Walk the walk, drop the talks

Je ne sais plus plonger.

Ça, c’est la version négative de mon discours intérieur.

« Quelle boloss, tu sais plus plonger, haha. »

C’est faux, bien sûr. Je suis en train de ré-apprendre à plonger : nuance.

J’ai passé 5 semaines en Indonésie en juillet-août 2016, pendant lesquelles j’ai plongé quasiment tous les jours, deux à trois fois par jour. J’ai fait des profondes à la recherche des requins de récif, des dérivantes plein courant qui se finissent dans le bleu, accrochée à mon parachute. J’ai fait des dizaines et des dizaines d’explo tranquilles, pépères, dans des eaux chaudes, où le froid ne se faisait sentir qu’au bout des orteils, passé une heure d’immersion.

Bad habits die hard… 

Je plongeais bien. J’étais surlestée, parce que j’étais une dive master en formation, c’est-à-dire une guide de plongée, et qu’il me fallait un plomb supplémentaire au cas où un client se trouvait trop léger pendant l’exploration.

Je m’immergeais sans effort, juste en purgeant mon gilet, et plouf je coule. Je me tenais au palier sans effort, juste en vidant mon gilet, et plouf je me maintiens sans lutter. Je déployais le parachute pendant qu’on dérivait doucement le long des tombants, sans vraiment me stabiliser, sans vraiment faire attention à ma posture, sans avoir besoin de prêter attention à ces détails : je prenais appui contre le courant et ça me suffisait.

J’étais devenue une plongeuse d’habitude, un peu fainéante, pas très soignée, très brouillonne même. Une plongeuse aux automatismes pas si bien huilés, au final, parce que ces rouages ont salement rouillé.

…And they’ll take you down with them

Ces petits défauts étaient sans conséquences dans ces plongées de loisir, dans une mer chaude et calme. Ils m’handicapent lourdement dans ma formation de plongeuse niveau 3, ici, à Niolon.

Je ne sais plus m’immerger, parce qu’il y a des lustres que je ne l’ai plus fait avec un lestage correct, dans une eau froide qui te fait aspirer l’air à grandes lampées.

Je ne sais plus me stabiliser à différentes profondeurs, moi qui avais pris l’habitude de me caler sur les courants, de me stabiliser dans le mouvement, et de m’accrocher aux récifs lorsque je dois rester vraiment immobile.

Je ne sais plus faire une remontée verticale dans le bleu, au volume du gilet et des poumons, moi qui ai passé des dizaines d’explo à remonter progressivement le long d’un tombant. Décoller de 30 mètres et taper 6 mètres à l’arrêt ? Je ne sais plus faire. Et l’espace d’un errement, je me suis demandé si j’avais jamais su le faire.

Apprends à marcher quand tu trébuches

Je suis arrivée à Niolon avec la confiance d’une plongeuse expérimentée, et il m’aura fallu une semaine et un essoufflement pour retrouver l’humilité de celle qui apprend.

Au début, ça secoue : je m’énerve intérieurement, je me décourage, je flippe aussi, de ne pas réussir à réaliser des exercices censés être des acquis. Sauf que je ne plonge pas comme ça, d’habitude. Et les habitudes ont la vie dure, surtout les mauvaises.

Au début, tu luttes : non mais ça va revenir. Non mais OK, mais ça, je savais le faire, c’est juste que ça fait longtemps. Non mais ça c’est parce que ce matos est nouveau pour moi, ça va me demander un temps d’adaptation. Non mais. Non mais. Non mais.

Mais au fur et à mesure, tu descends de tes grands chevaux, et tu changes de perspective, parce que celle-ci ne t’offre que frustration et découragement.

Et tu acceptes que pour être solide sur tes appuis, il te faut réapprendre à poser le pied par terre.

One step at a time

Tout ce qui était simple, acquis, stable et que tu ne maîtrises plus, c’est comme si tu avais laissé de mauvaises habitudes prendre racine sur ce champ de compétences que tu as laissé en jachère ces dernières années.

« Cela est bien » écrivait Voltaire, « mais il faut cultiver notre jardin ». Et ça me fait un bien fou de mettre le nez dans ce bordel, me rendre compte que mes bases sont toujours là, que l’essentiel est toujours là, mais que l’exécution pêche par manque de pratique appliquée, et de bonnes habitudes.

