Tempo

Cinq mois. Et pas une nouvelle note à publier. Mais plein de fausses notes, de ratures sur la partition, d’heures passées au clavier à recommencer, à s’entraîner, à réciter, à répéter, à jouer, à s’éclater.

J’ai pas (encore) trouvé mon rythme alors j’écoute celui des autres et je cours après le tempo. J’écoute les cor(p)s qui prennent le dessus et parfois se mettent en sourdine. Je tends l’oreille vers les cordes qu’on tire et qu’on détend avant qu’elles ne lâchent, qui grincent et pleurent lorsqu’on les gratte, qui surprennent et enchantent lorsqu’on les accorde.

Je cherche l’harmonie dans la cacophonie des choeurs en formation.

Cinq mois. Je me suis sentie seule et noyée dans la foule, étouffée par les silences et assourdie par les bruits. J’ai été bousculée par le rythme, et figée par l’inertie d’un orchestre trop complexe à diriger. J’ai été emportée par les symphonies déchaînées comme une tempête sur les plaines, je me suis laissée émouvoir et surprendre par les mélodies timides, improvisées par les solistes, comme un secret murmuré.

J’ignore le métronome dont les allers-retours arrogants me narguent, et m’insupporteront tant que je n’aurai pas trouvé le rythme. Je suis partie pour courir un marathon au rythme d’un sprint…

Et j’ai pris le contrôle.

J’ai cherché ma métaphore pendant de longues semaines, et je l’ai trouvée dans l’image qui m’est la plus étrangère. Debout sur l’estrade, écrasée par l’obscurité, je ne vois que la partition que j’ai sous les yeux. Silence. Tout autour, le néant, jusqu’à ce que je lève le poignet.

C’est fou, ce pouvoir de lancer la musique d’un geste si léger.

Moi je pensais que pour être un leader, il fallait incarner une forme d’autorité. Il faut des épaules larges et une voix qui porte, une posture droite et un regard d’acier. Il faut aveugler les autres et rester soi-même dans l’obscurité. Il faut transpirer l’assurance et proscrire toute vulnérabilité.

Mais je n’avais jamais vu de chef d’orchestre. Seul, debout dans la lumière, c’est lui qui est aveuglé. Il ne voit que son propre chemin, les autres le suivront car ils ont confiance. C’est cette confiance qui lie tous ces instruments à l’extrémité de sa baguette, à la dextérité de ses gestes. Ses erreurs à lui deviendront les leurs, il le saura et ne leur en tiendra pas rigueur.

Perfection takes practice

Et tous les jours, recommencer. Il y aura des fausses notes tant qu’il y aura des humains à l’exécution, parce qu’entre les ratures griffonnées sur la partition et la magie des sons qui envahissent l’espace et transpercent les carapaces, il se passe un miracle.

Et le miracle, c’est de toujours réussir à produire un résultat unique, à force de répétitions.

On reprend à la clé, je gomme les essais de la veille et on improvise les mouvements du jour, pour n’écrire que le meilleur. Si ça marche, on répètera. Si ça coince, on persévèrera.

On vise la perfection pour atteindre l’excellence, une note à la fois. L’ensemble est toujours unique, et c’est ce qui le rend beau, même les soirs où j’ai le bras lourd et les doigts crispés sur le bois. Les jours où les violons sont désaccordés, où la batterie résonne trop fort et mes solistes se noient dans le bruit, les moments où je n’entends plus l’harmonie.

Mais lorsque le rideau tombe et que le silence se fait, le répit me pèse vite. Heureusement qu’il est de courte durée…

Cinq mois. J’arrive au bout de ma partition, et la perspective qui me paralysait il y a un an m’excite à présent : à nous d’écrire la suite, à nous de la jouer.

À nous de mettre en musique la poésie du quotidien, les espoirs et les doutes que les mots ne savent plus exprimer, les attentes qu’on ne s’avoue qu’à plusieurs parce qu’elles sont trop lourdes à porter pour une seule personne.

À nous de faire rêver.

Silence. Rideau…

En scène…

Et musique, maestro.

La chute des idoles

Je sais que j’ai dit que ça ne me touchait plus, mais en fait ça me touche. J’ai beau me répéter que je suis au-dessus de ça, que j’ai grandi, que c’est bon, c’est une étape franchie pour moi, ça me touche quand même.

