Left unsaid

21 décembre 2019.

Tout ce que j’aurais aimé te dire, si je pouvais revenir en arrière.

Ça va aller.

Tu n’y es pour rien.

Ce n’est pas de ta faute.

Et tant d’autres mots, qui me semblent aujourd’hui si insuffisants.

J’aimerais pouvoir voyager dans le temps. Promis je n’y changerais rien, parce que je sais combien il est dangereux de jouer avec la temporalité de nos univers. Je ne veux pas changer le futur, promis. Je veux juste adoucir le passé. Je voudrais juste te dire tout ça quand j’aurais dû te le dire, quand tu aurais pu l’entendre, pour t’éviter un lot de souffrances que j’aurais pu t’épargner.

Que j’aurais voulu t’épargner.

Ça n’aurait rien changé, je voudrais juste que pour toi, ça fasse une différence.

Je suis désolée.

J’aurais dû te prévenir, j’aurais dû voir venir que tu resterais si longtemps prostrée dans le déni.

Mais ce n’est pas de ta faute. Quand on passe sa vie entière la garde levée, quand enfin quelqu’un t’inspire la confiance suffisante pour pouvoir la baisser, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est tellement confortable, tellement précieux, évidemment que tu te laisses tenter. Alors tu cèdes, tu t’abandonnes, dans ce cocon si précieux que peu de gens connaissent, et peu de gens explorent. En ces lieux tapissés de la soie dont on tisse l’amour et la bienveillance, la trahison déchire les fibres d’une facilité déconcertante.

J’aurais aimé te dire que tu n’as pas eu tort de faire confiance, et que les relations humaines sont infiniment plus complexes que tu ne le concevais. Qu’il n’y a pas d’un côté ceux qui te comprennent DONC qui méritent ta confiance à vie, et de l’autre, ceux qui s’interrogent très maladroitement autour de toi, et DONC s’achètent ta méfiance et tes replis.

Le monde est infiniment plus complexe et tu le sais pertinemment, c’est ça qui te fait peur, alors tu te replies vers ceux qui te donnent l’illusion du confort et de l’amitié, ceux qui t’offrent le luxe de cette bulle où tu ne te sens pas jugée. Mais c’est une bulle, et c’est un jugement qui te plaque à l’intérieur : tu es différente, et au dehors, personne ne te comprend. Mais qui l’a décrété ?

J’aimerais pouvoir te dire, pour que tu le saches : c’est faux. Oui tu es différente, comme tout le monde l’est, un peu plus ou un peu moins, tu crois vraiment que c’est moins violent à vivre pour ceux qui le sont un peu moins ?

Oui tu es différente mais ce n’est pas une tare, oui ce cocon de compréhension et d’acceptation est précieux mais ce n’est pas un luxe : c’est ce que tu mérites, point. Ici ou ailleurs. N’en doute jamais.

Et d’ailleurs c’est un luxe, au prix où tu le paies : à l’isolement, aux concessions faites à tes valeurs, et surtout à la tienne. À ce que tu vaux, à ce que vaut ton travail. Tu vaux mieux que ça et si tu en doutes tellement, au point de le nier, ce n’est pas normal. C’est donc que le cocon luxueux de l’acceptation que tu prétends chérir n’est autre qu’une prison, que tu repeins en or pour te convaincre qu’il est confortable et précieux.

Alors qu’il n’est que confortable, et uniquement parce que l’alternative te fait peur.

Tout te fait peur en dehors de ce que tu connais. Enfin, quelque chose de connu, de permanent, de rassurant. J’aimerais pouvoir te dire d’en profiter, que ça va durer, que bravo tu as trouvé ta place ! Mais je sais que c’est faux, et tu sais que c’est faux, même si tu te donnes du mal pour te convaincre du contraire.

Ça te rassure parce que c’est tout ce que tu connais, mais tu sais pourtant qu’ailleurs ce serait mieux, parce qu’ailleurs ce serait différent. Tu ne t’autorises pas à y penser parce qu’ailleurs c’est différent, et que cette différence t’effraies.

Tu mérites mieux. Au fond de toi tu le sais, mais tu as fini par te convaincre que tu construisais ton propre mérite par un travail que d’autres faisaient fructifier. Parfois tu te demandes ce qu’il en restera le jour où tu partiras, et tu réalises deux choses en faisant ça : qu’un jour tu partiras, et qu’aucune certitude n’accompagne cette pensée. Que de tout ce que tu fais aujourd’hui, rien ne construit demain.

Tu mets ça sur le compte de l’incertitude du monde, mais personne autour de toi ne vit avec ce même niveau d’impermanence. Et tu t’étonnes d’être inquiétée par l’avenir.

Je ne suis pas venue te torturer. Je suis venue t’aider. Alors finis ta pinte et refais-toi le film de ta vie : les gens que tu aimes et ce que tu veux pour toi-même sont deux choses différentes. Arrête de sacrifier pour les uns tout ce que tu t’interdis d’investir pour l’autre. Ton énergie, ton temps, ton ambition, tes idées, ta vie t’appartiennent, tes espoirs et tes doutes, tes échecs et tes victoires t’appartiennent, tes tentatives et tes obstinations t’appartiennent.

Souviens-toi que tu es maîtresse de ton propre destin, que personne ne surgira jamais pour se substituer à toi, te tirer d’affaire, te foutre la tête sous l’eau. La vie ou d’autres essaieront, mais tu es la seule à pouvoir décider d’accepter, subir ou résister.

Tu as infiniment plus de pouvoir que tu ne te le reconnais.

Fais-moi confiance.

Après tout, je viens du futur, alors je sais. J’ai au moins le recul des ans pour pouvoir te le dire : rien ne se passe jamais comme prévu.

Alors arrête de prévoir, arrête de prémunir, cesse de prévenir, cesse de retenir. Lâche. Réagis. Mieux encore : agis. De toi-même. Ça fait peur au début, comme un funambule affronte le vide. C’est normal. Et comme un funambule, on s’y habitue. Et je vais te dire un secret : on finit même par kiffer, parfois, l’indescriptible vertige au bord de l’inconnu.

Je suis désolée pour tout. Surtout pour t’avoir laissée seule, lorsque j’aurais dû t’embarquer avec moi, à l’aventure.

La vie est incertaine mais c’est ça qui fait son charme, tu sais. Le confort est une illusion à laquelle tu t’accroches tant que tu n’as pas goûté à l’exquise ivresse de la liberté.

Mais ne me fais pas confiance, je ne suis qu’une inconnue prétentieuse, arrogante.

Fais-toi confiance lorsque le moment sera venu. Ce sera le bon moment.

Je t’aime, même si tu en doutes, et au cas où tu aurais besoin de l’entendre : je t’aime sans condition. Tu ne nous as pas trahies, tu as fait ce qu’il fallait pour survivre. Et tu as survécu. Félicitations.

Maintenant, il est temps de vivre.

 

Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ?

J’adore la plongée parce qu’elle me ramène toujours à l’essentiel : respire, ne lutte pas contre l’hostilité de l’environnement (car tu vas perdre lol), et apprécie le spectacle, le moment.

Ton temps ici est compté, donc savoure-le, et quoiqu’il arrive : ne le subis pas, sinon il risque de t’arriver des bricoles.

Pourquoi c’est pas aussi simple à la surface ? La même urgence s’applique pourtant :

  • Respire.

Respire, comme priorité : si tu vas mal, rien ne pourra aller. Respire, comme base : si tu n’as ni le temps ni l’énergie de respirer, tu n’auras ni temps ni énergie pour quoi que ce soit d’autre.

  • Ne lutte pas.

Ne lutte pas contre les éléments : les éléments SONT. Ce sont des données. Tu peux parfois réussir à influer sur eux, mais au prix de quels efforts ? Pourquoi entrer en résistance d’emblée, lorsque tu peux t’adapter, utiliser les opportunités qu’offre cet environnement, même hostile ? Par exemple, sous l’eau, certes tous tes sens te lâchent plus ou moins, mais la gravité disparait. Franchement, ça s’apprécie. Et personne ne te conseillera de te barder de plombs pour refaire apparaître la gravité dans tes sensations…

  • Apprécie.

Apprécie le spectacle, le moment. Quoi, ta vie quotidienne n’est pas le théâtre d’émerveillements, d’émotions, de créations? Si bien sûr, c’est juste que tu ne prends ni le temps ni l’énergie de les apprécier.

* * * * *

Je suis posée sur la terrasse de Cap Croisette, et je regarde le soleil, pudiquement voilé de coton bleuté et rosé, se noyer silencieusement derrière l’horizon. Il laisse traîner quelques rayons sur la toile claire, striée d’or, de soie et de cuivre. Les cris de quelques mouettes viennent ponctuer le clapotis délicat de l’eau que les vents ont enfin cessé de tourmenter. Au-dessus de moi, le bleu m’aspire, il m’allège des derniers tracas que les masseuses du SPA de La Palud n’ont pas su extraire de mon dos.

Ce moment dure depuis plusieurs minutes, parce que je le fais durer. Ce n’est ni le soleil, ni le vent, ni la mer ni le ciel qui prennent leur temps pour me permettre d’apprécier ce spectacle. C’est moi qui m’offre ce temps, immobile, inactive, si ce n’est pour ces quelques lignes que je mets de longue minutes à taper.