Quit talking, start doing

Je suis en train de ré-apprendre à plonger. Passé la claque, tu remercies celui qui te l’a mise, parce qu’elle t’a réveillée.

Faudrait voir à pas oublier que quand tu trébuches en plongée, tu risques la noyade. Alors oui, ça vaut vraiment le coup de ré-apprendre à marcher.

Et au lieu de m’insulter intérieurement, de me traiter de tous les noms parce que je suis infoutue de me stabiliser proprement à 6 mètres et d’effectuer un lâcher de parachute digne de mon niveau, je vais plutôt adopter une attitude humble devant la difficulté, encourageante devant mes progrès, ambitieuse devant mes succès.

Walk the walk and drop the talks : j’ai fini de me persuader que je suis une bonne plongeuse, et je recommence à apprendre à être une bonne plongeuse.

Du premier au dernier souffle : back to basics

J’ai une relation épistolaire un peu particulière avec le moniteur de mon baptême de plongée. Dès que je passe un cap, une marche, un niveau, je le lui raconte par mail. Il voyage beaucoup, donc il me répond parfois plusieurs semaines plus tard.

C’est marrant. Ça fait plus de deux ans que je ne lui avais pas écrit. Et puis, il s’est passé un truc en plongée aujourd’hui. Alors je lui ai écrit. Et comme j’en tire pas mal de leçons perso, je me suis dit que ce texte avait sa place ici.

À mon moniteur de baptême

Salut,

J’espère que tu vas bien, et que les courants te gardent dans les mers chaudes. Je ne sais plus de quand date notre dernière correspondance, je crois que j’attendais la fin de mon Dive Master pour te raconter ce périple, mais une autre histoire a chassé celle-ci (j’y reviendrai).

Je te raconterai mon passage en Indonésie, bien sûr, mes amours avec les requins de récifs (SI MIGNONS oh là lààà), mais avant ça, j’ai besoin de te raconter ce que j’ai vécu aujourd’hui.

Mon premier essoufflement.

C’est fou, cette sensation d’étouffer alors même qu’on est branché à un distributeur d’air. C’est comme mourir de soif à côté d’un torrent : c’est idiot.

Je suis à Niolon, pour deux semaines de préparation et passage du Niveau 3. J’ai désormais plus de 100 plongées au compteur, et une formation de Dive Master à la ceinture (même si je n’ai pas du tout exercé, c’est une autre histoire !).

Lundi après midi, plongée de reprise. J’étais allée passer deux week-ends à Cap Croisette fin mai et début juin, histoire de remettre les palmes dans les eaux fraîches de la Méditerranée. Et surtout, histoire de me réacclimater à l’évolution sous-marine flanquée d’une combi intégrale + sharkskin + surveste dont cagoule, après avoir passé, à l’été 2016, cinq semaines à plonger dans la mer de Sulawesi, du côté de Bira, en Indonésie. J’y plongeais en shorty avec 1 ou 2 kilos max. Trois, quand il fallait prendre du rab pour lester un client trop léger au palier de principe. Bref.

Août 2018, soit deux ans plus tard, je débarque à Niolon, et j’ai l’impression de réapprendre à plonger. Ma stabilisation est hésitante, ma position dans l’eau n’est pas propre, ne parlons pas de mon lâcher de parachute… Note artistique : points bonus pour l’originalité, mais note technique : médiocre !!

Je ne m’inquiète pas, c’est comme le vélo, ça reviendra à force de pédaler : patience et persévérance. Je sais.

J’en arrive à ce jeudi 16 août, au matin. Je suis un peu fatiguée, mais pas vraiment plus que d’habitude, c’est normal, c’est la fin de semaine et l’eau est vraiment froide.

On embarque, c’est vrai que c’est speed à Niolon, quand 4-5 palanquées envahissent l’embarcation, mais c’est aussi une organisation bien rodée : c’est fluide, et les bateaux sont pensés pour. On arrive sur site, je vérifie 4 fois que ma bouteille est bien ouverte, et je sais que je fais ça quand je suis stressée : je fais mes checks sans enregistrer que je suis en train de les faire.

Mise à l’eau saut droit sur le côté de l’embarcation, c’est vrai qu’elle est froide. On palme quelques mètres sur le dos pour s’éloigner du bateau et descendre dans le bleu. Ça va. J’aime pas la surveste avec cagoule, ça me serre de partout, mais bon, l’eau est VRAIMENT froide, honnêtement je ne peux pas faire sans.