Ça fait presque un an et j’arrive pas à lui pardonner, pire encore, non seulement plus le temps passe, et plus je réalise que je n’arriverai pas à lui pardonner, mais moins je pardonne à tous ceux qui ne se rangent pas de mon côté. Qui choisissent le statut quo, ou pire : son côté. J’en sais rien, je veux pas savoir en fait, parce que si c’était le cas, j’arriverais encore moins à le leur pardonner.

Je comprends pas pourquoi c’est à moi de faire les pas dans le bon sens, comme si c’était moi qui m’étais éloignée de je ne sais quel droit chemin, dans lequel il faudrait que je revienne.

Je ne comprends pas comment des gens que j’ai pu aimer, admirer, prendre en exemple puissent faire aujourd’hui preuve d’autant de dédain et de lâcheté.

Tu vois que les mots sont durs, parce que les lire te blesse. Alors pourquoi tu comprends pas que les entendre lancés contre moi, à pleine vitesse, me laisse des plaies sans cesse réouvertes à chaque fois que la même voix résonne, que sa fausse innocence claironne ?

On a rien à se dire quand on ne se respecte pas.

L’ironie de l’histoire, c’est que j’écris ça 72 heures après la victoire de Trump, et ce refrain qu’on chante en boucle sur tous mes channels de communication : faut s’écouter. Faut se parler. Faut arrêter de mépriser ceux qui ne pensent pas comme nous, faut arrêter de les prendre de haut parce que l’Histoire nous donnera raison, et qu’ils sont à la traîne du progrès. Je sais.

Tu peux retirer le couteau que tu m’as planté dans le dos ? C’est juste histoire que je reprenne mon souffle, et que je change de ton. Parce qu’il est là le problème avec ces belles intentions. Je la trouve où, la patience de le rester face à tous ceux qui me crachent au visage ?

Je voudrais bien continuer à faire semblant… Parfois je me dis que j’aurais dû continuer à faire semblant, à jouer les caméléons, passer pour invisible dans le canevas des différences. Oui je sais c’était lâche, mais personne ne me l’aurait reproché, même s’ils l’avaient su. Parce qu’ils savent aussi ce que ça coûte que de lever le voile et de se mettre à nu. Mais en fait non, je ne peux plus faire semblant.

J’étais surtout terrifiée par la réaction des hordes d’inconnus, parce que c’est terrifiant de susciter la haine de ceux qu’on n’aura jamais vu, à qui on n’aura jamais parlé, qui ne savent rien de nous sinon une étiquette qui semble justifier à elle-seule le rejet de tout un être. C’est vraiment terrifiant d’être haïe parce qu’on est. Ça ne laisse que deux choix : accepter ou disparaître. Littéralement, être malgré la haine, ou arrêter d’être.

Je me disais que ça n’arriverait pas avec les gens qui me connaissent déjà. Tu peux pas réduire quelqu’un que tu connais à un détail de ce qu’il est, et que t’avais jamais remarqué en plus, ou juste soupçonné. D’autant plus que les gens qui t’ont appris la tolérance ne peuvent pas être intolérants à ton égard, c’est ridicule, insensé. C’est très con. C’est décevant.

C’est tout un dégradé de déceptions que j’ai du mal à formuler, entre le mot de travers et le rejet assumé. C’est des mots que j’arrive pas à pardonner, même en allant chercher toutes les excuses du monde.

Ça fera bientôt un an, encore une date que je voudrais pouvoir oublier, mais que la saison me rappelle, sans que je puisse y échapper.

« Faut amputer »

Je croyais qu’en un an, l’écart se serait résorbé, qu’on se serait retrouvés, quelque part à mi-chemin. Mais le temps nous éloigne, et les mots qu’on s’envoie rouvrent des plaies que je ne sais plus refermer.

À chaque fois que je me blesse, je ne compte plus les fois où tu me disais, pour rigoler : « faut amputer ».

Ouais. Faut amputer. Ça va faire mal, ça va saigner, mais moins que ces saloperies de déchirures qui ne veulent pas cicatriser et qui me lancent à chaque fois que je me prends à faire un pas l’esprit ouvert à ce qu’il pourrait se passer.

