont, depuis longtemps déjà, réfléchi à ce que je pourrais être, ce que je pourrais faire, ce que je pourrais devenir.

Et moi non, en fait.

Tu vaux mieux qu’un couteau suisse

Parce que mon but dans la vie, c’est d’être utile. Ok cool, sauf que je suis une personne, pas un couteau suisse, donc j’ai potentiellement la place pour être autre chose que « juste » utile, dans ma vie. Et même un couteau suisse a plusieurs fonctionnalités, c’est dire si moi aussi, j’ai le droit d’être plusieurs choses à la fois.

(Même pour écrire ça, faut que je me justifie en invoquant un couteau suisse. Ce serait risible si c’était moins dramatique).

Donc. J’ai besoin d’ego. Je me suis dit ça aujourd’hui en me demandant pourquoi je me laissais autant arrêter par la peur, dans la vie.

La réponse étant : parce que je ne pense pas réussir à dépasser ces peurs. Pourquoi ? Parce qu’elles sont plus fortes que moi. Pourquoi je pense ça ? Parce que je ne m’accorde pas assez de crédit, pas assez de valeur.

Pourquoi ? Parce que j’ai très peu d’ego, quand j’y réfléchis.

J’ai très peu d’ego dans le travail, ce qui a toujours été uniquement un avantage, de mon point de vue. Je ne suis jamais vexée quand on me dit « c’est naze, recommence », quand quelqu’un critique ce que je fais. Je prends très facilement les commentaires sur ce que je fais : ce n’est pas moi. C’est ce que je fais.

C’est plutôt sain, comme approche. Le vrai problème à ne pas mettre du tout d’ego dans mon travail, c’est que je suis incapable d’en reconnaître et d’en apprécier les réussites. Quand on me fait un retour positif, dans ma tête, je capte un retour inutile. C’est normal si c’est bien. Dites-moi ce qui ne va pas pour que je puisse l’améliorer la prochaine fois.

Il est temps de remettre de l’ego dans mon travail

J’ai besoin d’avoir ENVIE de monter au créneau lorsqu’un sujet me parle, me touche, m’inspire, m’intéresse, me passionne.

J’ai besoin d’avoir LA RAGE d’être la première à m’en emparer, la plus pertinente dans le choix de mon angle, la plus précise et la plus rigoureuse dans l’exécution.

J’ai besoin d’être FIÈRE de mes résultats, de ce que je produis, de mes actions, de mes mots.

Je suis déjà exigeante envers moi-même, surtout dans le travail, mais cette équation est déséquilibrée si je ne mets pas en face LA FIERTÉ qui doit être le fruit de mes exigences.

C’est Aude GG qui me disait : « soyez exigeantes dans le travail, ambitieuses dans le projet ». Je ne peux pas continuer à être aussi exigeante avec moi-même si je ne mets pas en face l’ambition et la fierté.

Il est temps de remettre de l’ego dans mes relations

Bien sûr que je suis incapable de vivre en couple : je ne sais pas faire respecter mes propres limites, évidemment que la perspective de partager ma vie avec quelqu’un me file des sueurs froides. Ça veut dire faire des compromis partout, tout le temps, tous les jours de ma vie… L’angoisse, vu que ma propre définition du compromis consiste à céder tout, tout le temps, au bénéfice de l’autre.

Épatant. Sur cette base, il est évidemment impossible de construire une relation saine. J’arrive à avoir des ami•es uniquement parce que je ne vis pas avec eux, je ne les vois pas tous les jours.

C’est aussi comme ça que j’ai toujours réussi à équilibrer mes relations en colocation : sortir de l’appart quitte à passer la journée au cinéma, quand j’ai besoin de retrouver « mon espace ».

Expliquer à l’autre en quoi son comportement empiète justement sur cet espace est au-dessus de mes forces : je ne saurais même pas par quoi commencer… Je suis incapable d’expliquer en quoi tel ou tel comportement m’affecte, je sais juste que j’ai besoin de partir, alors c’est ce que je fais.

Remettre de l’ego dans mes relations, c’est réfléchir au sens que je leur donne. Qu’est-ce que j’apporte, mais aussi qu’est-ce que j’en retire ? Oui voilà, ça va, c’est pas un gros mot : une relation, c’est un échange. Qu’est-ce que je ramène, mais aussi : qu’est-ce que je viens chercher ?

M’autoriser à me poser cette question, et réussir à y répondre, ce sera la clé de mes futures relations pro, perso, amicales, amoureuses, etc. Des relations dans lesquelles j’existerai parce que je suis capable de faire respecter mes besoins, mes envies, mes limites, parce que je suis actrice de cette relation. (Par opposition à l’heure actuelle, où mes relations qui marchent sont celles où l’autre me respecte « à l’instinct » (sans que j’aie eu à contribuer), ou encore celles où je m’investis très peu.)

Il est temps de me construire un ego, dans la vie

Cinquième « pourquoi » de ma série : alors, pourquoi j’ai aussi peu d’ego, dans la vie ?

Je m’en souviens comme l’une des meilleures leçons de vie jamais reçues, mais je viens seulement de comprendre tout ce qu’elle avait à m’apporter.

C’est une phrase que prononçait régulièrement mon prof de théâtre au Canada, Wayne Goodyer. Il répétait à ses classes « check your ego at the door », ce qui voulait dire : quand vous entrez dans cette salle, dans laquelle, en tant que groupe, nous allons travailler avec nos corps, avec nos voix, avec des rôles, vous devez laisser votre ego à la porte.

Accrochez-le à la patère, au même titre que votre écharpe, votre manteau, ces vêtements qui entravent votre liberté de mouvement.

Vous ne pourriez pas jouer pleinement le rôle que vous aurez à endosser durant cette séance si vous gardez votre doudoune et votre bonnet. C’est pareil avec l’ego : on n’est pas bon comédien quand on se drape d’ego au lieu de, justement, se mettre à nu pour mieux revêtir le rôle qu’on reçoit, quel qu’il soit.

Laissez votre ego à la porte, répétait-il.

J’ai adoré ce conseil. C’était libérateur.

« Check your ego at the door »…

Ce que je n’avais pas compris, c’est que j’aimais autant ce conseil et ce cours parce que je me sentais enfin à égalité avec tous les autres. Si tout le monde laisse son ego à la porte, alors que j’en ai pas, mes relations avec les autres me semblent enfin « naturelles ».

Tout était alors facile : je pouvais dire ce que j’avais sur le coeur, critiquer, améliorer, refuser, demander… Plus personne n’avait d’ego, et lorsque quelqu’un se parait du sien pour réfuter une requête ou faire un commentaire, ça se voyait, c’était évident. La personne était vite recadrée, et M. Goodyer répétait :

« Check your ego at the door ».