Immersion. Je tente un phoque, coup de palme vers le haut, je vide mon gilet, j’expire… et je ne descends pas. Je bascule en canard, et je ne descends pas. J’ai 3 kilos de leste, c’est juste mais normalement ça passe. Si ça se trouve c’est un problème de lestage. Je descends pas. Je palme plus fort. Je déteste cette cagoule, j’ai de l’eau dans le masque, mais pas de problème, je me redresserai à 6 mètres et je ferai un vidage de masque. Je palme plus fort.

Putain mais enfin j’arrive à 6 mètres, je me redresse, et j’arrive pas à vider mon masque. Y a rien qui sort. Je ventile beaucoup, je souffle par le nez et y a rien qui sort. J’ai de l’eau jusqu’à mi-masque.

Et là, un message d’erreur flashe dans mon cerveau, en gros, en rouge et noir :

TU NE RESPIRES PLUS.

Tout ce que je te raconte se déroule en l’espace de quelques secondes, mais ça m’a fascinée : au moment où le message d’erreur apparaît, j’ai deux protocoles d’urgence qui se déclenchent simultanément.

Comme si deux écrans se déroulaient devant mes yeux : côté droit, l’instinct de survie primaire. Côté gauche, le protocole appris, réappris, mémorisé, ancré dans les automatismes de mon pedigree de plongeuse.

L’instinct me dit : tu ne respires plus, vire tout ce que tu as sur la gueule et prends une grande inspiration !!!

Ma main droite s’approche de mon visage.

Le protocole de réaction me dit : quoiqu’il arrive, on garde le détendeur en bouche. ON GARDE. LE DÉTENDEUR. QUOIQU’IL ARRIVE.

Ma main droite plaque le détendeur sur ma bouche, pour m’empêcher de le cracher.

J’ai de l’eau à mi-masque, donc tout le nez immergé, ce qui ne m’aide absolument pas à rester calme.

L’instinct de survie dicte : OK, SURFACE !! MAINTENANT !!

Je lève les yeux : elle est à quelques mètres au-dessus de moi. Un coup de palme et j’y suis.

Le protocole de réaction, pendant ce temps, a établi un diagnostique. Et enfin, le message d’erreur « Tu ne respires plus » est remplacé par l’identification du problème, et je vois :

« ESSOUFFLEMENT »

L’instinct de survie est toujours bloqué sur RESPIRE – SURFACE, mais le protocole de plongée prend le relai : souffler, communiquer.

Je commence à essayer de souffler mais bien sûr je n’y arrive pas car je suis toujours en pleine panique. J’attrape le regard de mon binôme, juste à ma droite : je fais des gestes erratiques parce que l’information « essoufflement » n’est pas encore arrivée à la zone cérébrale permettant de générer le bon geste. À ce stade, je fais signe « ÇA VA PAS » des deux mains, et j’indique « fin de plongée » faute de savoir quoi faire d’autre.

Pas de réaction de mon binôme. L’instinct de survie remet une couche de RESPIRE – SURFACE !!!

Le protocole de plongée me rappelle que je ne suis pas seule sous l’eau : j’attrape le regard du moniteur, à quelques mètres derrière mon binôme. Et là, enfin, un message d’action : deux coups de palmes et je peux être accrochée à lui, et le laisser m’aider.

Bon, à ce stade, je ventilais toujours comme un boeuf en sueur, donc j’étais en train de remonter naturellement à la surface : le protocole de plongée avait quand même pris le dessus, donc je ne faisais qu’expirer, sans palmer, même si c’était trop rapide et pas assez profond pour réussir à rester immergée à ce stade. J’étais tête en haut, voies dégagées, et pas en train de bloquer sur inspiration. C’était déjà ça.

En surface, évidemment ça allait tout de suite mieux, mais j’étais sonnée par le choc de ce qui venait de se passer.

Donc c’est ça, un essoufflement. C’est ça, qu’il peut se passer pendant une plongée ? C’est ça, la sensation d’étouffer ? C’est ça, les réflexes de survie qui se déclenchent et peuvent t’amener à aggraver drastiquement la situation, si tu n’as pas ancré dans tes réflexes ceux qui te sauvent, et qui permettent de désamorcer ceux qui te tuent ? Wow.