La chute des idoles est vraiment dure à accepter. Faut amputer. Sinon ça va finir par vraiment s’infecter.

Après tout, on a déjà guéri l’homophobie. Alors je garde espoir, mais j’ai arrêté d’avoir des attentes. J’ampute. Tant pis si l’absence de ces membres me lance, ça fait toujours moins mal que les plaies béantes.

An Open Letter to Leonardo DiCaprio #BeforeTheFlood

I attended the premiere of #BeforeTheFlood in Paris, and I had a question ready for you even before the screening started. See, I know that you’ve been an activist for the environment for a while, and I wanted to ask you: how can we still find hope, we, the people of my generation, the 20 & 30-something who won’t live long enough to benefit from the improvement, and should yet not only change their lives, but also convince older and younger generations to follow? Where can we find the strength to face the responsibility that has been put upon us by our predecessors?

But you answered that inside the documentary. « Hope won’t be enough ».

You’re right. You’re absolutely right. I’m 29 years old and I’m out of hope for this world. But I do have plenty of anger instead. I’ve sat through this cold exposé of our present situation, but you’ve left me with less hope than anger.

I was born into a system that led me to believe that this is the way that we should live. But « this way » is criminal in so many levels, and ignorance has made me an accomplice. Had I had any say in it, I would never have supported such a pillage of our planet. It’s not the footing of the bill that angers me besides myself, it’s the responsibility that I now face, and how powerless I feel, looking at our situation.

I am standing before the flood armed with a tea spoon: this is how powerless I feel. Yet you would want me to believe that I, and everyone of us, have the power to change our future? That our billions of spoons put together might just stop an ocean rising?

You say that we can turn things around by the choices that we make every day, I see us nailing our coffins with the choices that have been taken out of our hands, every day.

You’re damn right « hope won’t be enough », I have none left for this world, and I’m not sure it deserves any. Because from where I’m standing, I’m not sure that I want to stop that flood anymore. We have the leaders we elect, we get the products that we buy, at the prices that we ask… Ignorance was a good excuse, but now what?

You’ve left me short of hope Before the Flood, and I’m already drowning in rage. You talk about consumer choices, but all I want to do right now is to scorch the handful of corporations which have been burning our forests to the ground. All these companies and men, who have long since forgotten the actual value of green — not the dull shade of a dollar bill, but the bright green of a tropical leaf — I want to tear them apart.

You advise us to vote wisely, but the last thing I want to do right now is to trust another spineless politician, and watch them yield to corporate interests quicker than you can cash a check.

All I want to do right now is to overturn the table of negotiations like an hourglass, to buy back the time that was lost in empty talks and promises void of actual commitments.

I’ve taken aim at you, but held my fire.
Because I know better than to shoot the messenger.

So I do have a question for you, after the screening of #BeforeTheFlood. You have met quite a few World leaders, government officials… Tell me: do they realise their responsibility? Do they really understand what needs to be done, and the timeframe that we have to react?

You see, I need to know this. Because we’re not « before the flood », we’re already inside the storm. I need to know that our leaders are prepared to act upon the promises that they have made at the COP21, and to push further yet.

Watching your movie wasn’t an incentive to vote. It made me want to riot.
It didn’t deprive me of hope, it just melted away its remnant, in the form of illusions.

If that system can’t be changed, then we’ll have to bring it down. We may not be able to stop a flood with a billion spoons, but governments and corporations have been brought down with fewer numbers.

At least, some hope’s back on our side.

D. 60 bis Décollage…

Ouais, j’ai déjà posté un truc aujourd’hui. Mais c’est l’heure du départ, ça y est.Tu auras remarqué que je dis « départ » et pas « retour ». C’est vraiment l’arnaque du siècle, de croire qu’on peut « revenir » de ce genre de voyage. Quand tu vas de l’avant comme ça, que tu affrontes des peurs, que tu te dépasses, accomplis des défis que tu n’aurais même pas imaginé il y a de cela quelques années, tu ne « reviens » pas à ton point de départ.

Tu vas de l’avant. Toujours. Tu vas plus loin qu’avant.

Je continue mon voyage, même si la prochaine étape ressemble à mon point de départ, je sais que ça n’aura rien à voir.