Sauf qu’à la fin de la séance, chacun récupérait son ego, en renfilant aussi son manteau, son bonnet, son écharpe et ses gants.

Moi non.

…So I never cross the threshold

J’ai passé le plus clair de mon année dans cette salle de cours, je m’y sentais si bien. J’y passais toutes mes pauses, en compagnie des autres « drama freaks ». Ceux qui savaient laisser leur ego au vestiaire, le temps de nos conversations.

Je me disais que c’était encombrant d’avoir de l’ego, je n’en avais jamais compris l’intérêt.

Je comprends, aujourd’hui, que mon manque d’ego est la raison pour laquelle j’ose si peu, dans la vie. Je ne passe pas le seuil de toutes ces portes où il faudrait laisser son ego au vestiaire pour éviter de le blesser inutilement : j’en ai pas, alors c’est moi qui vais me faire du mal si je continue.

Je me suis toujours dit que c’était cool de pas mettre d’ego dans le travail ni dans mes relations, parce que comme ça, je ne risque pas de le blesser. Mauvais calcul… Les blessures à l’ego sont hyper faciles à soigner.

L’ego sert à ça, en plus : c’est une armure, que tu revêts pour affronter la vie, faire respecter ton espace, tes limites, tes idées, tes besoins, tes envies. Et oui, parfois, ça clashe avec d’autres personnes, avec les aléas de la vie.

C’est l’ego qui prend. C’est pas grave, respire un coup, bois un verre d’eau, tape une colère ou une crise de larmes et ça ira mieux. Voilà, c’est ça un ego blessé. Même pas besoin de point de sutures.

En attendant, moi, je me balade à poil, je prends des coups dans tous les sens, j’ai des bleus de la taille d’un ballon de rugby, et quand on me demande « mais pourquoi tu m’as pas dit que ça te posait problème ? », je réponds « je voulais pas déranger ».

Voilà. Tout est dit…

Avoir de l’ego, c’est faire respecter mon droit d’exister

Avoir de l’ego, c’est avoir le droit d’exister, et se donner la légitimité de faire respecter ce droit. C’est tout, c’est déjà pas mal. Je peux commencer par là. C’est quoi la place que je veux prendre ?

Quelles sont mes envies, quels sont mes besoins, quelles sont mes limites ?

Qu’est-ce qui me fait peur, qu’est-ce qui me rend fière ?

Qu’est-ce qui me fait me lever le matin, qu’est-ce qui me donne de l’énergie, qu’est-ce qui m’en coûte et pourquoi ?

Je peux réfléchir à ces questions et en trouver les réponses, mais ça me fera une belle jambe si je ne suis pas prête à faire respecter ces réponses. Par moi-même, déjà, puis par les autres.

Je dois mettre de l’ego sur la définition de mon « non négociable ». Avoir de l’ego, c’est la base pour pouvoir être respectée. Par moi-même, pour commencer.

Who the fuck am I?

Who the fuck am I? Well, that’s the million dollar question, isn’t?

Fun fact: I’m afraid of the answer. I have this idea of the person I should be, who I want to be, who I try to be… But I’ve never really stopped and taken a good long hard look at myself to figure out whether or not I fit the part.

I know I want to be useful in this world. I don’t care the least about «becoming someone», but I do want to accomplish something. Something that I could look back on from my deathbed, and dissolve my regrets.

I also know that I don’t want to be on my deathbed to decide whether or not my time on earth has been put to good use or not. I need to have a reason to get out of bed every single damn day. It’s the curse of depression: if I don’t have a reason to wake up, then why would I?

If I don’t have a reason to live, then why live at all? It’s so exhausting. What could possibly make all of these trials worth their trouble?

That’s the million dollar question, isn’t it. Why am I so incapable of asking myself that simple question: who are you?

Why am I so incapable of hearing that question, and thinking about what the answer might be. Who am I? Not to others, but to myself. Don’t tell me you’re the funny one, you’re the leader, you’re the capable one, you’re the eldest, you’re this, and that…

It’s not «what» are you, it’s WHO are you. Not to others, not in this society, not in theory. Who are you?

Help yourself, for a change

It’s funny because the reason why I am so good at helping others, is precisely because I know «who» they are. Through their speech, their non verbal communication, their eyes, their laughs and tears, their confessions, their aspirations, I figure out what they want, what they need.

This is my secret to know just what that person might need to hear, at that precise moment. I’ve stopped doing that, though. It’s freaky when someone you barely know comes up with the exact words you needed to hear. I’m not your guardian angel nor am I your soulmate, sent from destiny. I’m just good at reading emotions.

Everyone’s emotions, except my own. I discard them, because… Well I don’t really have a good excuse for that one. I guess, because reading into my own emotions would allow me to know precisely what to tell myself, and what to do in order to improve my life, my well being.

But then if I don’t act on it, or if I don’t succeed, it’s my own fault, right?

Blessed are the ignorant, as they say. If I don’t know what’s wrong with me, I can’t fail at helping myself.

This is why I have no clue as to who I actually am, this is why I dedicate every fiber of my being towards others: not out of altruism, but out of fear.

I’m afraid

I’m afraid. This is the main emotion that’s been blocking my throat all these years.

I’m afraid of failing. Failing, failing myself, failing others.
I’m afraid of hurting. Hurting myself, hurting others.
I’m afraid of disappointing. Disappointing myself, disappointing others.
I’m afraid of being powerless.
I’m afraid of being useless.
I’m afraid of drowning: in work, in sorrows, in regrets, in fears.

I’m afraid of staying afraid forever.

Who the fuck am I, you ask? A lot braver than I give myself credit for. I know that. Deep down, I know that I am stronger than all these fears.

See? That is exactly what I needed to hear.

It’s also the truth.

I am braver, stronger, more determined and more inspired than I’ve allowed myself to be so far. My fears don’t define me. It’s time I start defining myself without them.

From this day on: I am unafraid.

pointe-saint-mathieu-2017-10-06

 

Let the wave crash so I don’t go under

Je l’ai pas vue venir. J’aurais pas pu, parce que la vague ne prévient pas. Elle arrive ensevelie, elle rebondit par le fond et s’élève soudainement. Quand je sens son ombre sur mes épaules, il est trop tard. L’écume éclate au-dessus de ma tête, et les confettis d’eau salée commencent à me battre la peau.

L’instant d’après, je me noie, sans avoir compris d’où venait le tsunami.

Il me faut des jours, des semaines, parfois des mois avant de pouvoir sortir la tête de l’eau. Mais je me suis fait une promesse: celle de ne plus laisser la vague m’ensevelir.