Tu sais, je me considère très bonne plongeuse. Pas en tous points bien sûr, mais au moins en celui-ci : ma capacité à prendre les bonnes décisions pour ma sécurité et celle des autres. Et ça commence par renoncer à plonger quand tu ne le sens pas.

En surface, le moniteur me calme, zen. Évidemment, tout ceci s’est déroulé en quelques secondes, à 6 mètres, en moins de deux minutes. Pas exactement une situation gravement accidentogène. Tout va bien.

Je reprends mon souffle, il me demande si je veux y retourner. Je réfléchis, et je dis à voix haute :

« Je crois que je vais essayer de redescendre une fois, et si ça passe pas j’arrête »

Il me répond « OK »

Je prends encore quelques respirations, toujours sur le dos, mer calme… Et c’est comme si tout mon esprit se mettait à clignoter rouge.

Non.

Non bien sûr, je ne vais pas y retourner dans ces conditions. On partait pour aller chercher 40 mètres, je viens de faire un essoufflement à 6 mètres, évidemment non, je ne repars pas. Je lui dis :

« Non en fait je vais m’arrêter là. Ça va, mais je m’arrête là pour ce matin ».

Ils repartent pendant que le moniteur qui faisait la sécu sur le bateau me regarde m’en approcher, toujours sur le dos. Au pied de l’échelle, je lui demande de me surveiller, je veux faire un test de lestage. J’ai besoin de savoir si c’est le lestage, le problème.

Immobile, gilet vide… Je m’immerge jusqu’au milieu des yeux. Exactement comme dans les manuels… C’était pas le lestage.

Je me déséquipe sur le bateau, et je retourne immédiatement à l’eau, juste en palmes et combinaison : besoin de rester au contact de l’eau froide, de cette houle si douce ce matin, pour ne pas rester sur cette sensation d’hostilité paralysante.

Et surtout, besoin de me laisser ressentir tout ce qui vient de se passer : j’ai fait un essoufflement, à 6 mètres, sur une immersion après un saut droit du bateau dans une mer calme, soleil, pas de vent. Lestage affiné à la lettre des manuels. C’est ma 12ème plongée cette saison, la 6ème cette semaine, sur un site que je connais.

Je crois que c’est ça qui m’a le plus secouée, dans cette expérience : l’absence de facteur favorisant. Les conditions étaient parfaites !! Alors quoi ?!

C’était un choc, mais si je te raconte tout ça, c’est aussi parce que c’était une expérience enrichissante. Bouleversante, mais enrichissante.

Déjà, je suis ravie d’avoir ressenti ce qu’était un essoufflement. Je pense que ça m’aidera à mieux réagir le jour où j’aurai à gérer ça sur quelqu’un d’autre.

Ensuite, je suis RAVIE d’avoir vécu ça à 6 mètres, plutôt qu’à 36 mètres. Parce qu’à 6 mètres, même si l’instinct de survie avait gagné le bras de fer, je ne risquais pas grand chose (ok la surpression pulmonaire si vraiment je bloquais poumons pleins à 6 mètres. Tout juste).

Enfin, même si c’est la partie de cette expérience qui m’est le plus difficile à assimiler pour le moment… C’est une excellente chose pour moi d’avoir vécu cet essoufflement sans qu’il n’y ait aucune raison, aucune « faute », rien.

J’ai pas bu d’alcool la veille, j’ai mangé normalement, j’ai petit-déjeuné normalement, je me suis correctement hydratée, rien n’était nouveau, rien rien rien aucune raison.

Je crois que j’avais un peu trop pris la confiance, ces deux dernières années. J’ai vu trop de « mauvais petits gestes » pendant ma formation PADI, trop de « petits défauts » chez les autres, moi qui ai été formée « à l’école UCPA », et quasi-exclusivement à « l’école de Niolon », dont la réputation n’est plus à faire.

Oui, je me considérais comme une très bonne plongeuse, parce que je prends les bonnes décisions pour ma sécurité et pour celle des autres, et DONC il ne m’était jamais rien arrivé. J’avais oublié, je crois, qu’une très bonne plongeuse n’est pas seulement celle qui sait anticiper les incidents et les résoudre avant qu’ils ne posent problème.