Je laisse aux mots le temps de venir. Ils naissent lorsque je laisse éclore librement les émotions. Lorsque je ne les réprime pas, lorsque je ne les brusque pas. Lorsque je les laisse bourgeonner, éclore, fleurir, fâner, en quelques instants comme en plusieurs heures, souvent.

Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ?

Ma première pensée face à ce coucher de soleil a été : « demain soir, retour à Paris ».

Non mais sérieux : « demain soir, retour à Paris ». Je m’auto-insupporte dans mon incapacité à apprécier ce qui se passe devant mes yeux, pour me projeter 24 heures plus tard, en plus dans une configuration négative: en vrai je suis heureuse de rentrer à Paris car ça fait bientôt 9 jours que je suis coupée d’Internet et donc d’environ 85% de ma vie, mais FORCÉMENT, comparer « retour à Paris » avec ce coucher de soleil idyllique, FORCÉMENT je viens greffer une émotion négative sur « retour à Paris ».

Mais je fais ça combien de fois par jour exactement?? C’est-à-dire :

  • Ne pas apprécier le moment présent
  • Me projet dans futur lointain (vraiment, 24h quand il me reste 2 plongées sur 3 à faire, c’est : LOIN.)
  • Amarrer une émotion négative à cette projection

À vue de nez, je dirais que je fais ça… En permanence. mdr.

¯\_(ツ)_/¯

Excellent. Surtout ne change rien, c’est par-fait!!! (J’adore être sarcastique envers moi-même. Ça me permet de dédramatiser ma propre bêtise).

J’ai passé tout un été à utiliser ma formation de plongeuse pour en faire une formation de management. Cool. Il y a d’autres leçons à tirer de la plongée pour ma vie quotidienne.

Le lestage : si tu prends trop de poids, tu coules

En plongée, pour s’immerger, il faut se lester. Le nombre de poids qu’on prend dépend de son expérience (donc de son aisance, de sa stabilité au fond de l’eau), mais aussi de sa densité (densité naturelle (celle du corps), épaisseur de la combinaison, flottabilité du matériel qu’on embarque, etc).

Débutante, j’avais 5kg à la ceinture. Aujourd’hui, à conditions égales, j’en suis à 3.

Dans la vie, je suis plus expérimentée qu’il y a quelques années. Je suis capable d’assumer plus de responsabilités, d’assumer une plus grande charge de travail qu’il y a quelques années. Mais ça ne veut pas dire que je peux continuer à me charger progressivement.

Tout comme je ne serai jamais à 0kg de lestage, à conditions égales.

Pourtant, au quotidien, je continue de m’ajouter des tâches, des missions, des objectifs, des responsabilités, comme si ma capacité d’assimilation était infinie.

Leçon n°1 : know the weight you can carry. Si tu prends trop, tu coules. Tout simplement.

Le profil de plongée : si tu prévois trop ambitieux, tu étouffes

Une plongée, ça se planifie. Tu sais pour quelle durée et quelle profondeur max tu pars, tu anticipes ton itinéraire, et tu t’équipes en conséquence.

Voici ce qui ne peut pas arriver en plongée : continuer de s’enfoncer, de mètre en mètre, parce que, tu comprends, « il faut bien y aller ».

Si tu ne respectes pas ton profil de plongée, si tu pars plus ambitieuse que tes ressources ne le permettent (c’est-à-dire : ton air!!), tu vas au devant de sérieuses déconvenues. (Comme par exemple : la mort!!! Excellent délire).

Qu’est-ce qui me prend de blinder 2 jours de taf dans une seule journée, et qu’est-ce qui me pousse à croire que « nan mais ça va passer » ? J’ai déjà réussi à faire « une troisième après-midi » comme je les appelle, de 20h à minuit ?

Oui j’y arrive mais je tape dans la réserve, et on ne doit pas y toucher, elle ne doit servir qu’en cas d’urgence, justement. Je me fous toute seule dans le rouge en ne respectant pas cette règle élémentaire : les ressources d’urgence sont réservées aux urgences. Pas aux « mais dans 3 jours c’est le week-end alors j’aurais le temps de récupérer ». Ne marche pas mieux avec « mais dans 3 semaines j’ai une semaine de vacances alors jpeux dormir 4h par nuit, on est large ».

Je sais pourquoi je fais ça : je suis ambitieuse. J’ai l’impression de manquer d’ambition lorsque je ne remplis pas mon agenda au taquet de la réserve. Comme si je ne respectais pas les opportunités que m’offrent ma position, le moment.

Mais c’est aussi pété que de vouloir sucer les dernières lampées d’air au fond de la bouteille, au motif que l’océan est trop vaste pour se limiter seulement à 34 minutes de plongée.

Oui ben minute, on remonte, on recharge et on revient. ON RECHARGE. C’est en ne prenant pas le temps de recharger convenablement, en sous-estimant les ressources nécessaires que je ne respecte pas les opportunités qui me sont offertes.

Leçon n°2 : know the fuel you can burn. Si tu ne recharges pas, tu crames. Tout simplement.

Focus sur ce que tu es en train de faire

Une autre magie de la plongée : sous l’eau, je ne pense à rien d’autre. J’ai connu si peu de situations dans ma vie, capables d’absorber toute mon attention sans qu’elle ne se divise.

Mais sous l’eau, impossible de penser à mon agenda qui se remplit à vue d’oeil, y compris en mon absence. Impossible d’anticiper les problèmes que je vois poindre dans les semaines à venir, les challenges qui m’attendent, les noeuds que je n’ai pas encore attaqués et qui auront encore empiré en mon absence.

Sous l’eau, il n’y a que : sous l’eau. Ce qu’il se passe devant mes yeux, le froid, les mouvements gracieux des poissons, le froid, la lumière bleue, la danse des algues, le froid, les rayons du soleil, le froid. Le bleu. Et moi, en apesanteur.

Ok, ça ne m’est pas naturel, mais j’en suis capable. Si je dois déployer des efforts dans les semaines à venir, essayons celui-ci : focus sur ce que tu es en train de faire.

Arrête d’anticiper, et surtout, arrête d’anticiper le négatif. Ça ne veut pas dire d’oublier les risques, ça veut dire : n’anticipe pas le pénible.

J’ai plus de 110 plongées au compteur, et jamais, pas une seule fois au cours d’une plongée, n’ai-je pensé : « ah trop relou quand il faudra laver-ramener-ranger le matériel tout à l’heure, au retour du bateau ».

Jamais.

Leçon n°3 : stand still to stand strong. Si tu penches toujours vers l’avant, tu perds l’équilibre.

Ne pas se laisser submerger : c’est ta décision

C’est pas toujours une partie de plaisir. Engoncée dans le néoprène rendu brûlant par le soleil, strappée aux douze kilos du scaphandre autonome, lestée de plomb, je suis tout sauf à l’aise. Le kif n’est pas présent.

Mais je sais pourquoi j’endure le calvaire de la préparation et du transport du matériel. Ce pourquoi donne du sens à la pénibilité, et la transforme en nécessité. Ce n’est pas une pénitence, c’est une étape.

Ma première fois, j’ai cru que j’allais couler direct dès la mise à l’eau. Forcément, je pesais une demi-tonne avec tout ce barda.

Sauf que non, tu ne coules pas. Cf la densité, Archimède, et caetera. Pour s’immerger, il faut faire un effort. Ce n’est pas naturel, et même complètement équipée pour plonger, l’immersion n’est pas automatique : elle se provoque.

Et voilà où je veux en venir. Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ? C’est assez facile : tu décides de ne pas te laisser submerger. On n’est pas fait pour couler, tu sais. Naturellement, tu flottes. Quand tu coules, c’est que tu t’es coulée toute seule comme une grande.

Les voisins passent à ce moment précis « Je marche seul » à toute blinde, et je me rappelle à quel point j’aime les chansons de Goldman. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai pris le temps de hurler du Goldman à tue-tête toute seule chez moi. Je me demande s’il y a des soirées karaoké à Paris où ils passent du Goldman.

« Je m’en fous de tout, de ces chaînes qui pendent à mon cou,
J’m’enfuis, j’oublis,
Je m’offre une parenthèse, un sursis »

Ils enchaînent avec « Je te donne », l’une de mes chansons préférées au monde.

« Je te donne ce que j’ai, ce que je vaux ».

Oui, je donne beaucoup, je reçois beaucoup aussi. Mais je ne ME donne pas assez au quotidien, et je n’apprécie pas assez ce que je reçois.

Leçon n°4 : Don’t go under. Breathe in to stay afloat. Si tu arrêtes de respirer, tu coules. Si tu décides de couler, tu coules.

Des « Bonne Idée » à se remémorer

Ces neuf jours de vacances auront à peine suffi à me sortir du rouge. J’ai tellement l’habitude d’être au taquet de la réserve que j’avais même pas senti que j’y étais depuis des semaines déjà.

Il me faudra encore le week-end prochain pour revenir dans le vert. Mais je suis contente de m’être octroyé ces 9 neufs jours avant l’été, ça me donne donc tout l’été pour mettre en place ces excellentes leçons, dans le but de ne plus me laisser submerger.