C’était difficile, j’aurais dit impossible avant l’été, mais depuis, j’ai gravi des montagnes et atteint des sommets. J’ai traversé le désert de mes envies taries pour retrouver la source de mes inspirations.

J’ai fini par réussir à me retourner, et surtout, à garder la tête haute et les épaules droites. Désormais, je sais regarder l’horizon devant moi sans baisser les yeux. Je sais regarder derrière moi, sans me noyer dans la brume et la nostalgie.

J’ai sué, travaillé et taillé mes muscles pour que mon dos tienne le coup. Et pour la première fois, j’ai senti la vague arriver. J’avais les pieds sur terre et les yeux ancrés devant moi. J’ai vu la surface de l’eau frémir, j’ai ressenti le volume de mes peurs et de mes angoisses revenir me faucher, à la vitesse d’un raz-de-marée.

J’ai vu la vague se lever, et pour une fois, je n’ai pas résisté. J’ai laissé le mur s’abattre sur moi, et m’écraser sous lui.

C’est que de l’eau.

Ce ne sont que quelques minutes à expirer, en attendant que la vague se retire.

C’était beaucoup plus rapide, au final, que de passer des jours, des semaines ou des mois à courir devant la vague. À espérer qu’elle s’écrase derrière moi. À me convaincre que j’avais les épaules assez solides pour résister à son poids. Mais une marée de cette ampleur a la force d’un troupeau de bisons au galop. Bien sûr qu’elle me ratisse à chaque fois.

Pour une fois, je n’ai pas résisté.

Cette fois, j’ai accepté. Accepté que je n’étais ni assez puissante, ni assez stable pour battre un raz-de-marée. J’ai laissé la vague s’écraser, je l’ai laissée me noyer quelques instants dans la tristesse, la colère et les regrets, juste assez pour expirer toute la rage que mon impuissance m’insufflait.

Juste assez pour que le sel brûle les plaies.

J’ai encore le goût du sel sur mes lèvres gercées, encore la douleur aiguë de ses brûlures sur mes paupières épuisées, encore sa trace séchée sur mes joues.

Mais l’eau se retire. Car la vague est passée. Et pour une fois, elle ne m’entraîne pas avec elle vers les profondeurs d’où je ne savais pas me sortir. Pour une fois, je ne vais pas me noyer dans les abysses, asphyxiée, écrasée par l’obscurité.

Pour une fois, la patience et la persévérance m’ont fait tenir debout, m’ont fait relever lorsque je suis tombée à genoux.

Pour une fois, je sors la tête de l’eau… juste en levant les yeux.

Devant moi, un autre jour, à l’horizon.

Et dans les couleurs de l’aube, le reflet d’une victoire: la rupture tient.

Healing hurts like a bitch

« Plus jamais je ne souffre pour m’apprendre à ne plus souffrir. »

La souffrance marque la mémoire au fer rouge. C’est une leçon que le corps ne veut pas oublier, alors il s’assure que l’esprit l’enregistre, au fer rouge aussi : plus jamais ça.

Plus jamais une douleur à l’oreille qu’on ignore.

Plus jamais une « gêne » qu’on laisse se résorber au creux de l’oreille. C’est fragile, un canal auditif. C’est précieux, un tympan.

Si ça gêne, c’est un problème en devenir. Un jour, la gêne devient une douleur, puis une souffrance, en un instant.

Un jour, ton médecin traitant t’envoie d’urgence chez l’ORL et tu te retrouves à fixer la fenêtre, immobile, en train de te convaincre de ne pas sauter par cette fenêtre, et de ne pas non plus t’éclater la tête contre le mur derrière toi.

Il suffirait de se jeter en arrière.

Tout ton poids en arrière et la douleur s’arrête.

Promis.

Les larmes roulent sur tes joues, et t’auras bientôt plus de dents si tu continues à les serrer comme ça. Mais tu tiens bon. Parce que ça va être à toi. Bientôt. C’est sûr. Encore une minute.

Tu peux tenir une minute. C’est seulement 60 secondes. Tu peux compter 60 secondes. Elles passeront plus vite si tu les comptes.

7 200 secondes plus tard, on t’annonce que t’es passée à 1 800 secondes des urgences pour une trépanation.

Tu t’en fous, pourvu que la douleur cesse.

Plus jamais t’ignores une « gêne » à l’oreille.

Plus jamais une douleur dentaire qu’on ignore.

T’as trois ans de plus. T’as déjà dit plus jamais une fois, et pire que jamais revient. Tu te fais opérer des dents de sagesse, mais parce qu’en 2003 c’était la mode, et que les orthodontistes s’en faisaient des couilles en or, on te retire tes dents de sagesse en cabinet de chirurgie dentaire. Sous anesthésie locale.

Le mec a tout juste fini de te recoudre les 4 gencives (2 en haut, 2 en bas), que l’anesthésique commence à s’estomper. Tu le sais pas, mais tu le sens.

« — Euh, vous avez quelque chose pour la douleur ?
— Ici ? Non, mais voici une ordonnance.
— Mais il est 19h.
— Ah oui ! Il vous faut trouver la pharmacie de garde ! La plus proche sur votre route… Est à 40min d’ici. »

Ça va, 40 minutes c’est que 2 400 secondes, mais t’arrives pas à compter parce que les battements de ton coeur faussent le rythme.

T’es en voiture, à la place du passager, et tu luttes pour ne pas t’éclater la tête contre le tableau de bord : si je m’assomme, ça ira mieux, parce que ça passera plus vite. Juste un coup de tête, et je m’assomme.

T’as pas peur de la douleur, parce que ça peut pas être pire que celle de 4 gencives à vif.

« — Mets la radio
— Je mets de la musique ?
— Non, mets des gens qui parlent, pour que je puisse me concentrer sur ce qu’ils disent. »

Ce soir là, chez RTL, vous m’avez mise hors de moi, mais pire que d’habitude. Tas de cons.

Encore 720 secondes. Je préfèrerais m’assommer.

240 secondes mais c’est si long de récupérer une boîte de cachets ?!?!?!?

Je mettrai 8 ans à retourner chez un dentiste, après le dernier rendez-vous pris et payé par mes parents. Fallait pas trahir ma confiance comme ça.

J’ai les dents bien alignées, mais sérieux, ça ne valait pas ça.

Plus jamais je ne monte sur une planche de snowboard sans mes protège-poignets

Y a littéralement 100 m à faire.

Je suis épuisée.

Mais c’est tellement chiant de mettre les protections, puis les gants, puis les fixations, puis se relever.

C’est vraiment que 100 mètres.