Être une très bonne plongeuse, c’est aussi, et c’est primordial je pense : savoir réagir. Surtout quand le problème qui se pose n’aurait pas pu être anticipé.

J’avais oublié, je crois, qu’en plongée, tous les problèmes qui se posent ne peuvent pas être anticipés. (C’était pourtant pas faute d’avoir été rappelée au fait que la majorité des accidents de décompression surviennent alors que les plongeurs ont respecté leurs paramètres de sécurité : et oui j’ai validé mon RIFAP cette semaine, au passage.)

Lorsque ma palanquée est remontée sur le bateau, je leur ai raconté toute la partie sur le message d’erreur, et le double écran survie contre protocole.

Je me suis rendu compte que j’étais encore stressée lorsque j’ai allumé mon téléphone, juste avant le déjeuner. Plusieurs SMS de mon boulot, me demandant une intervention. Ça m’a direct fait monter la pression de zéro à cent, alors même que les demandes n’étaient pas vitales, loin s’en faut.

J’ai immédiatement envoyé un message à mon chef, pour lui expliquer brièvement que ma matinée avait été *compliquée* et que j’aimais autant ne pas avoir à mettre la tête dans le taf si ce n’était pas urgent et bloquant pour les équipes sur place, parce que j’avais besoin de garder la tête ici, à Niolon, et de reprendre mes esprits.

De retour au pôle technique pour l’équipement l’après midi, je n’en menais pas large. J’avais l’impression d’être tombée à cheval le matin, et qu’il fallait que je remonte dessus le plus vite possible, sans quoi j’allais juste nourrir la peur d’y retourner.

Alors même que mon lestage n’était pas en cause, j’ai repris un kilo supplémentaire. C’est psychologique : vu que je sais que c’était pas ça le problème, je m’alourdis, et je cherche ailleurs les causes de mon déséquilibre à la descente. (Et à la remontée, car écoute #JeudiConfession : la veille, lors de la plongée précédente, j’avais éclaté un palier de principe à 2 minutes. Pouf le bouchon !!! Pourquoi ? Mystère. Je l’avais tenu sans vraiment lutter les 4 plongées précédentes, à conditions constantes. Étonnant.)

Le moniteur, d’habitude bien plus énergique et beaucoup moins patient avec notre groupe aux niveaux très hétérogènes, est très zen cet après-midi. Il me ménage, et j’apprécie : je suis (un peu trop ?) focalisée sur mon souffle, je m’écoute, j’essaie de repérer une éventuelle montée de stress, et surtout, sa cause.

On s’équipe, je vérifie 4 fois que ma bouteille est ouverte mais j’oublie de défaire la boucle que je fais sur le détendeur pour qu’il ne traîne pas par terre ; un autre plongeur me le libère alors que j’ai déjà le bloc sur le dos. Je l’attrape, il se met à fuser. Vraiment, est-ce mon jour ??

Mise à l’eau. On palme quelques mètres sur le dos pour trouver le bleu, derrière le bateau. On se calme en surface, tout le monde me regarde et attend que JE dise « OK ça va on peut descendre », évidemment.

Immersion. Je la foire environ pareil que le matin, avec quand même l’impression de moins lutter, parce que là j’ai 1 kg de plus donc faut pas déconner.

Le coeur augmente. Le rythme de ventilation aussi. Cette fois-ci je réagis : je souffle. Je me calme. Tête en bas, je palme. Je suis à 6 mètres, je me redresse. Stabilisation (un peu hésitante) (« Rien du tout t’étais pas stabilisée » aura débriefé le moniteur) (ouais il a pas tout à fait tort mdr).

On descend dans le bleu pour trouver 18 mètres, et pendant la descente… J’avais une sensation étrange. Comme si je comprenais pour la première fois que ce que j’étais en train de faire n’était pas anodin. J’ai eu peur, ouais. J’ai eu peur ce matin en m’étouffant sans raison, et j’ai eu peur cet après-midi, en tombant dans le bleu, en réalisant que j’étais en train de m’enfoncer dans un milieu hostile.

Je le savais déjà, mais c’était la première fois que je le ressentais vraiment. Oui, c’est comme si j’étais remontée à cheval après une chute, et que pour la première fois, j’avais compris que c’était un animal puissant, capable de me briser tous les os du corps. Pas juste « une monture ».