Hier soir, j’ai regardé le coucher du soleil depuis la plage de Kuta, saoûlée par la foule de touristes, saoûlée par les sollicitations permanentes des vendeurs en tous genre, bref, un peu saoûlée de tout en cette fin de trip.

Ce matin, je suis allée nager une demi-heure dans la piscine de l’hôtel, juste parce que je peux, un peu pour le kiff et beaucoup pour me fatiguer dès le matin, histoire de réussir à dormir dans l’avion.

Deux jours à Bali, c’était presque trop. Un de plus et je me faisais chier, c’est sûr. Et puis j’ai déjà fait tous les massages possibles (les massages d’une heure à 7€, ça va me manquer. Vrai-ment me manquer).

J’avais hâte de partir hier (aujourd’hui ça passait mieux, j’avais calibré ma journée pour ne pas avoir de temps mort). C’est parce que j’ai hâte de ce qui va suivre.

Je suis partie avec beaucoup de questions, sur moi-même, sur mes envies, sur mes projets, sur mes rêves, sur mon futur… sur mes ambitions. Et en deux mois, j’ai trouvé beaucoup de réponses. J’ai niqué des complexes et tué des démons, j’ai dépassé des frontières pour ma plus grande surprise.

C’est ma nouvelle drogue, je crois : ma capacité à me surprendre moi-même. Je vais continuer, c’est sûr : tu te lances un défi. Tu te demandes comment tu vas y arriver. Tu fais des plans, des tentatives, tu te plantes, tu corriges, tu améliores… et tu réussis.

Et ça, c’est vraiment un kiff de malade — pardon my french.

« Going home? »

À tous les gens qui me demandaient, ces derniers jours, si je rentre « chez moi », je répondais « oui » en pensant : rien à voir. J’ai pas de « chez moi », et quand bien même, « chez moi » c’est n’importe où je le décide, où j’ai des trucs à faire, où mes voyages m’emmènent.

Pour un temps encore, « mes voyages » m’emmènent à Paris, parce que c’est le départ d’une autre aventure, celle qui me motive le plus, et me donne envie de repousser encore plus de frontières. Encore des premières fois, encore des problèmes à résoudre, des puzzles à construire, encore des défis à relever.

Et puis, sans rire. J’vais pas abandonner le navire à la veille de l’élection présidentielle. Qui va monter au front contre l’OPA de l’extrême droite sur le féminisme, et démêler la xénophobie de la lutte anti-sexiste ?

Embarquement immédiat. See you on the other side, comme dirait Adèle.

D. 57 You can’t miss what you’ve never left behind

I used to cling on to stuff like talismans against the passing of time. Now that I’ve made my peace with time, I understand how my compulsive collection of random objects to save as « memories » was a waste of space and energy.

You cannot lose nor miss what you’ve never left behind.

I am leaving tomorrow, but I will take with me so much of Bira, so much of this summer that no matter how much time passes by, I’m sure to remember the essential.

Because, how could I forget any of this?

How could I forget that I nearly drowned out of excitement when I spotted the tiny pigmy seahorse that Laura had found, on my very last dive here? Or when I almost forgot to breathe, when we came across one of the most massive turtles I have ever seen, and another one swimming gracefully above and away, while a school of big bumphead parrot fishes passed us by?

There’s no way I could forget that last dive here, not with these massive, unknown fishes that swam right in front to us, to inquire about our presence. We’re still not sure what they were, clearly not tunas nor sharks, even though they shared characteristics with both species. [UPDATE: they were COBIAS omggg]

No way I would forget my first dive here, it was Eagle Rock again, the same site we did this afternoon, again, with Laura. Again, I was scanning the blue, and again, there was too much to see. A gigantic Napoleon Wrass, and especially a school of giant barracudas passed us by.

How could I ever forget the feeling in my chest during our first dive of the day, when my heart skipped a beat as I recognised the unmistakable mouth of a Manta Ray, flying away, a few meters under our fins.

I’ll take a piece of everything, for the rainy days

I’ll take away a piece of everything I love about this place, and store it close to this spot in my heart, where sadness sometimes sinks in. So the next time I’ll be feeling blue, I’ll flood it all with another kind of blue, where I used to fly around magnificent, strange and impressive creatures. All so beautiful and fascinating, that they must belong in my dreams anyway.