C’est en pente douce.

Au pire, je risque quoi ?

Deux chutes plus tard, je peux plus bouger les mains : ça me fait mal.

Mais ça va. J’ai connu pire. Mes dents, mon oreille et sa mâchoire inflammée, c’était tellement, tellement pire. J’ai juste une tendinite, je crois.

Le lendemain, ça passe pas, c’est bleu et gonflé, faut aller consulter.

Deux radios. Deux fractures.

« Il faut réduire la fracture, c’est-à-dire remettre l’os en place avant de plâtrer ».

Ok, on fait ça.

Le chir’ me place le coude en bandoulière, dans une écharpe vers le bas, et 3 doigts de la main dans des bandes adhésives qui les tirent vers le haut.

Puis il écartèle le tout, et commence à tripoter la partie de ma main où un débris se balade.

Je hurle comme un chat qu’on écorche en commençant par la queue.

Ça a duré moins de 40 secondes.

J’ai voulu crever sur place. La foudre eût été plus clémente.

J’ai passé deux mois les deux poignets immobilisés. Et 40 secondes de douleur comme j’en avais jamais connue.

Plus jamais je monte sur une planche de snowboard sans mes protège-poignets.

Plus jamais ça.

J’étais trop de fois chez une psy. Oui, toujours une femme, mais j’ai pas fait exprès. À chaque fois parce que j’avais envie de crever, mais ça n’avait pas de sens, parce que j’avais toutes les cartes en main pour être heureuse. Alors pourquoi je l’étais pas ?

J’allais chercher l’explication. Je ne la trouvais pas. Je ne l’ai pas trouvée.

J’avais lu ou entendu quelque part, qu’aller consulter un·e psy, c’était comme aller chez le médecin, mais pour l’esprit.

Sauf que quand tu boîtes, ou que t’as une plaie béante, tout le monde te dit mais oh mon dieu, va voir un médecin !

Quand t’as envie de crever, ça ne se voit pas forcément, et même aux gens tristes, y a pas grand monde qui leur dit « tu devrais voir un·e psy » comme si c’était une évidence.

C’est plutôt une condamnation. Puisque visiblement personne ne peut rien pour toi, surtout pas toi-même, va voir un·e psy. C’est un débarras, pas un conseil. Un abandon, pas un salut.

Je suis allée voir des psys pour trouver une solution. Mais je ne leur ai pas laissé une seconde chance, alors qu’aux médecins, je leur ai laissé mille chances, malgré les souffrances qu’ils m’ont infligées, par inadvertance, par ignorance ou par négligence.

Parce que les médecins m’ont soignée. Je suis toujours revenue vers eux parce qu’ils ont fait disparaître la douleur. Les psys, jamais. Et je l’ai retenu contre eux.

J’ai mis huit ans à revoir un dentiste, mais j’ai mis douze ans à vraiment revoir une psy, à lui faire confiance. À lui dire où ça fait mal, en sachant qu’elle allait appuyer dessus.

Les médecins, je peux le faire. Je sais qu’en sortant j’aurai moins mal. Même si ma mémoire me rappelle toujours aux souffrances, rarement aux soulagements.

Mais les psys, jusqu’à présent, elles me laissaient seule avec ma souffrance. Et me donnaient des solutions qui ne résolvaient pas mes problèmes.

Cette psy-là a été différente.

La première m’a dit « pourquoi vous êtes là ? », je lui ai raconté, elle m’a dit « ça, c’est la dépression ». Et puis, rendez-vous dans un mois.

Comme si un chirurgien me disait « C’est un cancer ! Rendez-vous dans un mois ».

Elle m’a ouverte, et a laissé la plaie béante.

La suivante a fait l’inverse. Faut dire que j’avais perdu la confiance.

« Alors, y a eu un déclencheur, n’est-ce pas ? »

C’est comme si j’avais répondu « oui, j’ai une crampe au mollet » et qu’elle avait renchérit « ok, on va ouvrir de la cheville au jarret ».

Je suis étripée au détour de ses phrases, mais la douleur ça va, parce qu’elle cautérise immédiatement ce qu’elle expose au grand jour.

Je suis sortie de là avec plus de devoirs qu’en dix ans de thérapies cumulées. Mais je suis sortie de là soulagée.

Elle m’a fait mal comme un chirurgien qui opère à vif, mais elle n’a rien ouvert qu’elle n’était en mesure de cautériser immédiatement.

Et avec toute la douleur qu’elle m’a infligée sur l’instant, aucun médecin ne m’avait fait autant de bien en un si court instant.

Et je sors de ce rendez-vous avec une nouvelle promesse.

Plus jamais je ne m’inflige à moi-même la souffrance que je me suis infligée, en ignorant les affres de la vie quotidienne.

Plus jamais je n’épingle mon dos de cent clous posément enfoncés, par esprit de martyr, de sacrifice ou de négligence.

Plus jamais je ne m’ignore au point d’encaisser pour d’autres, la négligence, la déception, l’angoisse et la peur d’autres.

Plus jamais je ne digère ma propre lâcheté, quand j’ai tout le loisir de comprendre ou de refuser des émotions qui me contaminent.

Plus jamais je ne m’inflige la souffrance que j’ai supportée pendant plus d’une décennie, au motif que si personne ne la voyait, alors c’était le fruit de mon imagination.

Elle était aussi réelle que ma mastoïdite, que mon extraction des dents de sagesse sous anesthésie locale, que ma double fracture du poignet à réduire.

Ma dépression était réelle. Elle était la pierre qui m’infligeait une noyade permanente.

Plus jamais je ne me laisse noyer par cette pierre. Plus jamais je ne laisse des blessures invisibles lacérer tout mon être.

Plus jamais je ne laisse des douleurs psychologiques marquer mon corps et mon esprit, quand il me suffirait d’y répondre — alors que j’ai le pouvoir de les affronter.

Plus jamais je ne laisse mon esprit taire la douleur que mon corps crie, au motif qu’il a le pouvoir de l’éteindre : il se trompe. Elle finit par ressurgir, comme la lave éructe d’un volcan, brûlant ses flans telle une furie.

Plus jamais ce déni, plus jamais cette souffrance
 au motif que personne ne l’entend.

Elle est réelle parce que je la vis. Elle est sérieuse parce que je la ressens. Que personne d’autre ne la voie, c’est bien le cadet de mes soucis.

Plus jamais la souffrance exorcisée ce jour-là.

J’ai souffert une fois de trop, sans doute une fois pour rien. Mais si j’apprends enfin que cette souffrance n’est pas utile, c’était une fois utile enfin.

Et plus jamais je ne souffre pour m’apprendre à ne plus souffrir.