Bref. 18 mètres. On s’entraîne à ressentir la bonne vitesse de remontée au gilet (ouais je sais c’est du N2 mais on a fait de la merde sur les premières plongées donc on revoit les bases).

Je suis mal stabilisée. Je suis trop lente.

On redescend et on commence l’explo. Le moniteur intervient deux fois parce qu’on manque le chemin du site (bon la première fois j’y étais, je voulais JUSTE voir la patate avant de bifurquer, mais la deuxième fois c’est moi qui le fais intervenir parce que je trouve pas la putain d’arche, et j’ai pas l’impression que mes deux trinômes sont plus avancés que moi.)

Le moniteur nous arrête tous les trois à un moment pour nous faire une démonstration de palmage, parce qu’on est jambes pliées, à pédaler. (Qui suis-je ??? Qu’est-ce qui me prend ??!)

On ne retrouve pas le bateau. On sort au parachute dans le bleu, à 100 mètres du bateau : je suis partie plein ouest, le bateau était nord-ouest.

Lâché de parachute mi-gonflé : je commence la manoeuvre à 6 mètres, je la termine à 9 mètres. HALLUCINANT !

Je tiens le palier en gardant mon parachute dressé, mais finalement je commence à remonter malgré moi, donc je lâche l’affaire avec le parachute, qui s’affaisse complètement, et je tiens mon palier à 5 mètres.

Mon dieu. Sans doute l’une de mes pires plongées, d’un point de vue technique. Indigne d’un niveau 3, et même indigne d’un niveau 2, j’en ai conscience.

Mais je me souviendrai de cette plongée. Parce que c’était la première de ma nouvelle vie de plongeuse : avec la peur. Avec la conscience que tout peut arriver à n’importe quel moment. Avec l’humilité de cette prise de conscience, et avec la nécessité de retrouver et reconstruire la confiance en mes acquis.

Je ne suis pas une très bonne plongeuse parce que je prends des bonnes décisions, que je suis forte en théorie et que je suis à cheval sur la sécurité.

Je suis une très bonne plongeuse parce que je n’aurai jamais fini d’apprendre à plonger, parce que je ne perdrai plus la peur ni l’humilité indispensables à cet apprentissage.

Plongée n°121 : 7,5 mètres, 1 minute.

Et si j’ai eu besoin de te raconter tout ça, c’est parce que j’ai pensé à toi, quand je me suis remise à l’eau juste après l’essoufflement, que je me suis passé image par image cette séquence d’à peine quelques dizaines de secondes.

Il y a eu ce moment, quand j’ai compris que c’était un essoufflement, que le protocole m’a dit “EXPIRE” et m’a fait chercher des yeux le moniteur : j’avais déjà vécu cette scène, cet instant précis. Le jour de mon baptême, juste quand tu me récupères après la bascule arrière, que je suis poumons pleins, yeux exorbités, que tu me fais signe de souffler et que je secoue la tête en réponse parce que je peux pas, impossible, je vais me noyer, et que tu insistes, le regard zen : si, fais-moi confiance, souffle.

Je souffle.

Et tu connais la suite 🙂

C’est quand même fou d’avoir oublié d’expirer profondément, alors que c’est littéralement la toute première leçon de plongée que j’ai prise !

Épilogue

De retour sur le bateau, le moniteur nous débriefe. Il a regardé mon immersion et bien sûr que je galère : j’ai fait n’importe quoi. Mi-phoque, mi-canard, mi-j’essaie de descendre à plat ventre. Donc en fait il y avait bien une cause à toute cette histoire : où est passée ma technique d’immersion ?!

Également : nous étions sur le site de l’Arche du Moulin, à Niolon. Pour l’anecdote : c’est là que j’avais fait ma toute première plongée en autonomie, N2 fraîchement validé. Avec mon binôme, nous avions trouvé l’Arche ET le bateau, dans une purée de pois je dois dire. C’était pas mer calme et grand soleil comme aujourd’hui.

¯\_(ツ)_/¯

Moralité ? C’était dans le texte : je ne perdrai plus la peur ni l’humilité indispensables à cet apprentissage.

Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ?

J’adore la plongée parce qu’elle me ramène toujours à l’essentiel : respire, ne lutte pas contre l’hostilité de l’environnement (car tu vas perdre lol), et apprécie le spectacle, le moment.