I’ll remember the laughters we shared on the boat, the warm tones of Wendy’s australian accent, and the way she called me « Clemo » (and how that nickname stuck the entire summer lol). The way Hannah’s big brown eyes light up when she laughs, the way Laura’s face breaks into a smile, how Charlotte celebrates her most exciting sightings with an enthusiastic « BOOYA! »… And so much more.

I won’t forget all of our smiles, how they shine so much brighter on darker skins. Surti’s laughter across the Rumah Makan, Ismail’s « Hey sister! » and our daily life here, in paradise. All the looks, signs, silences and smiles that made up for our lack of words between English and Bahasa.

I’ll take all of this with me, they’ll get me through the rainy days. Even if sometimes, it rains here too, in paradise; even those days were blessed.

Thank you, the #DreamTeam of Bira Dive Camp, for a summer to remember (entirely spent in my jammies, thus the name of this blog) (see what I did there?!)

I did 44 dives here, seen incredible sights, and I drowned myself many times: into the sky at sunset, through the moon and stars at night, into our laughters, and into pure bliss, every day here, and every night.

Thanks for everything ❤

Until We Meet Again.
🙂

D. 55 Point final

Quelle sensation étrange, euphorique, vertigineuse et flippante à la fois : le point final.

Déjà, c’est encore une première fois à épingler au tableau de cet été. C’est la première fois que je termine un roman. Rien que de l’écrire, ça me procure un sentiment bizarre. Comme « un soulagement positif ». Ce n’est pas une douleur ou un manque que je soulage, c’est un accomplissement que j’achève.

Et c’est étrange.

Je me suis relue, critique et scrupuleuse, avec un oeil acéré et les doigts tendus sur le clavier. J’ai traqué les anglicismes involontaires, les coquilles, les fautes d’accord. J’ai ciselé les phrases complexes, taillé dans les structures lourdes, construites à l’envers, les propositions mal reliées, mal assemblées.

J’ai interrogé mon intention, derrière chacune de mes idées. Est-ce que ces mots ont un sens ? Est-ce que leur contexte le rend univoque ? Est-ce que le point est clair, clairement amené ? (Est-ce que j’ai bien évité des anglicismes insupportables à la « le point est » ?)

Est-ce que j’ai pas intégré des références à d’autres oeuvres, qu’il faut soit assumer en bonne et due forme, soit retirer du texte ? (Ou la hantise de choper des idées chez les autres sans s’en rendre compte…)

Est-ce que ma chronologie est cohérente, est-ce que les « portes ouvertes » sont des négligences, ou des clins d’oeil volontaires à la suite ? (Spoiler alert : j’avais fait n’importe quoi dans les dates, MDR… ET je me suis surprise en retrouvant quelques unes de mes « pistes » pour les tomes suivants, en mode « ah mais oui lol faut pas que j’oublie çaaa »… Hashtag autrice en carton…) (mais c’est bon j’ai pris des notes hein)

Je me suis relue, et je ne peux pas m’empêcher de me demander : est-ce que c’est publiable ? Je ne doute pas vraiment que cette histoire soit intéressante à lire, sans fausse modestie : ça va faire dix fois que je la lis, et je prends toujours du plaisir à la re-découvrir, j’oublis certains détails (cf paragraphe précédent).

Après plusieurs relectures, je pense avoir lissé le style, même s’il doit rester quelques lourdeurs, et quelques répétitions (malgré mes efforts pour retirer mes usages abusifs de l’expression « briser le silence », il doit en rester trop…)

Et même après plusieurs relectures, toujours le même sentiment : bordel, j’ai vraiment TOUT découvert, là. Je ne me suis jamais sentie aussi nue qu’en voyant mes états d’âmes, mes dilemmes moraux, mes batailles intérieures exposées comme ça, tous ces sentiments traduits en paroles prêtées à des personnages, que j’agite comme des marionnettes, planquée derrière un mince écran de papier.

C’est exactement ça. Tout est de moi. Tous les personnages sont moi, leurs caractères, leurs hésitations, leurs doutes, leur détermination, leur courage et leur lâcheté, leur altruisme et leur égoïsme. Leurs ambitions et leurs angoisses, leurs rêves et leurs limites.