Break the window

In case of emergency, read this again.

It’s going to be alright.

It’s not the first time you’ve felt this way, and you’ve always come out as a better, stronger version of yourself. Although it may feel worse this time. It always does, but it never really is. It’s the lack of perspective that makes it feel so much worse. So this is perspective.

Read this. Until you can read it without crying.

Never has emptiness ever felt so heavy. It feels empty, so you feel the need to fill it up. Food, booze, noise, anything. But that’s where you are wrong. It’s the weight of your worries, your fears, unshed tears, bottled up conflicts and untold feelings that is dragging you down. It doesn’t need filling.

It needs to be released.

But somehow you can’t get this all out. Like you’re trapped behind some heavy glass.

So for the next time you get stuck in there, here’s how to break the window. Follow the emergency exit path…

Walk.

Walk. You can always walk. Walking is just putting one foot in front of the other, and that is something you’ll always know how to do.

First, you walk inside. Then, you go outside. Don’t go anywhere in particular, just walk. It will remind you that you don’t have to know where you’re going to start walking again. It’s just one step at the time.

Cry.

Cry as much as you need. Don’t feel ashamed, don’t feel weakened nor diminished because you need to cry a lot for no reason. It’s a good sign. It’s just the pressure oozing you.

Go to the movies.

You feel like you need to immerge yourself in fantasy, to avoid facing your present reality, and that’s ok, for a while. Do it, but do it properly. Go the a movie theatre, actually surround yourself with the story. Commit to it. No phone. No pause. No outside foods. No trying to do something else at the same time.

This way you still get to escape your mind, but you don’t go locking yourself away in a Netflix loop.

Read.

Read. It’s the next step out, right? It’s still an escape, but it’s one you can aim for without leaving your couch.

You still don’t have to do anything, just pick up a book. It’s an active way of getting out. There’s always something to read. When you’re tired of reading, you’ll either need to sleep of actually do something. Either way, it’s productive.

Meditate.

I know that by the time you’ll be reading this, that step will feel way to high to attempt. That’s ok. In your own time.

Meditation will help you get rid of the negative feelings packed up inside. Everything crying and walking can’t get out.

Breathing, freeflow thinking will help release all that internal pressure weighing you down. You know, that treacherous feeling of emptiness, which is actually more like drowning in your sorrows.

Get out of there.

Something probably needs to change in your life, but you’ve got zero chance of figuring that out while you’re drowning in your everyday routine.

Book a flight, book a trip, even 2-3 days out will do the trick, but you will benefit from a change of scenery.

If you’ve started meditating again, pack your running shoes. Your next step towards recovery will start with a healthy run.

General advices

Don’t waste time or energy trying to understand why you’ve fallen of the wagon this time. What triggered it. Why. This is the treachery of depression: there may not be a why. There may not be a reason. The longer you try to understand, convinced that all you need to get better is to figure out the source of this pain, the longer your recovery will take.

Don’t blame yourself. You’ve done nothing wrong. You couldn’t have done anything differently. It just is.

Sleep. It can’t hurt. Better sleep than binge watch irrelevant shows until your eyes dry out.

Eat fresh fruits. Generally, fresh foods. I swear it’ll help.

Seek help. It’s not a sign of weakness, it’s a show of strength. It already means that you will power’s back. Nurture that spark, and follow your own advice.

Your drive will come back, in the form of a spark. The kind that a broken lighter makes, when you try it on. Catch that spark. It might take you several tries to get the fire started again, but that’s ok. Be patient.

Spot the signs

You never wanted to write such a list, because you don’t want to risk writing down a self-fulfilling prophecy. If these are the signs, then every time I feel one or the other, I may start experiencing the rest, and self-drown myself in depression.

You’re not like that.

You’re the kind of person who convince themselves everything’s fine, it’s just a cold, when you should have gone to the doctor a week ago. You know the symptoms to these diseases, yet every time you feel them, you discard them entirely. Can’t be sick if I don’t feel sick.

But you’ve since learned to take some symptoms seriously, only to avoid worse conditions.

The same goes for that list. It’s not a sentence. It’s a reminder that there are early exits out of that slope.

And you can’t take them if you don’t even know that you’re spiraling down.

In case of emergency, break the window…

  • …If noise feels unbearable even in mildly/low levels around you.
  • …If you stop enjoying other people’s company, if they dry out your energy.
  • …If sleeping 9 hours still leaves you exhausted.
  • …If drinking becomes a frequent necessity instead of a sporadic enjoyment.

…If you start lying «Yes I’m fine» when your closest friends ask you «how are you?»

Here’s the answer you actually meant to say. Learn this line for the next time:

I’m not fine at the moment. I’m going through a rough patch, for no particular reason. It happens. And I’m going to be ok. I just need some time, but it’ll pass. I know that in the end, I’m going to be fine. 

Again. I’m going to be fine again.

Le goût de l’effort (dans le dur)

Je ne me souviens plus si j’ai déjà écrit sur le sujet. J’avais oublié, pour la confiance. Ça m’est revenu cette semaine, en décantant les obstacles et les difficultés qui s’entrechoquaient dans mon esprit, engluées par le doute : la confiance est un muscle qui se travailleJe m’en suis souvenu.

Ça se pratique. Le doute s’amenuise, comme les courbatures se raréfient. Mais ça prend du temps, et beaucoup d’énergie.

Ça se travaille. Mais j’avais aussi oublié : ce travail n’est pas qu’un processus, il est aussi une fin en soi. J’aime ce travail, cette épreuve permanente, par laquelle je progresse, et donc, je m’accomplis.

Comment l’expliquer ? C’est tellement paradoxal. En chier pour kiffer, c’est comme souffrir pour être belle : on dirait un oxymore, une relation décorrelée. Un déséquilibre. Mais toute la différence se fait dans le choix d’être là, et celui d’avancer. Choisir ou subir, c’est toujours ça la différence essentielle, au fond, pour moi.

Je choisis d’être là. Pas au passé, mais au présent, chaque jour : je choisis d’être là. Je choisis de continuer à avancer, comme ça. Et c’est long, et c’est dur, et c’est parfois frustrant, et parfois gratifiant, mais c’est toujours éphémère, pratiquement instantané.

J’investis pour réussir. La mise de départ, c’est beaucoup de confiance et d’énergie, que je relance à tous les coups, parce que j’y crois comme j’ai jamais cru à rien avant ça, parce que je veux réussir plus que j’ai jamais voulu réussir quoi que ce soit avant ça. Parce que le jeu en vaut la chandelle, comme aucun autre avant celui-là.