(« Bonne idée », qui est clairement ma JJG pref, ex-aequo avec « Si j’étais né en 17 à Leidenstadt »).

« Bonnes idées » pour la semaine à venir :

  • ne pas reporter « tout ce qui ne rentre pas dans la semaine » sur le week-end (garder le week-end pour le kif, pas pour les nécessités).
  • ne pas reporter mes rendez-vous médicaux/bien-être au motif que « cette semaine, ça va être tendu ». Oui et ce sera d’autant plus tendu si je repousse ce qui est censé me faire du bien et me soulager. Duh.
  • ne pas planifier 3 demi-journées de travail sur une seule journée de travail. (On dirait de la logique élémentaire, n’est-ce pas)
  • solliciter de l’aide lorsque je me sens submergée.

Tu sais, comme en plongée, quand tu manques d’air. Combien de temps tu crois que t’attends avant d’appeler à l’aide ? Indice : vraiment pas longtemps!!!

Fais pareil à la surface, pour voir.

« Et puis y a toi qui débarque en ouvrant grand mes rideaux,
Et des flots de couleurs éclatent, et le beau semble bien plus beau,
Et rien vraiment ne change, mais tout est différent,
Comme ces festins qu’on mange seul ou en les partageant »

* * * * *

J’ai fini ma dernière relecture. Les voisins passent « place des Grands Hommes », mais je te propose qu’on se donne plutôt rendez-vous dans dix semaines.

Parce que dix ans, c’est trop loin. C’est maintenant que j’ai envie d’aller mieux, pas dans le futur.

(Ah bah tu vois quand tu veux!!)

No time like the present.

* * * * *

Je me suis interrompue pour faire ma méditation du jour, parce que j’en avais envie, et tant pis si j’avais pas fini d’écrire ce billet. Résultat : la Terre ne s’est pas arrêté de tourner (fou!!). Mais aussi : les clins d’oeil de l’univers…

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Ton temps ici est compté, donc savoure-le. Et quoiqu’il arrive : ne le subis pas, sinon tu en crèveras.

« Je marche seul
Quand ma vie déraisonne
Quand l’envie m’abandonne
Je marche seul
Pour me noyer d’ailleurs
Je marche seul
Dans les rues qui se donnent.
Et la nuit me pardonne, je marche seul.
En oubliant les heures.
Je marche seul.
Sans témoin, sans personne.
Que mes pas qui résonnent, je marche seul.
Acteur et voyeur.
Je marche seul.
Dans les rues qui se donnent.
Et la nuit me pardonne.
Je marche seul.
En oubliant les heures.
Je marche seul.
Sans témoin, sans personne. »

Le goût de l’effort (dans le dur)

Je ne me souviens plus si j’ai déjà écrit sur le sujet. J’avais oublié, pour la confiance. Ça m’est revenu cette semaine, en décantant les obstacles et les difficultés qui s’entrechoquaient dans mon esprit, engluées par le doute : la confiance est un muscle qui se travailleJe m’en suis souvenu.

Ça se pratique. Le doute s’amenuise, comme les courbatures se raréfient. Mais ça prend du temps, et beaucoup d’énergie.

Ça se travaille. Mais j’avais aussi oublié : ce travail n’est pas qu’un processus, il est aussi une fin en soi. J’aime ce travail, cette épreuve permanente, par laquelle je progresse, et donc, je m’accomplis.

Comment l’expliquer ? C’est tellement paradoxal. En chier pour kiffer, c’est comme souffrir pour être belle : on dirait un oxymore, une relation décorrelée. Un déséquilibre. Mais toute la différence se fait dans le choix d’être là, et celui d’avancer. Choisir ou subir, c’est toujours ça la différence essentielle, au fond, pour moi.

Je choisis d’être là. Pas au passé, mais au présent, chaque jour : je choisis d’être là. Je choisis de continuer à avancer, comme ça. Et c’est long, et c’est dur, et c’est parfois frustrant, et parfois gratifiant, mais c’est toujours éphémère, pratiquement instantané.

J’investis pour réussir. La mise de départ, c’est beaucoup de confiance et d’énergie, que je relance à tous les coups, parce que j’y crois comme j’ai jamais cru à rien avant ça, parce que je veux réussir plus que j’ai jamais voulu réussir quoi que ce soit avant ça. Parce que le jeu en vaut la chandelle, comme aucun autre avant celui-là.

Je dis que j’investis, parce que je n’attends pas de retour immédiat. C’est pas “action-récompense”, c’est une succession d’actions qui finira par déboucher sur un progrès. C’est pas des paris que je fais, c’est des briques que je pose. Il faut attendre que le ciment prenne. C’est long. C’est lent. Je suis dans le dur.

Mais j’ai retrouvé le goût de l’effort. La satisfaction d’en chier. La sensation que tes actions font bouger les lignes, mais très sensiblement. Comme un frémissement. C’est la conscience du battement d’aile d’un effet papillon. Je sème des graines. Et je bosse.

Le goût de l’effort, c’est le kiffe né dans la douleur. C’est le dernier kilomètre de la course qu’on finit au mental, quand les muscles hurlent mais que la tête prend le relai. Et qu’à l’arrivée, toute la souffrance est déjà oubliée.

C’est la satisfaction d’essayer et de persévérer, de continuer, de garder les yeux sur l’objectif même si ça prendra du temps et demandera beaucoup d’efforts, d’y arriver.

Ça y est, je me suis souvenue que j’aimais suer à grosses gouttes, avoir le souffle haletant et les mollets en feu. J’aime les courbatures qui te font dire à la fois « plus jamais ça » et « j’y retourne quand », pratiquement dans la même pensée. J’en peux plus et j’en redemande. Tout le temps.

Ouais. J’ai oublié de kiffer. J’ai le goût de l’effort au point d’oublier d’en profiter. J’aime suer jusqu’à m’en aveugler, m’essouffler jusqu’à l’épuisement, tirer sur la corde jusqu’à ce qu’elle se tende et menace de lâcher. C’est ça, mon kiffe. Repousser mes limites.

J’en fais toujours plus parce que j’en sors toujours grandie. J’essaie plus que les autres pour réussir mieux qu’eux. Je m’obstine et je persévère pour me rendre fière. Je suis perfectionniste parce que le diable est dans les détails et que je brûlerais l’enfer pour atteindre le paradis.

J’ai le goût de l’effort jusqu’à m’en épuiser. Et c’est ça mon addiction, c’est ça mon kiffe. Je l’avais juste oublié.

C’est pas la traversé du désert, ni même l’ascension de l’Everest. C’est un marathon, et je suis entrée dans le dur. C’est normal que ça tire, que ça fasse mal dans les jambes, que le mental flanche, et que j’en ai des nausées. Mais c’est ça qui est intéressant, pour moi. C’est l’épreuve qu’il représente, ce marathon, ce sont les haies que je dois sauter, la distance à tenir et les intempéries qui viennent tout compliquer.

Je me ferais vraiment chier à moins de ça. Et même dans le dur, j’ai qu’une seule envie : libérer ma foulée. Si j’avais pu courir le marathon au rythme d’un sprint, je l’aurais fait.

Alors, pour tenir l’effort, j’ai voulu ralentir, mais ça me rend folle de frustration, en fait. Et c’est pas ça le problème, au fond. J’ai pas besoin d’être patiente, j’ai juste besoin de me rappeler du goût de l’effort. Et pourquoi j’y suis autant accro.

J’ai juste oublié de kiffer ce pourquoi j’investis tant : la satisfaction d’avancer. Pas toute seule : en équipe, tou•tes ensemble, moi et tout•es celles dont la vie est touchée par les mots qu’on répand.

Le goût de l’effort, c’est ce qui me fait kiffer, même en plein dans le dur. Surtout quand le pire est déjà passé, et que l’avenir nous gave de promesses plus hautes que l’Everest.

« Do or do not. There is not try ».

Yoda a tellement raison. J’ai pas le time pour les hésitations. J’ai trop d’énergie, trop de volonté, trop de motivation pour les coups d’essai.

Je prends des risques parce que je ne supporte pas les regrets. J’avais juste oublié que j’avais le droit à l’erreur… et donc le droit de kiffer les réussites, même si elles sont triviales.

C’est ça, le goût de l’effort. Le kiffe à chaque pas qu’on prend, de ceux qui s’enchaînent à ceux qu’on s’arrache. Plus c’est dur, plus je kiffe. Pour le challenge, et même dans le dur : c’est là que ça devient intéressant.

Le goût de l’effort, c’est apprécier le chemin, pas la destination. L’histoire de la vie, au fond. Sauf qu’on va plus vite pour aller plus loin. Qu’on se donne plus, parce qu’on en a les moyens. Et que je vais crever si je me mets au pas, au diapason des autres qui avancent trop lentement dans leurs vies sécurisées… quand j’affronte la mienne à pic, que j’escalade en tête la piste de mes projets.

Je suis dans le dur. Et à moins de ça, je me ferais chier à en crever.