Ils ont les visages de gens que je connais ou que j’ai sans doute croisé, et que mon subconscient me recrache lorsque j’entends leur voix, dans mon esprit. Mais je n’ai pris aux gens qui existent que leur apparence physique, et encore, seulement à travers mes propres yeux. Un détail de chez eux.

C’est vraiment une expérience étrange, de coucher tout ça sur le papier. Et plus encore de le relire deux ans après le premier jet, et de toujours s’y retrouver. Comme si c’était une photo de moi qui vieillissait avec moi, sans que l’image ne change.

J’ai dis que j’y ai mis un point final, mais c’est faux, bien sûr. C’est un « à suivre » que j’ai apposé à la fin, parce que c’est pas du tout la fin, au contraire. C’est à peine le début de l’aventure.

Expi(r)ation, Renaissance, Tome 1. Peut-être bientôt en librairie (PS : je cherche un ou une éditeur•rice, à bon entendeur, cordialement), et sinon, sur Internet.

« Coming soon », whatever happens!

544 851 caractères
88 043 mots
241 pages en PDF, interligne 1.3
29 chapitres + 1 épilogue
Et un point final.
🙂

Ah, et du coup : défi relevé !!!

D. 54 Le grain de sel et la gangrène

…Ou pourquoi je suis fatiguée d’être le messager. (Ouais j’suis allée le chercher un peu loin, ce titre. Au départ c’était « I’d hate to be the bearer of bad news », mais après avoir fini de l’écrire, j’ai commencé par décider de ne pas m’auto-qualifier d’oiseau de mauvaise augure. Parce que oui ça pique, mais je ne suis pas le problème de cette fable. Voilà pour les coulisses…)

Here comes the Killjoy…

C’est une phrase du bouquin de théorie de plongée, sur le respect de l’environnement, qui m’est restée en mémoire. Je l’ai lue il y a plus de trois semaines, et elle continue de me revenir à l’esprit, régulièrement.

Il y avait toute une partie consacrée à la surpêche, aux pratiques anti-écologiques qui font énormément de mal à la faune océanique, aux dangers assez imminents que représentent la pollution et l’action humaine, lorsqu’elles entraînent la destruction des mangroves et la mort des coraux.

Et il y avait une question du test :

« Comment pouvez-vous participer à la sauvegarde des écosystèmes marins ? »

Étonnamment, il n’y avait pas « #GoVegan » dans les propositions de réponse, mais j’y reviendrai.

L’une des réponses à cocher était (je paraphrase de mémoire) :

« Informer vos proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes »

Practice target on the messenger

Ah mais pas de souci les gars. Pas-de-souci. Et je pourrais aussi porter un T-shirt « #GoVegan », au cas où juste le fait d’être végane n’attirait pas suffisamment d’attention au quotidien, surtout au moment des repas.

C’est pas comme si « mes proches », « amis-famille-collègues » comme ils disent, mais rajoutons n’importe quel quidam au passage, n’avaient pas de base une réaction défensive au simple rappel de l’existence du véganisme.

Moi je veux bien « informer mon entourage », mais bordel, ça me fatigue. Ça me fatigue d’avoir à me justifier aussi souvent, de choix qui devraient être une évidence. Je ne parle pas de refuser de manger des animaux, je parle de refuser de consommer des produits dont l’achat participe à l’encouragement de pratiques nocives pour l’environnement, les animaux et l’Homme.

Le véganisme ne me prémunit pas contre TOUS les produits tombant dans cette catégorie, mais force est de constater que l’écrasante majorité des produits animaux entrent dans cette catégorie.

Non, les oeufs que pondent les poules que ta tante élève dans son jardin, effectivement, ils ne font de mal à personne. Ni les poulets qu’elle tue tous les trois mois pour te préparer son fameux coq au vin. Ni le fromage qu’elle fait maison quand sa chèvre lui donne du lait.

Les animaux de trait utilisés en permaculture, eux non plus, ils n’attaquent pas l’équilibre biologique naturel.