Je dis que j’investis, parce que je n’attends pas de retour immédiat. C’est pas “action-récompense”, c’est une succession d’actions qui finira par déboucher sur un progrès. C’est pas des paris que je fais, c’est des briques que je pose. Il faut attendre que le ciment prenne. C’est long. C’est lent. Je suis dans le dur.

Mais j’ai retrouvé le goût de l’effort. La satisfaction d’en chier. La sensation que tes actions font bouger les lignes, mais très sensiblement. Comme un frémissement. C’est la conscience du battement d’aile d’un effet papillon. Je sème des graines. Et je bosse.

Le goût de l’effort, c’est le kiffe né dans la douleur. C’est le dernier kilomètre de la course qu’on finit au mental, quand les muscles hurlent mais que la tête prend le relai. Et qu’à l’arrivée, toute la souffrance est déjà oubliée.

C’est la satisfaction d’essayer et de persévérer, de continuer, de garder les yeux sur l’objectif même si ça prendra du temps et demandera beaucoup d’efforts, d’y arriver.

Ça y est, je me suis souvenue que j’aimais suer à grosses gouttes, avoir le souffle haletant et les mollets en feu. J’aime les courbatures qui te font dire à la fois « plus jamais ça » et « j’y retourne quand », pratiquement dans la même pensée. J’en peux plus et j’en redemande. Tout le temps.

Ouais. J’ai oublié de kiffer. J’ai le goût de l’effort au point d’oublier d’en profiter. J’aime suer jusqu’à m’en aveugler, m’essouffler jusqu’à l’épuisement, tirer sur la corde jusqu’à ce qu’elle se tende et menace de lâcher. C’est ça, mon kiffe. Repousser mes limites.

J’en fais toujours plus parce que j’en sors toujours grandie. J’essaie plus que les autres pour réussir mieux qu’eux. Je m’obstine et je persévère pour me rendre fière. Je suis perfectionniste parce que le diable est dans les détails et que je brûlerais l’enfer pour atteindre le paradis.

J’ai le goût de l’effort jusqu’à m’en épuiser. Et c’est ça mon addiction, c’est ça mon kiffe. Je l’avais juste oublié.

C’est pas la traversé du désert, ni même l’ascension de l’Everest. C’est un marathon, et je suis entrée dans le dur. C’est normal que ça tire, que ça fasse mal dans les jambes, que le mental flanche, et que j’en ai des nausées. Mais c’est ça qui est intéressant, pour moi. C’est l’épreuve qu’il représente, ce marathon, ce sont les haies que je dois sauter, la distance à tenir et les intempéries qui viennent tout compliquer.

Je me ferais vraiment chier à moins de ça. Et même dans le dur, j’ai qu’une seule envie : libérer ma foulée. Si j’avais pu courir le marathon au rythme d’un sprint, je l’aurais fait.

Alors, pour tenir l’effort, j’ai voulu ralentir, mais ça me rend folle de frustration, en fait. Et c’est pas ça le problème, au fond. J’ai pas besoin d’être patiente, j’ai juste besoin de me rappeler du goût de l’effort. Et pourquoi j’y suis autant accro.

J’ai juste oublié de kiffer ce pourquoi j’investis tant : la satisfaction d’avancer. Pas toute seule : en équipe, tou•tes ensemble, moi et tout•es celles dont la vie est touchée par les mots qu’on répand.

Le goût de l’effort, c’est ce qui me fait kiffer, même en plein dans le dur. Surtout quand le pire est déjà passé, et que l’avenir nous gave de promesses plus hautes que l’Everest.

« Do or do not. There is not try ».

Yoda a tellement raison. J’ai pas le time pour les hésitations. J’ai trop d’énergie, trop de volonté, trop de motivation pour les coups d’essai.

Je prends des risques parce que je ne supporte pas les regrets. J’avais juste oublié que j’avais le droit à l’erreur… et donc le droit de kiffer les réussites, même si elles sont triviales.

C’est ça, le goût de l’effort. Le kiffe à chaque pas qu’on prend, de ceux qui s’enchaînent à ceux qu’on s’arrache. Plus c’est dur, plus je kiffe. Pour le challenge, et même dans le dur : c’est là que ça devient intéressant.

Le goût de l’effort, c’est apprécier le chemin, pas la destination. L’histoire de la vie, au fond. Sauf qu’on va plus vite pour aller plus loin. Qu’on se donne plus, parce qu’on en a les moyens. Et que je vais crever si je me mets au pas, au diapason des autres qui avancent trop lentement dans leurs vies sécurisées… quand j’affronte la mienne à pic, que j’escalade en tête la piste de mes projets.

Je suis dans le dur. Et à moins de ça, je me ferais chier à en crever.

Tempo

Cinq mois. Et pas une nouvelle note à publier. Mais plein de fausses notes, de ratures sur la partition, d’heures passées au clavier à recommencer, à s’entraîner, à réciter, à répéter, à jouer, à s’éclater.

J’ai pas (encore) trouvé mon rythme alors j’écoute celui des autres et je cours après le tempo. J’écoute les cor(p)s qui prennent le dessus et parfois se mettent en sourdine. Je tends l’oreille vers les cordes qu’on tire et qu’on détend avant qu’elles ne lâchent, qui grincent et pleurent lorsqu’on les gratte, qui surprennent et enchantent lorsqu’on les accorde.

Je cherche l’harmonie dans la cacophonie des choeurs en formation.

Cinq mois. Je me suis sentie seule et noyée dans la foule, étouffée par les silences et assourdie par les bruits. J’ai été bousculée par le rythme, et figée par l’inertie d’un orchestre trop complexe à diriger. J’ai été emportée par les symphonies déchaînées comme une tempête sur les plaines, je me suis laissée émouvoir et surprendre par les mélodies timides, improvisées par les solistes, comme un secret murmuré.

J’ignore le métronome dont les allers-retours arrogants me narguent, et m’insupporteront tant que je n’aurai pas trouvé le rythme. Je suis partie pour courir un marathon au rythme d’un sprint…

Et j’ai pris le contrôle.

J’ai cherché ma métaphore pendant de longues semaines, et je l’ai trouvée dans l’image qui m’est la plus étrangère. Debout sur l’estrade, écrasée par l’obscurité, je ne vois que la partition que j’ai sous les yeux. Silence. Tout autour, le néant, jusqu’à ce que je lève le poignet.

C’est fou, ce pouvoir de lancer la musique d’un geste si léger.

Moi je pensais que pour être un leader, il fallait incarner une forme d’autorité. Il faut des épaules larges et une voix qui porte, une posture droite et un regard d’acier. Il faut aveugler les autres et rester soi-même dans l’obscurité. Il faut transpirer l’assurance et proscrire toute vulnérabilité.