An Open Letter to Leonardo DiCaprio #BeforeTheFlood

I attended the premiere of #BeforeTheFlood in Paris, and I had a question ready for you even before the screening started. See, I know that you’ve been an activist for the environment for a while, and I wanted to ask you: how can we still find hope, we, the people of my generation, the 20 & 30-something who won’t live long enough to benefit from the improvement, and should yet not only change their lives, but also convince older and younger generations to follow? Where can we find the strength to face the responsibility that has been put upon us by our predecessors?

But you answered that inside the documentary. « Hope won’t be enough ».

You’re right. You’re absolutely right. I’m 29 years old and I’m out of hope for this world. But I do have plenty of anger instead. I’ve sat through this cold exposé of our present situation, but you’ve left me with less hope than anger.

I was born into a system that led me to believe that this is the way that we should live. But « this way » is criminal in so many levels, and ignorance has made me an accomplice. Had I had any say in it, I would never have supported such a pillage of our planet. It’s not the footing of the bill that angers me besides myself, it’s the responsibility that I now face, and how powerless I feel, looking at our situation.

I am standing before the flood armed with a tea spoon: this is how powerless I feel. Yet you would want me to believe that I, and everyone of us, have the power to change our future? That our billions of spoons put together might just stop an ocean rising?

You say that we can turn things around by the choices that we make every day, I see us nailing our coffins with the choices that have been taken out of our hands, every day.

You’re damn right « hope won’t be enough », I have none left for this world, and I’m not sure it deserves any. Because from where I’m standing, I’m not sure that I want to stop that flood anymore. We have the leaders we elect, we get the products that we buy, at the prices that we ask… Ignorance was a good excuse, but now what?

You’ve left me short of hope Before the Flood, and I’m already drowning in rage. You talk about consumer choices, but all I want to do right now is to scorch the handful of corporations which have been burning our forests to the ground. All these companies and men, who have long since forgotten the actual value of green — not the dull shade of a dollar bill, but the bright green of a tropical leaf — I want to tear them apart.

You advise us to vote wisely, but the last thing I want to do right now is to trust another spineless politician, and watch them yield to corporate interests quicker than you can cash a check.

All I want to do right now is to overturn the table of negotiations like an hourglass, to buy back the time that was lost in empty talks and promises void of actual commitments.

I’ve taken aim at you, but held my fire.
Because I know better than to shoot the messenger.

So I do have a question for you, after the screening of #BeforeTheFlood. You have met quite a few World leaders, government officials… Tell me: do they realise their responsibility? Do they really understand what needs to be done, and the timeframe that we have to react?

You see, I need to know this. Because we’re not « before the flood », we’re already inside the storm. I need to know that our leaders are prepared to act upon the promises that they have made at the COP21, and to push further yet.

Watching your movie wasn’t an incentive to vote. It made me want to riot.
It didn’t deprive me of hope, it just melted away its remnant, in the form of illusions.

If that system can’t be changed, then we’ll have to bring it down. We may not be able to stop a flood with a billion spoons, but governments and corporations have been brought down with fewer numbers.

At least, some hope’s back on our side.

D. 58 L’autre ciel, plus dense que le velours et plus doux que la soie

J’ai toujours aimé l’odeur de la mer, tout en étant terrifiée par son étendue. Elle incarnait pour moi l’angoisse de l’inconnu, je pense. Face à elle, tu vois loin, jusqu’à l’horizon, et pourtant tu vois rien : en-dessous de la surface tout est un mystère. Pour de vrai, en plus.

L’Homme sait explorer l’Univers aux confins de la Galaxie par toute une tripotée d’instruments, mais on est toujours au moins aussi ignorants de ce qu’il se passe à des années lumières de la Terre, qu’à quelques kilomètres de fond entre deux continents.

L’activité humaine, entre pollution et surpêche, est en train de bouleverser l’équilibre d’écosystèmes dont on ignore encore l’existence. Les espèces marines meurent et disparaissent plus vite qu’on ne les découvre. La chaîne alimentaire aquatique se casse la gueule à mesure que la pêche intensive en pulvérise des maillons entiers. Les déchets de nos élevages intensifs charrient des polluants mortels pour la faune et la flore sous-marine.

J’ai toujours eu peur de la mer, mais c’est elle qui devrait avoir peur de nous.

J’avais arrêté d’acheter des fruits de mer ou du poisson avant de mettre la tête sous l’eau pour la première fois. Avant de découvrir la richesse, la majesté, la grâce, la beauté de cette environnement. Que dis-je, d’une infinitésimale fraction de cet environnement seulement.

J’ai effectué 109 plongées. Passé plus de soixante heures sous l’eau. Vécu des rencontres émouvantes, intrigantes, impressionnantes, excitantes… De l’extraordinairement petit (un hippocampe pygmée, moins de 5 millimètres), à l’incroyablement grand (une raie manta).

Et j’ai encore rien vu.

Sunset above the clouds

Lorsque mon avion a percé la couche de nuages, le soleil éclairait encore la voûte céleste, peignant un bandeau rose fluorescent par-dessus l’horizon.

La lumière descendante jetait un voile irisée sur la soie des nuages, et le velours de la mer, quelques kilomètres plus bas.

Voilà, ça y est, j’ai obtenu un niveau de plongée « pro », une étape seulement, comme une licence pour aller explorer toujours plus, toujours plus loin… Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’il restera à explorer d’ici quelques années.

Déjà, la différence est flippante entre les eaux ouvertes à la pêche et aux loisirs, versus les espaces protégés, les réserves marines. C’est bien simple, hors réserve, on ne voit pas de « gros » (pêchés, ou barrés vu qu’on pêche leurs proies). Il n’y a pas de « moyen » non plus (pêchés, barrés ou décimés par la pollution). On ne voit que du « petit », de l’anémone, de l’éponge, du petit crustacé, mais eux aussi souffrent de la pollution et disparaissent.

C’est marrant, parce que je m’étais toujours dit que je ne serais probablement pas végane si je n’habitais pas à Paris. Je consommerais du local si je vivais dans un îlot perdu, au bord d’une plage, au fin fond de l’Indonésie.

Sauf que le fin fond de l’Indonésie, j’en reviens. Et que même « manger local » augmente la demande, donc la pression sur les pêcheurs locaux, donc sur l’environnement. Donc en fait, c’est toujours non. Je ne sais pas quand est-ce qu’on finira par collectivement s’y résoudre, l’océan n’est pas notre garde-manger, c’est notre réserve d’oxygène, et le problème c’est qu’il ne peut pas continuer à assouvir ses deux fonctions en même temps.

C’est soit l’un, soit l’autre, à terme. Tu préfères : manger ou respirer ? Y a pas de piège…

Ma rencontre avec les tortues

C’était fascinant, et en même temps, j’ai eu un vrai choc en côtoyant les tortues de mer. Elles sont vraiment magnifiques. Il y a quelque chose de profondément surréaliste à voir des animaux aussi gros flotter sans effort. Ils vivent dans un autre monde, où la gravité n’a pas de prise.

Mais ils sont soudain rappelés au nôtre lorsqu’ils suffoquent en avalant des sacs en plastique, ou qu’ils se prennent au piège de filet dérivants.

J’ai vu ça de mes propres yeux. Des filets que même moi, avec mes yeux d’humain bien protégés à l’air de mon masque, je distingue à peine, malgré l’effet loupe.

J’ai scruté le bleu en plissant les yeux, persuadée d’apercevoir une méduse irisée, un calmar translucide, un animal marin non identifié batifoler à quelques mètres… C’était un sac en plastique. À chaque fois.

Décider et agir

Alors voilà. Tu prends les tortues, les filets, les sacs plastiques, et tu les additionnes. On serait choqués de donner de la mort au rat à des chats, pourquoi on ne s’émeut pas du fait qu’on approvisionne les tortues en sacs étouffoirs ?

Encore des questions que je ne peux pas poser, que je ne peux pas écrire, parce que c’est culpabilisant, n’est-ce pas. Moi je crois que c’est responsabilisant, et que c’est ça qui fait mal. Parce qu’on ne peut plus ignorer que notre utilisation abusive et fainéante du plastique nuit gravement, et directement à la faune océanique. (Je parle même pas de manger de la soupe de tortue, parce qu’après avoir nagé avec les bestioles, je sais pas, elles imposent tellement de respect et de majesté que finir en soupe, c’est vraiment une honte).

On ne peut plus ignorer non plus qu’on a le pouvoir de changer tout ça. C’est extrêmement facile. On a juste besoin de le décider, de le faire, et d’ajouter au nombre. C’est aussi simple, et compliqué que ça : décider et agir.

Dommage collatéral de mon voyage, je songe sérieusement à militer pour Sea Shepherd (mais je suis moyennement chaude à l’idée d’être fichée « éco-terroriste » aux RG pour la décennie à venir… Donc bof).

De la responsabilité…

J’avais commencé à écrire ce billet hier soir, et j’avais pas prévu de lui donner un tournant aussi pessimiste. Mais en fait, je sais pourquoi j’ai fait ça. Entre temps, depuis l’atterrissage, j’ai fait un tour dans Kuta, passé du temps à feuilleter les cartes des resto. Boeuf, porc, poulet, poisson, crevettes… Déclinés à toutes les sauces.

Oh, y a bien quelques plats végétariens, mais ils sont relégués en fin de carte. On peut bien sûr obtenir un curry sur demande, hein. Mais faut demander. Ce n’est pas proposé.