« De la culpabilité »…

Bon c’est dommage pour ceux de ces animaux qui finissent en coq au vin, ragoût, hachis ou sauciflard, mais je suis prête à cette concession morale. Si on pouvait ne consommer QUE les animaux qu’on élève et qu’on nourrit nous-même, avec nos propres ressources, et dont on s’occupe de A à Z, de la naissance à la (mise à) mort, en passant par les soins et la gestion des déchets, on éviterait déjà :

  • d’accaparer 75% des terres agricoles (pour la monoculture de la nourriture du bétail)
  • de ruiner les écosystèmes essentiels à la survie de l’humanité (en les rasant pour les transformer en terres agricoles, asséchées rapidement par la monoculture de… cf 1er point)
  • d’affamer et d’exproprier les paysan•es locaux, en accaparant les terres agricoles pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les populations locales en noyant de pesticides les terres agricoles accaparées pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les eaux douces, les zones humides et les deltas, où charrient en permanence les pesticides et les milliards de tonnes de déchets organiques produits par les millions d’animaux d’élevages (Google : pollution océan élevage pour voir) (attends tiens, clique-là !).

… Et je pourrais continuer la liste. Je pourrais continuer la liste tellement longtemps, elle est tellement longue, désespérante, et me rend de plus en plus triste à mesure que je réalise qu’on a vraiment, nous, individuellement ET collectivement, le pouvoir de changer tout ça.

Mais je ne peux pas le dire. C’est culpabilisant, tu comprends. Faut pas culpabiliser les gens.

D’accord.

Juste. J’ai une question : pourquoi c’est ressenti comme culpabilisant quand je ne fais que PARLER de véganisme ?

Ce serait pas justement parce qu’on est tous un peu coupable de l’état du monde actuel, là, dites ? Parce que bon, perso, quand je lis une phrase de type : « la consommation de viande rouge est mauvaise pour la santé et l’environnement », je ressens zéro culpabilité. Et techniquement, c’est pas une phrase culpabilisante. Y a pas écrit : « Tu ruines ta santé et l’environnement en mangeant de la viande rouge, #LeSachiezTu ? »

Alors pas de souci, je suis super opé pour continuer à « informer [mes] proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes ». Pas-de-souci.

Je vais juste m’équiper d’un gilet pare-balles avant, parce qu’à ce sujet, les gens ont la gâchette facile envers le messager.

La culpabilité des autres VS ma responsabilité

Mais tu sais quoi ? Challenge accepted. Au fond, j’ai pas choisi d’assumer publiquement mon véganisme pour qu’on me remette une médaille. J’aurais pu continuer très longtemps à manger ce que je veux chez moi, picorer ce que je peux ailleurs, voire développer des techniques d’évitement socialement acceptables, de type : je suis intolérante au lactose, je suis allergique aux fruits de mer, ah je suis un régime sans cholestérol donc pas de charcuterie pour moi, ah ça les oeufs, j’aime pas du tout ça mon bon ami !

On me trouverait tout aussi chiante, mais on me plaindrait en société au lieu de fantasmer mon jugement, de tester mes convictions, ou de les mépriser ouvertement (parce que le véganisme est une religion comme une autre, m’voyez…)

Ben non. J’ai fait un choix. Celui d’assumer publiquement que je base mes choix de consommation sur un raisonnement éthique, moral, humaniste (et rationnel aussi, parce que bon, continuer à soutenir que la viande et le lait sont bons pour la santé à une époque où la recherche médicale a désormais démontré le contraire, je sais pas, ça m’échappe.) (à propos du lien : ça se passe dans le 3ème paragraphe. De rien.)

En fait je sais pourquoi j’écris tout ça ce soir. Parce qu’hier soir, j’ai lu cet article de Black Voices, qui explique le problème avec le fait d’avoir « des amis racistes » (Rapport au fait que Daniel Radcliffe a déclaré avoir dans son entourage, des gens aux idées racistes avec lesquels il était « viscéralement en désaccord », mais sans pour autant considérer d’arrêter de les fréquenter). Fort bien. Moi non plus, je ne me vois pas arrêter d’être amie avec tous les carnistes de mon entourage (même si mes cercles VG ne sont qu’amour et bon délires).

L’article mettait le doigt sur notre responsabilité, lorsqu’on est témoin de discours ou d’actes oppressifs, de les challenger (ils disent « to check » en anglais. « These prejudices go unchecked »).

Et combien de fois, dans une discussion sur le véganisme que je n’ai pas sollicitée (souvent déclenchée par ma simple présence), je laisse mes interlocuteurs proférer des contre-vérités absurdes ?