Mais je n’avais jamais vu de chef d’orchestre. Seul, debout dans la lumière, c’est lui qui est aveuglé. Il ne voit que son propre chemin, les autres le suivront car ils ont confiance. C’est cette confiance qui lie tous ces instruments à l’extrémité de sa baguette, à la dextérité de ses gestes. Ses erreurs à lui deviendront les leurs, il le saura et ne leur en tiendra pas rigueur.

Perfection takes practice

Et tous les jours, recommencer. Il y aura des fausses notes tant qu’il y aura des humains à l’exécution, parce qu’entre les ratures griffonnées sur la partition et la magie des sons qui envahissent l’espace et transpercent les carapaces, il se passe un miracle.

Et le miracle, c’est de toujours réussir à produire un résultat unique, à force de répétitions.

On reprend à la clé, je gomme les essais de la veille et on improvise les mouvements du jour, pour n’écrire que le meilleur. Si ça marche, on répètera. Si ça coince, on persévèrera.

On vise la perfection pour atteindre l’excellence, une note à la fois. L’ensemble est toujours unique, et c’est ce qui le rend beau, même les soirs où j’ai le bras lourd et les doigts crispés sur le bois. Les jours où les violons sont désaccordés, où la batterie résonne trop fort et mes solistes se noient dans le bruit, les moments où je n’entends plus l’harmonie.

Mais lorsque le rideau tombe et que le silence se fait, le répit me pèse vite. Heureusement qu’il est de courte durée…

Cinq mois. J’arrive au bout de ma partition, et la perspective qui me paralysait il y a un an m’excite à présent : à nous d’écrire la suite, à nous de la jouer.

À nous de mettre en musique la poésie du quotidien, les espoirs et les doutes que les mots ne savent plus exprimer, les attentes qu’on ne s’avoue qu’à plusieurs parce qu’elles sont trop lourdes à porter pour une seule personne.

À nous de faire rêver.

Silence. Rideau…

En scène…

Et musique, maestro.

La chute des idoles

Je sais que j’ai dit que ça ne me touchait plus, mais en fait ça me touche. J’ai beau me répéter que je suis au-dessus de ça, que j’ai grandi, que c’est bon, c’est une étape franchie pour moi, ça me touche quand même.

Ça fait presque un an et j’arrive pas à lui pardonner, pire encore, non seulement plus le temps passe, et plus je réalise que je n’arriverai pas à lui pardonner, mais moins je pardonne à tous ceux qui ne se rangent pas de mon côté. Qui choisissent le statut quo, ou pire : son côté. J’en sais rien, je veux pas savoir en fait, parce que si c’était le cas, j’arriverais encore moins à le leur pardonner.

Je comprends pas pourquoi c’est à moi de faire les pas dans le bon sens, comme si c’était moi qui m’étais éloignée de je ne sais quel droit chemin, dans lequel il faudrait que je revienne.

Je ne comprends pas comment des gens que j’ai pu aimer, admirer, prendre en exemple puissent faire aujourd’hui preuve d’autant de dédain et de lâcheté.

Tu vois que les mots sont durs, parce que les lire te blesse. Alors pourquoi tu comprends pas que les entendre lancés contre moi, à pleine vitesse, me laisse des plaies sans cesse réouvertes à chaque fois que la même voix résonne, que sa fausse innocence claironne ?

On a rien à se dire quand on ne se respecte pas.

L’ironie de l’histoire, c’est que j’écris ça 72 heures après la victoire de Trump, et ce refrain qu’on chante en boucle sur tous mes channels de communication : faut s’écouter. Faut se parler. Faut arrêter de mépriser ceux qui ne pensent pas comme nous, faut arrêter de les prendre de haut parce que l’Histoire nous donnera raison, et qu’ils sont à la traîne du progrès. Je sais.

Tu peux retirer le couteau que tu m’as planté dans le dos ? C’est juste histoire que je reprenne mon souffle, et que je change de ton. Parce qu’il est là le problème avec ces belles intentions. Je la trouve où, la patience de le rester face à tous ceux qui me crachent au visage ?

Je voudrais bien continuer à faire semblant… Parfois je me dis que j’aurais dû continuer à faire semblant, à jouer les caméléons, passer pour invisible dans le canevas des différences. Oui je sais c’était lâche, mais personne ne me l’aurait reproché, même s’ils l’avaient su. Parce qu’ils savent aussi ce que ça coûte que de lever le voile et de se mettre à nu. Mais en fait non, je ne peux plus faire semblant.

J’étais surtout terrifiée par la réaction des hordes d’inconnus, parce que c’est terrifiant de susciter la haine de ceux qu’on n’aura jamais vu, à qui on n’aura jamais parlé, qui ne savent rien de nous sinon une étiquette qui semble justifier à elle-seule le rejet de tout un être. C’est vraiment terrifiant d’être haïe parce qu’on est. Ça ne laisse que deux choix : accepter ou disparaître. Littéralement, être malgré la haine, ou arrêter d’être.

Je me disais que ça n’arriverait pas avec les gens qui me connaissent déjà. Tu peux pas réduire quelqu’un que tu connais à un détail de ce qu’il est, et que t’avais jamais remarqué en plus, ou juste soupçonné. D’autant plus que les gens qui t’ont appris la tolérance ne peuvent pas être intolérants à ton égard, c’est ridicule, insensé. C’est très con. C’est décevant.

C’est tout un dégradé de déceptions que j’ai du mal à formuler, entre le mot de travers et le rejet assumé. C’est des mots que j’arrive pas à pardonner, même en allant chercher toutes les excuses du monde.

Ça fera bientôt un an, encore une date que je voudrais pouvoir oublier, mais que la saison me rappelle, sans que je puisse y échapper.

« Faut amputer »

Je croyais qu’en un an, l’écart se serait résorbé, qu’on se serait retrouvés, quelque part à mi-chemin. Mais le temps nous éloigne, et les mots qu’on s’envoie rouvrent des plaies que je ne sais plus refermer.

À chaque fois que je me blesse, je ne compte plus les fois où tu me disais, pour rigoler : « faut amputer ».

Ouais. Faut amputer. Ça va faire mal, ça va saigner, mais moins que ces saloperies de déchirures qui ne veulent pas cicatriser et qui me lancent à chaque fois que je me prends à faire un pas l’esprit ouvert à ce qu’il pourrait se passer.

La chute des idoles est vraiment dure à accepter. Faut amputer. Sinon ça va finir par vraiment s’infecter.