Boeuf, porc, poulet, poisson, crevettes… Multiplié par combien de resto ? Par combien de touristes ? Par combien de repas ? C’est pour les touristes, tout ça. Les locaux mangent beaucoup moins de viande, et alternent pas mal avec le tofu et le tempeh.

Et donc, vous croyez que tous ces boeufs poussent à Bali ? Que tout ce commerce n’a aucune incidence sur la population et l’environnement, dans un pays qui peine à organiser la collecte de ses déchets (je ne parle pas de tri, hein. Je parle de COLLECTE. Du fait qu’il n’y a pas de poubelles dans les rues, ou plutôt, que les bords de rues deviennent des poubelles par endroits…)

On est en train de détruire des paradis à coups de fourchette. Qu’on se le dise. C’est pas pour se culpabiliser, j’en ai rien à secouer de nos états d’âme. C’est pour nous responsabiliser.

Qu’on arrête enfin de se convaincre que « poulet ou poisson » c’est notre choix, comme s’il n’impactait que notre taux de cholestérol.

Ça va au-delà de l’empathie pour l’animal ou l’être humain, et ça va bientôt devenir une question de survie, pour nous tous.

Une fois au pied du mur, est-ce qu’on attendra encore une loi, ou que « les autres » fassent le premier pas ?

Here we go again…

C’est fou, j’étais persuadée que ce voyage me ferait lâcher du leste sur le véganisme. C’était ma grande réserve, à ce sujet : n’est-ce pas là un régime de petit bourgeois, au fond ? Est-ce que les populations moins aisées n’ont pas d’autres préoccupations que celle de l’éthique alimentaire et la sauvegarde de l’environnement ?

Eh bien non, figurez-vous. Les populations moins aisées sont d’autant plus vulnérables à la tension qui pèse sur les ressources naturelles. Nos fruits de mer sont contaminés par la hausse de température et l’apparition de micro-organismes nocifs ? Oh bah. Ça râle, mais on se rabattra sur le foie gras à Noël.

Sauf qu’il n’y a pas de « plan B » pour les gens qui vivent directement de l’exploitation d’une ressource. Sous nos latitudes, y a toujours quelques subventions publiques, assurances ou aides exceptionnelles pour tenir jusqu’à la saison prochaine.

Mais ici, il n’a pas vraiment pas de « plan B ».

Bref. Encore une mise au point avec moi-même : je peux désormais embrasser le véganisme en toute sérénité, j’ai vu que c’était aussi une nécessité pour les gens que j’imaginais vivre de la pêche ici. Ils en vivent, oui. Nous, on s’en gave. La nuance est de taille.

— Samedi, 3 septembre 2016

D. 54 Le grain de sel et la gangrène

…Ou pourquoi je suis fatiguée d’être le messager. (Ouais j’suis allée le chercher un peu loin, ce titre. Au départ c’était « I’d hate to be the bearer of bad news », mais après avoir fini de l’écrire, j’ai commencé par décider de ne pas m’auto-qualifier d’oiseau de mauvaise augure. Parce que oui ça pique, mais je ne suis pas le problème de cette fable. Voilà pour les coulisses…)

Here comes the Killjoy…

C’est une phrase du bouquin de théorie de plongée, sur le respect de l’environnement, qui m’est restée en mémoire. Je l’ai lue il y a plus de trois semaines, et elle continue de me revenir à l’esprit, régulièrement.

Il y avait toute une partie consacrée à la surpêche, aux pratiques anti-écologiques qui font énormément de mal à la faune océanique, aux dangers assez imminents que représentent la pollution et l’action humaine, lorsqu’elles entraînent la destruction des mangroves et la mort des coraux.

Et il y avait une question du test :

« Comment pouvez-vous participer à la sauvegarde des écosystèmes marins ? »

Étonnamment, il n’y avait pas « #GoVegan » dans les propositions de réponse, mais j’y reviendrai.

L’une des réponses à cocher était (je paraphrase de mémoire) :

« Informer vos proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes »

Practice target on the messenger

Ah mais pas de souci les gars. Pas-de-souci. Et je pourrais aussi porter un T-shirt « #GoVegan », au cas où juste le fait d’être végane n’attirait pas suffisamment d’attention au quotidien, surtout au moment des repas.

C’est pas comme si « mes proches », « amis-famille-collègues » comme ils disent, mais rajoutons n’importe quel quidam au passage, n’avaient pas de base une réaction défensive au simple rappel de l’existence du véganisme.

Moi je veux bien « informer mon entourage », mais bordel, ça me fatigue. Ça me fatigue d’avoir à me justifier aussi souvent, de choix qui devraient être une évidence. Je ne parle pas de refuser de manger des animaux, je parle de refuser de consommer des produits dont l’achat participe à l’encouragement de pratiques nocives pour l’environnement, les animaux et l’Homme.

Le véganisme ne me prémunit pas contre TOUS les produits tombant dans cette catégorie, mais force est de constater que l’écrasante majorité des produits animaux entrent dans cette catégorie.

Non, les oeufs que pondent les poules que ta tante élève dans son jardin, effectivement, ils ne font de mal à personne. Ni les poulets qu’elle tue tous les trois mois pour te préparer son fameux coq au vin. Ni le fromage qu’elle fait maison quand sa chèvre lui donne du lait.

Les animaux de trait utilisés en permaculture, eux non plus, ils n’attaquent pas l’équilibre biologique naturel.

« De la culpabilité »…

Bon c’est dommage pour ceux de ces animaux qui finissent en coq au vin, ragoût, hachis ou sauciflard, mais je suis prête à cette concession morale. Si on pouvait ne consommer QUE les animaux qu’on élève et qu’on nourrit nous-même, avec nos propres ressources, et dont on s’occupe de A à Z, de la naissance à la (mise à) mort, en passant par les soins et la gestion des déchets, on éviterait déjà :

  • d’accaparer 75% des terres agricoles (pour la monoculture de la nourriture du bétail)
  • de ruiner les écosystèmes essentiels à la survie de l’humanité (en les rasant pour les transformer en terres agricoles, asséchées rapidement par la monoculture de… cf 1er point)
  • d’affamer et d’exproprier les paysan•es locaux, en accaparant les terres agricoles pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les populations locales en noyant de pesticides les terres agricoles accaparées pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les eaux douces, les zones humides et les deltas, où charrient en permanence les pesticides et les milliards de tonnes de déchets organiques produits par les millions d’animaux d’élevages (Google : pollution océan élevage pour voir) (attends tiens, clique-là !).

… Et je pourrais continuer la liste. Je pourrais continuer la liste tellement longtemps, elle est tellement longue, désespérante, et me rend de plus en plus triste à mesure que je réalise qu’on a vraiment, nous, individuellement ET collectivement, le pouvoir de changer tout ça.

Mais je ne peux pas le dire. C’est culpabilisant, tu comprends. Faut pas culpabiliser les gens.

D’accord.

Juste. J’ai une question : pourquoi c’est ressenti comme culpabilisant quand je ne fais que PARLER de véganisme ?

Ce serait pas justement parce qu’on est tous un peu coupable de l’état du monde actuel, là, dites ? Parce que bon, perso, quand je lis une phrase de type : « la consommation de viande rouge est mauvaise pour la santé et l’environnement », je ressens zéro culpabilité. Et techniquement, c’est pas une phrase culpabilisante. Y a pas écrit : « Tu ruines ta santé et l’environnement en mangeant de la viande rouge, #LeSachiezTu ? »

Alors pas de souci, je suis super opé pour continuer à « informer [mes] proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes ». Pas-de-souci.

Je vais juste m’équiper d’un gilet pare-balles avant, parce qu’à ce sujet, les gens ont la gâchette facile envers le messager.

La culpabilité des autres VS ma responsabilité

Mais tu sais quoi ? Challenge accepted. Au fond, j’ai pas choisi d’assumer publiquement mon véganisme pour qu’on me remette une médaille. J’aurais pu continuer très longtemps à manger ce que je veux chez moi, picorer ce que je peux ailleurs, voire développer des techniques d’évitement socialement acceptables, de type : je suis intolérante au lactose, je suis allergique aux fruits de mer, ah je suis un régime sans cholestérol donc pas de charcuterie pour moi, ah ça les oeufs, j’aime pas du tout ça mon bon ami !

On me trouverait tout aussi chiante, mais on me plaindrait en société au lieu de fantasmer mon jugement, de tester mes convictions, ou de les mépriser ouvertement (parce que le véganisme est une religion comme une autre, m’voyez…)

Ben non. J’ai fait un choix. Celui d’assumer publiquement que je base mes choix de consommation sur un raisonnement éthique, moral, humaniste (et rationnel aussi, parce que bon, continuer à soutenir que la viande et le lait sont bons pour la santé à une époque où la recherche médicale a désormais démontré le contraire, je sais pas, ça m’échappe.) (à propos du lien : ça se passe dans le 3ème paragraphe. De rien.)