« Non mais moi », l’exception qui confirme la règle

« Non mais le boeuf français, il est nourri au soja/blé français ». (Ah ouais ? Calcule voir la superficie nécessaire pour faire pousser assez de soja pour nourrir le nombre de boeufs qu’on s’enfile collectivement chaque année, juste pour voir combien de fois la France ça fait. Pas sûr que les plaines de Beauce suffisent, du coup. #JeDisCaJeDisRien)

« Non mais il faut manger de tout, au moins un peu, pour être en bonne santé ». (Passons l’info à 97% de la population asiatique, intolérante au lactose, et à tous les peuples végétariens depuis des lustres, au passage. Ça fait des générations entières de gens carencés, jésus-marie-joseph !)

« Non mais moi je sais ce que je consomme et d’où viennent mes produits. Je consomme local, bio et équitable ! ». (Su-per Norbert. C’est local comment le saumon de Norvège ? Et sinon, #ProTip : quand on calcule le chemin parcouru par un produit, on part de la matière première, donc pour ta côte de boeuf, c’est d’où vient le soja que ton boeuf a mangé qu’il faut prendre en compte. C’est pas la distance de chez toi à ton boucher qui fait qu’une viande est « locale », tu sais. Tiens lis cet article, c’est bien expliqué).

Oui voilà, c’est magnifique, personne n’est jamais le problème, c’est toujours les autres, cette foule innombrable dont on ne fait pas partie bien sûr (d’ailleurs on n’y est jamais confronté, dans des endroits comme, au hasard, la caisse des supermarchés), et c’est les « gros » le problème, les industriels qui ravagent l’environnement (et qu’on ne cautionne AU GRAND JAMAIS en achetant leurs produits, par exemple), et bien sûr aussi c’est à cause de l’inaction de tous ces hommes politiques (qui arrivent au pouvoir par l’action du Saint-Esprit, et pas en conséquence de nos votes ou de notre abstention, hein).

On est tous des exceptions, t’as vu. Et moi aussi.

Parce que « non mais moi », je suis végane parce que je suis intolérante au lactose et que j’ai perdu le goût pour les viandes, en fait. Pis les oeufs, j’ai jamais aimé ça, d’abord.

C’est vrai. C’est vrai, mais c’est lâche de ma part de le présenter comme ça. C’est lâche de dissocier la dimension éminemment politique, éthique et morale de mes discussions sur le véganisme, juste parce que je suis fatiguée d’être le messager, et que j’en ai marre de prendre des balles.

Mais j’ai une responsabilité, en fait. Assumer ce choix , c’est pas me balader avec un T-shirt #GoVegan. C’est assumer ma responsabilité dans la diffusion de l’information cruciale qui entoure ce choix .

Parce que bon, quand un ami profère un truc ouvertement raciste, je baisse pas les yeux sur mon assiette en disant « haha ouais, tant que c’est bio, ça passe ! », m’voyez. Quand on me tient un discours ouvertement homophobe, je ne temporise pas en disant « haha ouais, chacun ses choix, chacun s’occupe de son assiette et la paix des ménages sera préservée ! ». Non, hein. Je leur rentre dans le lard, à ces gens-là. Avec plus ou moins de tact, de patience, de colère ou de pédagogie, selon le contexte.

Pourquoi je suis aussi lâche sur le véganisme ?

Tu te sens coupable quand je te réponds que la consommation de viande rouge est nocive pour la planète ? Moi, je me sens coupable quand tu me dis que t’en manges « pas souvent, que du local », et que je ne te réponds pas.

C’est comme ça qu’on devient « une végane extrémiste », j’imagine. Quand on accepte cette responsabilité d’informer, et qu’on n’indulge plus l’ignorance coupable.

À ceux qui me demandent si ça a pas été trop dur d’arrêter la viande, j’ai envie de vous répondre : c’était à rien à côté du devoir de l’expliquer.

PS : bordel, j’ai craqué. J’ai créé le mot-clef « Mes états d’âme » spécialement pour ce billet. Faudrait pas que ce soit pris pour une leçon de morale, hein, faut bien que d’éventuel•les lecteur•rices comprennent que ce sont « Mes états d’âme » que je déverse…

…On n’est pas sorti de l’auberge.