Ton temps ici est compté, donc savoure-le, et quoiqu’il arrive : ne le subis pas, sinon il risque de t’arriver des bricoles.

Pourquoi c’est pas aussi simple à la surface ? La même urgence s’applique pourtant :

  • Respire.

Respire, comme priorité : si tu vas mal, rien ne pourra aller. Respire, comme base : si tu n’as ni le temps ni l’énergie de respirer, tu n’auras ni temps ni énergie pour quoi que ce soit d’autre.

  • Ne lutte pas.

Ne lutte pas contre les éléments : les éléments SONT. Ce sont des données. Tu peux parfois réussir à influer sur eux, mais au prix de quels efforts ? Pourquoi entrer en résistance d’emblée, lorsque tu peux t’adapter, utiliser les opportunités qu’offre cet environnement, même hostile ? Par exemple, sous l’eau, certes tous tes sens te lâchent plus ou moins, mais la gravité disparait. Franchement, ça s’apprécie. Et personne ne te conseillera de te barder de plombs pour refaire apparaître la gravité dans tes sensations…

  • Apprécie.

Apprécie le spectacle, le moment. Quoi, ta vie quotidienne n’est pas le théâtre d’émerveillements, d’émotions, de créations? Si bien sûr, c’est juste que tu ne prends ni le temps ni l’énergie de les apprécier.

* * * * *

Je suis posée sur la terrasse de Cap Croisette, et je regarde le soleil, pudiquement voilé de coton bleuté et rosé, se noyer silencieusement derrière l’horizon. Il laisse traîner quelques rayons sur la toile claire, striée d’or, de soie et de cuivre. Les cris de quelques mouettes viennent ponctuer le clapotis délicat de l’eau que les vents ont enfin cessé de tourmenter. Au-dessus de moi, le bleu m’aspire, il m’allège des derniers tracas que les masseuses du SPA de La Palud n’ont pas su extraire de mon dos.

Ce moment dure depuis plusieurs minutes, parce que je le fais durer. Ce n’est ni le soleil, ni le vent, ni la mer ni le ciel qui prennent leur temps pour me permettre d’apprécier ce spectacle. C’est moi qui m’offre ce temps, immobile, inactive, si ce n’est pour ces quelques lignes que je mets de longue minutes à taper.

Je laisse aux mots le temps de venir. Ils naissent lorsque je laisse éclore librement les émotions. Lorsque je ne les réprime pas, lorsque je ne les brusque pas. Lorsque je les laisse bourgeonner, éclore, fleurir, fâner, en quelques instants comme en plusieurs heures, souvent.

Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ?

Ma première pensée face à ce coucher de soleil a été : « demain soir, retour à Paris ».

Non mais sérieux : « demain soir, retour à Paris ». Je m’auto-insupporte dans mon incapacité à apprécier ce qui se passe devant mes yeux, pour me projeter 24 heures plus tard, en plus dans une configuration négative: en vrai je suis heureuse de rentrer à Paris car ça fait bientôt 9 jours que je suis coupée d’Internet et donc d’environ 85% de ma vie, mais FORCÉMENT, comparer « retour à Paris » avec ce coucher de soleil idyllique, FORCÉMENT je viens greffer une émotion négative sur « retour à Paris ».

Mais je fais ça combien de fois par jour exactement?? C’est-à-dire :

  • Ne pas apprécier le moment présent
  • Me projet dans futur lointain (vraiment, 24h quand il me reste 2 plongées sur 3 à faire, c’est : LOIN.)
  • Amarrer une émotion négative à cette projection

À vue de nez, je dirais que je fais ça… En permanence. mdr.

¯\_(ツ)_/¯

Excellent. Surtout ne change rien, c’est par-fait!!! (J’adore être sarcastique envers moi-même. Ça me permet de dédramatiser ma propre bêtise).

J’ai passé tout un été à utiliser ma formation de plongeuse pour en faire une formation de management. Cool. Il y a d’autres leçons à tirer de la plongée pour ma vie quotidienne.

Le lestage : si tu prends trop de poids, tu coules

En plongée, pour s’immerger, il faut se lester. Le nombre de poids qu’on prend dépend de son expérience (donc de son aisance, de sa stabilité au fond de l’eau), mais aussi de sa densité (densité naturelle (celle du corps), épaisseur de la combinaison, flottabilité du matériel qu’on embarque, etc).