En fait je sais pourquoi j’écris tout ça ce soir. Parce qu’hier soir, j’ai lu cet article de Black Voices, qui explique le problème avec le fait d’avoir « des amis racistes » (Rapport au fait que Daniel Radcliffe a déclaré avoir dans son entourage, des gens aux idées racistes avec lesquels il était « viscéralement en désaccord », mais sans pour autant considérer d’arrêter de les fréquenter). Fort bien. Moi non plus, je ne me vois pas arrêter d’être amie avec tous les carnistes de mon entourage (même si mes cercles VG ne sont qu’amour et bon délires).

L’article mettait le doigt sur notre responsabilité, lorsqu’on est témoin de discours ou d’actes oppressifs, de les challenger (ils disent « to check » en anglais. « These prejudices go unchecked »).

Et combien de fois, dans une discussion sur le véganisme que je n’ai pas sollicitée (souvent déclenchée par ma simple présence), je laisse mes interlocuteurs proférer des contre-vérités absurdes ?

« Non mais moi », l’exception qui confirme la règle

« Non mais le boeuf français, il est nourri au soja/blé français ». (Ah ouais ? Calcule voir la superficie nécessaire pour faire pousser assez de soja pour nourrir le nombre de boeufs qu’on s’enfile collectivement chaque année, juste pour voir combien de fois la France ça fait. Pas sûr que les plaines de Beauce suffisent, du coup. #JeDisCaJeDisRien)

« Non mais il faut manger de tout, au moins un peu, pour être en bonne santé ». (Passons l’info à 97% de la population asiatique, intolérante au lactose, et à tous les peuples végétariens depuis des lustres, au passage. Ça fait des générations entières de gens carencés, jésus-marie-joseph !)

« Non mais moi je sais ce que je consomme et d’où viennent mes produits. Je consomme local, bio et équitable ! ». (Su-per Norbert. C’est local comment le saumon de Norvège ? Et sinon, #ProTip : quand on calcule le chemin parcouru par un produit, on part de la matière première, donc pour ta côte de boeuf, c’est d’où vient le soja que ton boeuf a mangé qu’il faut prendre en compte. C’est pas la distance de chez toi à ton boucher qui fait qu’une viande est « locale », tu sais. Tiens lis cet article, c’est bien expliqué).

Oui voilà, c’est magnifique, personne n’est jamais le problème, c’est toujours les autres, cette foule innombrable dont on ne fait pas partie bien sûr (d’ailleurs on n’y est jamais confronté, dans des endroits comme, au hasard, la caisse des supermarchés), et c’est les « gros » le problème, les industriels qui ravagent l’environnement (et qu’on ne cautionne AU GRAND JAMAIS en achetant leurs produits, par exemple), et bien sûr aussi c’est à cause de l’inaction de tous ces hommes politiques (qui arrivent au pouvoir par l’action du Saint-Esprit, et pas en conséquence de nos votes ou de notre abstention, hein).

On est tous des exceptions, t’as vu. Et moi aussi.

Parce que « non mais moi », je suis végane parce que je suis intolérante au lactose et que j’ai perdu le goût pour les viandes, en fait. Pis les oeufs, j’ai jamais aimé ça, d’abord.

C’est vrai. C’est vrai, mais c’est lâche de ma part de le présenter comme ça. C’est lâche de dissocier la dimension éminemment politique, éthique et morale de mes discussions sur le véganisme, juste parce que je suis fatiguée d’être le messager, et que j’en ai marre de prendre des balles.

Mais j’ai une responsabilité, en fait. Assumer ce choix , c’est pas me balader avec un T-shirt #GoVegan. C’est assumer ma responsabilité dans la diffusion de l’information cruciale qui entoure ce choix .

Parce que bon, quand un ami profère un truc ouvertement raciste, je baisse pas les yeux sur mon assiette en disant « haha ouais, tant que c’est bio, ça passe ! », m’voyez. Quand on me tient un discours ouvertement homophobe, je ne temporise pas en disant « haha ouais, chacun ses choix, chacun s’occupe de son assiette et la paix des ménages sera préservée ! ». Non, hein. Je leur rentre dans le lard, à ces gens-là. Avec plus ou moins de tact, de patience, de colère ou de pédagogie, selon le contexte.

Pourquoi je suis aussi lâche sur le véganisme ?

Tu te sens coupable quand je te réponds que la consommation de viande rouge est nocive pour la planète ? Moi, je me sens coupable quand tu me dis que t’en manges « pas souvent, que du local », et que je ne te réponds pas.

C’est comme ça qu’on devient « une végane extrémiste », j’imagine. Quand on accepte cette responsabilité d’informer, et qu’on n’indulge plus l’ignorance coupable.

À ceux qui me demandent si ça a pas été trop dur d’arrêter la viande, j’ai envie de vous répondre : c’était à rien à côté du devoir de l’expliquer.

PS : bordel, j’ai craqué. J’ai créé le mot-clef « Mes états d’âme » spécialement pour ce billet. Faudrait pas que ce soit pris pour une leçon de morale, hein, faut bien que d’éventuel•les lecteur•rices comprennent que ce sont « Mes états d’âme » que je déverse…

…On n’est pas sorti de l’auberge.

D. 53 La motivation (aussi) est un muscle qui se travaille

Il fait trop chaud.
Sérieux, j’ai pas d’endroit confortable où me poser.
Je sais pas par où commencer.
Je sais pas comment reprendre les corrections.
Et si j’ai pas d’idées ?
Je vais pas y arriver.
J’ai laissé passer trop de jours, je pourrais plus finir maintenant.
À quoi bon ?
Et si ça valait pas le coup, au fond ?

Le doute, c’est comme les grains de sable. Ça enrayerait les plus belles mécaniques de productivité. Mais quand il y en a beaucoup, c’est tellement confortable de rester vautré dedans.

Oui c’est long. Non je sais pas par quel bout le prendre. Mais j’ai un objectif : je veux finir ce roman. Je veux avoir une version « finale » qui ME convienne de A à Z. Que je pourrais publier en ligne sans repasser dessus.

Je suis pas écrivain, j’ai même pas d’éditeur ou d’éditrice pour me relire, me donner des conseils, des critiques, du feedback. Je fais avec quelques retours de potes, sans doute trop bienveillants, pas assez sévères. Je navigue un peu à l’aveugle, c’est vrai.

En fait, des excuses pour laisser ce projet en plan, bien au chaud dans un carton rangé dans le placard de mes aspirations, j’en ai plus qu’il n’en faut. Donc ce n’est pas en pesant le « pour et le contre » des efforts à fournir que je vais m’en sortir.

Tout ce dont j’ai besoin pour finir ce roman, et réussir le défi que je m’étais fixé, c’est de motivation. Juste ça.

Ben si, juste ça. J’aurais pas déjà écrit plus de 85 000 mots sur le sujet si je n’avais pas d’inspiration, pas d’envie, pas d’intérêt à écrire cette histoire. Donc inspiration, envie et intérêt : check.

Bref, des raisons de mener le projet à bout, j’en ai déjà. Quid des moyens de boucler, en revanche ?

Écrire, ça ne me coûte rien. Je ne peux pas plonger, donc je n’ai virtuellement rien à faire de mes journées (étant entendu que le soleil c’est Satan, donc j’vais pas me coller sur la plage en journée).

Le temps disponible : check. Et de toute façon, le temps, ça se prend. C’est une monnaie relative, on a dit !

C’est quoi, la motivation ?

Je crois que j’ai souvent cherché en moi la motivation comme si c’était une donnée : est-ce que cette idée me motive ou non ? Alors qu’en fait, c’est moi qui décide : à moi de me motiver (ou non) pour m’impliquer dans tel ou tel projet.

C’est juste un choix, tout simplement, au fond. Choisir d’allouer des ressources (notamment du temps) à ce projet plutôt qu’un autre. Choisir de focaliser son énergie et son attention sur ce projet, plutôt qu’un autre.

La motivation est une pondération du choix. Comme un super-joker, que je peux sortir à volonté pour dériver mes moyens sur le bon canal.

Avec de la motivation, tout coule, déroule, sans accroc.

Il a suffit que je m’y mette, ce matin. Que je me dise : c’est aujourd’hui. Soit je tue les deux prochains jours à me ruiner en 3G, actualiser mon fil Facebook alors que c’est le milieu de la nuit en France, soit j’ouvre ma dernière version, et j’en fais une nouvelle.

J’ai réécrit tellement de trucs dans le premier chapitre, et le plus fou, c’est que ça me venait tout seul. La motivation a cette puissance étonnante, de stimuler le corps et l’esprit à volonté.

La motivation de finir la course, même si j’vais faire un temps de merde et que je sens plus mes jambes. La motivation d’aller à cette conférence, même si c’est loin et chiant d’y aller. La motivation de m’atteler à cette tâche, que je ne fais que repousser.

C’est aussi un muscle qui se travaille. Au début, je lutte pour tenir ma planche pendant 30 secondes. Mes épaules s’affaissent, le dos me lance et mes mollets brûlent. Et puis, de 30 secondes par jour, on passe à 45, puis à une minute. Et ce qui me paraissait inatteignable est devenu une routine.

Tout ce que j’avais à faire, au début, était de rassembler la motivation de faire cette foutue planche tous les matins. Et ça finit par devenir une bonne habitude.