Après tout, on a déjà guéri l’homophobie. Alors je garde espoir, mais j’ai arrêté d’avoir des attentes. J’ampute. Tant pis si l’absence de ces membres me lance, ça fait toujours moins mal que les plaies béantes.

An Open Letter to Leonardo DiCaprio #BeforeTheFlood

I attended the premiere of #BeforeTheFlood in Paris, and I had a question ready for you even before the screening started. See, I know that you’ve been an activist for the environment for a while, and I wanted to ask you: how can we still find hope, we, the people of my generation, the 20 & 30-something who won’t live long enough to benefit from the improvement, and should yet not only change their lives, but also convince older and younger generations to follow? Where can we find the strength to face the responsibility that has been put upon us by our predecessors?

But you answered that inside the documentary. « Hope won’t be enough ».

You’re right. You’re absolutely right. I’m 29 years old and I’m out of hope for this world. But I do have plenty of anger instead. I’ve sat through this cold exposé of our present situation, but you’ve left me with less hope than anger.

I was born into a system that led me to believe that this is the way that we should live. But « this way » is criminal in so many levels, and ignorance has made me an accomplice. Had I had any say in it, I would never have supported such a pillage of our planet. It’s not the footing of the bill that angers me besides myself, it’s the responsibility that I now face, and how powerless I feel, looking at our situation.

I am standing before the flood armed with a tea spoon: this is how powerless I feel. Yet you would want me to believe that I, and everyone of us, have the power to change our future? That our billions of spoons put together might just stop an ocean rising?

You say that we can turn things around by the choices that we make every day, I see us nailing our coffins with the choices that have been taken out of our hands, every day.

You’re damn right « hope won’t be enough », I have none left for this world, and I’m not sure it deserves any. Because from where I’m standing, I’m not sure that I want to stop that flood anymore. We have the leaders we elect, we get the products that we buy, at the prices that we ask… Ignorance was a good excuse, but now what?

You’ve left me short of hope Before the Flood, and I’m already drowning in rage. You talk about consumer choices, but all I want to do right now is to scorch the handful of corporations which have been burning our forests to the ground. All these companies and men, who have long since forgotten the actual value of green — not the dull shade of a dollar bill, but the bright green of a tropical leaf — I want to tear them apart.

You advise us to vote wisely, but the last thing I want to do right now is to trust another spineless politician, and watch them yield to corporate interests quicker than you can cash a check.

All I want to do right now is to overturn the table of negotiations like an hourglass, to buy back the time that was lost in empty talks and promises void of actual commitments.

I’ve taken aim at you, but held my fire.
Because I know better than to shoot the messenger.

So I do have a question for you, after the screening of #BeforeTheFlood. You have met quite a few World leaders, government officials… Tell me: do they realise their responsibility? Do they really understand what needs to be done, and the timeframe that we have to react?

You see, I need to know this. Because we’re not « before the flood », we’re already inside the storm. I need to know that our leaders are prepared to act upon the promises that they have made at the COP21, and to push further yet.

Watching your movie wasn’t an incentive to vote. It made me want to riot.
It didn’t deprive me of hope, it just melted away its remnant, in the form of illusions.

If that system can’t be changed, then we’ll have to bring it down. We may not be able to stop a flood with a billion spoons, but governments and corporations have been brought down with fewer numbers.

At least, some hope’s back on our side.

Le problème avec les petites roues

Le problème avec les petites roues, c’est que tu peux pas prendre de vitesse. Le problème quand tu les enlèves, c’est que tu peux plus t’arrêter sans mettre le pied à terre.

Bien sûr que ça fout le vertige. Tu t’attendais à quoi ? T’avais passé ta vie avec quatre points d’appui, et toujours un adulte à une longueur de bras. Tu pédales mais pas trop vite parce que ça suit pas, la bécane tangue et tu t’épuises pour rien.

Ça commence à t’emmerder sérieusement, de ralentir au moindre virage, de ne pas avoir la liberté et l’indépendance de tracer ta route, loin devant. C’est pas vraiment la vitesse qui te manquait, mais en même temps, qu’est-ce que t’en savais ? T’avais jamais vraiment testé.

Alors, un jour, on t’enlève les petites roues. T’es prête ? T’es sûre ? Tu serres le guidon, les pieds sur les pédales, et tu prends une inspiration. Dans ton dos, une main rassurante reste encore un peu pour te donner l’impulsion.

Et puis c’est parti, t’appuies sur les pédales avec un peu plus de force que de raison, c’est l’enthousiasme et la peur aussi, un peu. T’as les doigts sur le frein et sur le klaxon, prête à appeler à l’aide et ralentir si jamais tu sens que tu perds le contrôle.

Ça souffle, bordel, ça souffle vraiment beaucoup plus qu’avant. Et ça bouge aussi, c’est marrant, de sentir la puissance de l’engin répondre à tes impulsions. Il pourrait te foutre à terre si tu lui mettais un gros coup de frein, mais en attendant il te porte bien plus vite et tu le sens, au quotidien.

Bien sûr que ça fout le vertige. C’est la vitesse, le mouvement, la perspective, c’est un tout qui change. Dans ton dos, pas très loin, y a toujours le fantôme d’une main, prête à redresser le guidon si tu flanches, prête à te redonner l’impulsion si tu ralentis, prête à rassurer tes appuis si tu glisses.

Bien sûr que ça fout quand même le vertige. Mais c’est aussi cette sensation qui te fait avancer.

Bientôt, ça va tirer dans les mollets, c’est normal, c’est nouveau, va falloir faire et entraîner de nouveaux muscles, soigner le corps à mesure qu’on le sollicite, va falloir sortir les efforts pour attaquer les cotes, faudra aussi tenir le cap à travers les nouvelles directions, en dehors des sentiers bien tracés — parce que ça sert à quoi de se libérer si c’est pour continuer à suivre la trace des autres ?

Et il faudra aussi serrer les freins dans les descentes, ne pas se laisser avaler par la pente.

Et si ça tangue, si ça secoue trop, si je perds l’équilibre, je peux toujours mettre un pied à terre. C’est toujours dur de repartir, mais ça vaut toujours mieux que finir étalée dans la poussière.

Ça fout le vertige, c’est sûr. Mais c’est rien à côté du kiff que ça procure de filer comme ça, débridée, à toute allure. Ça souffle mais je me sens légère comme jamais au-dessus du sol, ça tangue mais c’est tellement plus facile de garder l’équilibre quand on est toujours en mouvement, et de garder le cap quand on a les yeux rivés vers l’avant.

Le problème avec les petites roues, c’est que tu ne peux pas prendre de vitesse. Le problème quand on te les enlève, c’est qu’on ne pourra plus jamais t’en remettre.

— Samedi 8 octobre 2016