Je suis en train de relire le 18ème chapitre (sur 28). Il y a plus de taf sur la fin, donc j’aurais probablement pas fini demain.

Mais je vais finir. Parce que j’ai décidé de finir, parce que j’ai trouvé la motivation de finir.

D. 45 Est-ce que le temps joue pour ou contre nous ?

Bira Dive Camp est un oasis, posé sur une plage, au milieu d’une baie. Y a pas vraiment de route, de toute façon y a pas grand chose autour, y a pas vraiment de ville à proximité. Y a pas l’Internet, tout juste de la 3G (dieu merci), et y a pas d’horloge aux murs, nulle part.

Y a un seul miroir, au-dessus des « lavabos » du bloc sanitaire. Du coup, je me vois une fois par jour, au sortir de la douche (le soir, j’ai ma lampe frontale qui inonde le reflet).

L’horloge mesure le temps, le miroir me montre ses marques sur mon corps… À part mon épilation du sourcil qui se barre sérieusement en couille, il ne se passe pas grand chose sur ma gueule, en 45 jours…

45 jours. Je les compte pour éviter qu’ils ne m’échappent, mais ça ne marche pas : le temps passe quand même, à ses vitesses relatives et capricieuses.

L’heure et demi d’intervalle de surface qu’on passe sur le bateau entre deux plongées fait en réalité 10 minutes quand j’ai décidé de dormir, et 4 heures quand le vent bat la coque et siffle à mes oreilles.

Le temps gouverne, et je subis

Le temps en profondeur joue toujours contre nous. Plus je reste, moins j’ai d’air, plus j’ai d’azote dans les tissus, plus courte sera mon exploration, plus longue sera la remontée. Le temps gouverne, et j’obéis. Je subis ?

Et à la surface ? J’ai déjà réfléchi sur le temps pendant ce voyage, celui qu’on (ne) perd (pas) à réfléchir, mais aussi à sa valeur (Time is of the essence). Mais c’est une question complexe, et elle revient en ce 45ème jour, parce que le temps qu’il reste vient de reprendre une dimension concrète : deux semaines.

En deux semaines, est-ce que je vais réussir à boucler mon Divemaster ? Il me reste tellement d’épreuves physiques et de tests à compléter… Il y en a pour plusieurs jours entiers, et il va falloir jongler avec les plongées pour les clients.

Et je voudrais vraiment boucler mon roman, auquel j’ai pourtant pas touché depuis ma promesse de m’y remettre. J’ai une infinité d’excuses, entre ma crève, la théorie à se coltiner, les plongées, ma fatigue profonde après, j’ai faim et j’peux pas manger quand je veux, j’arrive pas à me concentrer le ventre vide.

Je subis.

Comment ne pas subir le temps qui passe ?

Ça m’obsède un peu, cette question. J’ai pas peur de vieillir, mais j’ai peur de passer à côté de ma vie, comme une vache regarde passer le train. Je ne veux pas être baladée par les flots de l’existence, je veux faire quelque chose de ce temps imparti, dont j’ignore la durée.

Ne pas subir, c’est choisir. J’avais écris cette phrase, une année, dans mes bonnes résolutions (2008, de mémoire — yep !) :

« C’est étonnant, un choix. Certains sont morts pour permettre aux générations futures de l’avoir, d’autres se tuent pour ne pas avoir à en faire.

On hurle et se plaint quand on ne l’a pas, et par moments, on préfèrerait ne pas l’avoir. En fait, on n’y échappe pas.

Si pour avancer dans l’espace, il faut mettre un pied devant l’autre, chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix.

Tourner à droite, rentrer chez soi, partir, revenir, choisir ses amis, son école, ses études, choisir un nom pour son poisson rouge, un mot de passe pour sa boîte mail, choisir ses mots quand on parle, choisir d’entendre sans écouter, choisir d’aller, ou de rester. Choisir entre poulet ou poisson, entre le vert et le bleu, entre colère et pardon.

Tant de choix qu’on fait sans s’en rendre compte, et d’autres qui nous coûtent chaque fibre de volonté.

Je sais que je déteste choisir, sans doute autant que j’aurais haï vivre sans avoir le choix. Ce paradoxe me rend folle de rage à chaque fois que je me retrouve sur la corde raide devant cet éternel problème, qui porte en lui-même sa solution : le choix »

« Chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix »

C’est ça, la solution, n’est-ce pas ? Les choix. Pas les grands choix de vie, qui filent le vertige et la nausée, et de toute façon je ne crois pas aux grands carrefours, comme si « prendre à droite » ce jour-là allait bouleverser mon existence. De 1, c’est déjà suffisamment balèze de faire des choix sans avoir la pression supplémentaire de se dire : ce choix va changer ma vie.

De 2, je pense qu’on peut toujours re-prendre un embranchement plus tard, changer de voie, recommencer, et qu’un choix n’est jamais aussi dramatique qu’il se présente. Parfois, j’aimerais qu’il le soit davantage, les gens ne choisiraient plus aussi légèrement de manger de la viande s’ils mesuraient réellement les conséquences de leur choix à chaque repas.

Faire des choix, ça se travaille

En 2008, j’étais torturée par le choix… En 2016, ça va beaucoup mieux. Qu’est-ce qui a changé ? J’ai arrêté de considérer tous les choix que je suis amenée à faire comme des pièges qu’on me tend, comme s’il y avait une mauvaise réponse ou une mauvaise option.

Un choix, c’est un mouvement dans le temps. Mais le temps n’est pas linéaire (vu que j’ai établi qu’il était relatif !). Donc choisir, c’est LE moyen que j’ai d’agir sur le temps, avec le temps.

Si je voulais vraiment terminer mon roman, j’enverrais bouler ma formation divemaster. Merci les meufs (car toutes les plongeuses sont des meufs, meilleur camp de plongée du monde), c’était fun, mais finalement je suis pas si intéressée que ça pour obtenir mon diplôme cet été, je préfère finir mon roman en continuant à profiter de ce cadre paradisiaque, et à plonger de temps à autres pendant ces deux dernières semaines.

Si je voulais vraiment obtenir mon divemaster, je me débrouillerais pour passer toutes les épreuves le plus vite possible et en être physiquement débarrassée en 4-5 jours. Et me dégager plus de temps de repos. Quitte à suspendre ce journal de bord.

Si je voulais vraiment écrire plus, progresser dans mes brouillons en cours, je m’aménagerais ce temps quotidien.

Et si c’était aussi simple que ça, de maîtriser le temps ? En faisant des choix.

Et si c’était aussi simple que ça, de prendre les commandes de sa vie ? En faisant des choix. Ses propres choix.

La différence entre agir ou subir, c’est pas le pouvoir qu’on a ou pas, les capacités, les possibilités, ce ne sont pas des éléments extérieurs. Ce sont nos choix, et notre propension à les fuir ou à les assumer. (À peu près Dumbledore, au passage).

La différence entre les résolutions que je tiens et celles que j’abandonne, c’est un choix. Entre les projets sur lesquels je m’investis et ceux que je délaisse, c’est un choix.

La différence entre la personne que j’étais et celle que je suis devenue, c’est une succession de choix. Et le premier d’entre eux, c’était la volonté de changer.

Alors, est-ce que le temps joue pour ou contre nous, dans la vie ? Ça dépend, meuf. C’est toi qui choisis.

All My Days

Oh, et le son du soir : Alexis Murdoch, All My Days.

Well I have been searching all of my days
All of my days
Many a road, you know
I’ve been walking on
All of my days
And I’ve been trying to find
What’s been in my mind
As the days keep turning into night

Well I have been quietly standing in the shade
All of my days
Watch the sky breaking on the promise that we made
All of this rain
And I’ve been trying to find
What’s been in my mind
As the days keep turning into night

Well many a night I found myself with no friends standing near
All of my days
I cried aloud
I shook my hands
What am I doing here
All of these days
For I look around me
And my eyes confound me
And it’s just too bright
As the days keep turning into night

Now I see clearly
It’s you I’m looking for
All of my days
Soon I’ll smile
I know I’ll feel this loneliness no more
All of my days
For I look around me
And it seems you’ve found me
And it’s coming into sight
As the days keep turning into night
As the days keep turning into night
And even breathing feels all right
Yes, even breathing feels all right
Now even breathing feels all right
It’s even breathing
Feels all right

D. 32 Entre passion et raison

J’ai dit que mon corps était un cheval, mais c’est plutôt un mustang, un cheval sauvage. Parce que je suis passionnée, et que mon monde n’est pas fait pour les gens passionnés. J’ai toujours l’impression d’être à la mauvaise place, de prendre trop de place, de faire trop de bruit, et en même temps, d’être étouffée, et à l’étroit.

Je vois bien qu’il y a un ordre, des étapes, des cerceaux par lesquels il faut passer, des obstacles qu’il faut sauter… Mais j’ai pas le temps, et pas l’envie non plus de faire des acrobaties pour épater la galerie. C’est méprisant pour les chevaux de dressage, pardon, je ne juge pas, au fond, chacun fait bien ce qu’il veut.

Can’t be tamed

J’ai passé beaucoup de temps à essayer de me dresser moi-même. De me mettre dans les cases qu’on me présentait, de rentrer dans ce rang où la vie paraît si simple. Mais il suffit d’un coup de vent dans la crinière pour que je me rappelle qu’on respire mieux dans l’étendue des prairies.

« Chassez le naturel, il revient au galop ». Effectivement. Je sais marcher au pas, mais ça m’épuise tellement, j’ai très vite besoin de me dégourdir les pattes avec un bon galop.

J’ai compris pas mal de choses chez moi cette année, et ce dernier mois, et je me sens plus stable sur mes appuis… Mais il restera toujours cette part d’énergie indomptable. Et j’ai fini de le regretter. (J’ai peur des chevaux, dans la vie… how interesting…)

Fuel of life

La passion, c’est de l’énergie, c’est une énergie qui me sert de moteur. Y a pas vraiment de vitesses, c’est plutôt ON/OFF comme modèle, et c’est pas sur commande, en plus. Alors quand c’est ON, ça fuse, ça décolle, et je peux aller très loin.

La plongée, c’est la première passion que j’ai suivie sans retenue. L’écriture était ma première passion tout court, mais je m’étais laissée dire que c’était pas un métier, puis que c’était pas un métier rémunéré, et enfin que c’était pas vraiment un métier, même si je pouvais en « vivoter ».

Toute l’énergie que j’ai mobilisée à me convaincre que ça ne me mènerait nulle part… Mais je serais où si je l’avais investie à aller de l’avant plutôt qu’à me retenir ? J’ai pas vraiment de regrets parce que je ne suis pas restée sur place en attendant la marée, mais je m’en suis servi de leçon.

Quand j’ai plongé pour la première fois, je ne me suis pas laissée « rationaliser ». J’ai foncé. J’y suis retournée. J’ai continué. J’ai investi. J’ai subi des contingences, des coups d’arrêts… Mais j’ai persévéré. Parce que tant que la passion est là, le levier est en ON et y a du jus. Je déplacerais des montagnes, et de fait, je vais conquérir des océans pour suivre cette passion.

J’en viens à me poser des questions sur mon avenir professionnel, et les voix qui me disent que c’est vraiment dur comme métier, et puis c’est mal payé, et puis est-ce que je suis sûre de moi… Leur écho vient de loin.

Rien n’est facile dans la vie, surtout quand on fuit la facilité. On n’est jamais sûr de rien, et c’est pas un mal en soi. Quand à la paie… je préfère être fauchée et épanouie que riche et cloîtrée dans un tailleur. Been there, done that, et je suis partie le jour où j’ai réalisé qu’aucun montant crédible d’augmentation n’aurait pu me faire continuer dans ce job.

J’ai appris par hasard que l’une des Divemasters quitte le camp, le mois prochain. Du coup, la responsable cherche quelqu’un. Je l’ai su en fin d’après midi, mais j’ai immédiatement connecté la question sortie un peu de nulle part avant la deuxième plongée aujourd’hui : elle m’a demandé ce que je faisais le mois prochain, si je rentrais en France…

Opportunités partout, frustration nulle part.

Mais je rentre à Paris le 6 septembre, mon autre passion a pris le dessus, depuis que j’ai enfin décidé de lâcher les chevaux. Il paraît qu’on n’arrête pas un cheval lancé au galop sur une plage. Il fonce tant qu’il y a du sable devant lui.

Ça tombe bien, j’ai pas l’intention de ralentir le rythme de sitôt.

J’ai passé tellement de temps à essayer de « me dompter », comme si ma passion était un danger pour moi. Mais ma passion, c’est moi. La rationalité n’est pas pour autant mon ennemie. J’aime penser que c’est mon cavalier. On peut toujours discuter avec la monture, mais au final, c’est le cheval qui a le dernier mot.

Ça va mieux quand on est sur la même longueur d’ondes, mais ça y est, je crois que le cavalier a enfin compris qu’il fait bien de lâcher la bride : on va plus vite et plus loin au galop.

Elle est belle, la vue sur cette plage… Mais cette passion souffrira d’un peu d’attente. J’en ai d’autres sur le feu qui ont déjà trop attendu, et trop d’énergie à investir dans ce voyage.

J’ai hâte, de pouvoir bientôt lâcher les chevaux.

D. 30 Thirty day sober

Je me suis noyée dans le ciel, au crépuscule. Dix-huit heures et des poussières, comme celles de corail blanc qui donnent au sable clair ses reflets de nacre.

On voit bien que la Terre est ronde quand on s’allonge à ses frontières, le corps et les yeux offerts à l’infini qui l’enveloppe.

Des traînées de nuages perlaient vers le couchant, filées de soie rose. À l’Est, un velours sombre bordait l’horizon. La lune est redevenue un croissant horizontal, comme au deuxième jour, un sourire de chat fou qui réfléchit le mien.

Trentième jour. La moitié seulement, la moitié déjà, j’en sais trop rien et ça n’a pas d’importance aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui : trentième jour… de sobriété.

Ma vie sans alcool est beaucoup plus simple à bien des niveaux. Financièrement, pour commencer. Mais à tant d’autres.

Ma grande peur, c’était de perdre une source d’inspiration. Mes meilleurs écrits (de mon point de vue), je les ai crachés après un, voire plusieurs verres. La lettre à mes parents, ma crise d’adolescence, mes lettres ouvertes, mon roman, les bonnes parties de l’autre aussi… Tout ce qui vient du coeur et des tripes, je suis allée le chercher au tire-bouchon.

La pression sociale, le goût, la convivialité, tout ça, je les ai dépassés avec le véganisme, j’aurais pu les dépasser avec l’alcool. Mais si en rebouchant la bouteille, je rebouche aussi le stylo, si je perds le moyen de connecter mes émotions à ma plume… Je ne peux pas. Je ne peux pas faire ça.

Alors, ça donne quoi, trente jours sans alcool ? J’ai écrit tous les jours. Parfois plusieurs textes, très différents. Et je n’ai pas l’impression d’avoir râpé la feuille avec mon sang pour trouver de l’authenticité. Oui c’est plus dur de déterrer mes émotions sans un peu de houblon pour huiler le passage. C’est plus dur, au début. Et puis, on s’habitue.

C’est toujours le même principe, le même processus : arrêter de se faire violence. Avant, je me mettais un coup dans le nez pour faire sortir des trucs, là, maintenant, extraire la matière brute en forçant.

Maintenant, je fais remonter à la surface progressivement, j’amène par la pensée consciente les matériaux que je veux travailler.

Le processus est doux, le résultat l’est aussi, plus subtil. Il y a moins de colère dans le solvant, il y a moins d’impatience dans l’extract et moins d’angoisses dans le résidu. C’est déjà fluide, raffiné.

J’ai les idées claires, tout le temps. Ça marche parce que je suis aussi plus indulgente, en général, je lâche prise avec mon corps et mon esprit quand je fatigue. Plus besoin de me faucher d’une cuite un peu provoquée, pour me forcer à glander pendant 24 heures. J’ai pas besoin d’une gueule de bois pour passer une journée-gueule de bois.

J’ai les idées claires le matin au réveil, le soir au coucher, et ça me faisait peur. J’avais peur de les laisser couler en permanence, qu’elles prennent feu et me tiennent éveillée. Je les noyais dans l’alcool pour griper les rouages et taire les dialogues. Après trois verres, y en a plus qu’une qui parle, les autres se taisent.

Mais quand j’ai les idées claires tout le temps, j’ai aussi la force et l’énergie de demander le silence, de classer les choses par ordre d’importance et par thèmes, j’ai toujours l’équilibre alors je suis les mouvements où ils m’entraînent en permanence… J’avais peur d’être noyée dans la foule, mais je suis le chef d’orchestre, en fait.

Je crois que j’avais peur de m’affronter, et que j’avais besoin, parfois, d’une excuse pour perdre un contrôle que j’avais tant de mal à imposer, tant de mal à céder. C’était une soupape de décompression, c’est pour ça que les émotions fusaient aussi vite, aussi fortes, il suffisait de me mettre devant un clavier, tu m’étonnes que les mots viennent tout seuls, dommage que je tape aussi lentement quand j’ai trois grammes dans le sang…

Avant, quand je me relisais le lendemain matin, je rajoutais un mot sur trois et je corrigeais les fautes. Maintenant, je rectifie trois coquilles et je fais la mise en page.

Le seul obstacle entre mon clavier et mes émotions, c’est moi. Le chemin le plus direct entre mes textes et mes émotions, c’est aussi moi.

Trente jours. Je ne serai pas sobre à vie, j’en ai pas envie, et j’en ai pas besoin. Ça y est, je me suis prouvé que je n’ai pas besoin d’alcool pour écrire.

Je me suis noyée dans le ciel, ce soir. Et je me suis rappelée de mes plus belles ivresses. Toutes avaient en commun d’avoir été vécues à jeun.

Note to self: ça va être chaud de traduire ça en mode « grande soeur » mais I’ll give it my best shot…

21h06 : ptin j’ai pas commencé ma note du jour, je sais pas comment la prendre, elle est importante celle-là, et si « elle me vient pas » ? :/ 

21h26 : *clics « Publier »* 

Non seulement j’écris plus vite, mais en plus y a moins de fautes. ZBHRLÀ.