Débutante, j’avais 5kg à la ceinture. Aujourd’hui, à conditions égales, j’en suis à 3.

Dans la vie, je suis plus expérimentée qu’il y a quelques années. Je suis capable d’assumer plus de responsabilités, d’assumer une plus grande charge de travail qu’il y a quelques années. Mais ça ne veut pas dire que je peux continuer à me charger progressivement.

Tout comme je ne serai jamais à 0kg de lestage, à conditions égales.

Pourtant, au quotidien, je continue de m’ajouter des tâches, des missions, des objectifs, des responsabilités, comme si ma capacité d’assimilation était infinie.

Leçon n°1 : know the weight you can carry. Si tu prends trop, tu coules. Tout simplement.

Le profil de plongée : si tu prévois trop ambitieux, tu étouffes

Une plongée, ça se planifie. Tu sais pour quelle durée et quelle profondeur max tu pars, tu anticipes ton itinéraire, et tu t’équipes en conséquence.

Voici ce qui ne peut pas arriver en plongée : continuer de s’enfoncer, de mètre en mètre, parce que, tu comprends, « il faut bien y aller ».

Si tu ne respectes pas ton profil de plongée, si tu pars plus ambitieuse que tes ressources ne le permettent (c’est-à-dire : ton air!!), tu vas au devant de sérieuses déconvenues. (Comme par exemple : la mort!!! Excellent délire).

Qu’est-ce qui me prend de blinder 2 jours de taf dans une seule journée, et qu’est-ce qui me pousse à croire que « nan mais ça va passer » ? J’ai déjà réussi à faire « une troisième après-midi » comme je les appelle, de 20h à minuit ?

Oui j’y arrive mais je tape dans la réserve, et on ne doit pas y toucher, elle ne doit servir qu’en cas d’urgence, justement. Je me fous toute seule dans le rouge en ne respectant pas cette règle élémentaire : les ressources d’urgence sont réservées aux urgences. Pas aux « mais dans 3 jours c’est le week-end alors j’aurais le temps de récupérer ». Ne marche pas mieux avec « mais dans 3 semaines j’ai une semaine de vacances alors jpeux dormir 4h par nuit, on est large ».

Je sais pourquoi je fais ça : je suis ambitieuse. J’ai l’impression de manquer d’ambition lorsque je ne remplis pas mon agenda au taquet de la réserve. Comme si je ne respectais pas les opportunités que m’offrent ma position, le moment.

Mais c’est aussi pété que de vouloir sucer les dernières lampées d’air au fond de la bouteille, au motif que l’océan est trop vaste pour se limiter seulement à 34 minutes de plongée.

Oui ben minute, on remonte, on recharge et on revient. ON RECHARGE. C’est en ne prenant pas le temps de recharger convenablement, en sous-estimant les ressources nécessaires que je ne respecte pas les opportunités qui me sont offertes.

Leçon n°2 : know the fuel you can burn. Si tu ne recharges pas, tu crames. Tout simplement.

Focus sur ce que tu es en train de faire

Une autre magie de la plongée : sous l’eau, je ne pense à rien d’autre. J’ai connu si peu de situations dans ma vie, capables d’absorber toute mon attention sans qu’elle ne se divise.

Mais sous l’eau, impossible de penser à mon agenda qui se remplit à vue d’oeil, y compris en mon absence. Impossible d’anticiper les problèmes que je vois poindre dans les semaines à venir, les challenges qui m’attendent, les noeuds que je n’ai pas encore attaqués et qui auront encore empiré en mon absence.

Sous l’eau, il n’y a que : sous l’eau. Ce qu’il se passe devant mes yeux, le froid, les mouvements gracieux des poissons, le froid, la lumière bleue, la danse des algues, le froid, les rayons du soleil, le froid. Le bleu. Et moi, en apesanteur.

Ok, ça ne m’est pas naturel, mais j’en suis capable. Si je dois déployer des efforts dans les semaines à venir, essayons celui-ci : focus sur ce que tu es en train de faire.

Arrête d’anticiper, et surtout, arrête d’anticiper le négatif. Ça ne veut pas dire d’oublier les risques, ça veut dire : n’anticipe pas le pénible.

J’ai plus de 110 plongées au compteur, et jamais, pas une seule fois au cours d’une plongée, n’ai-je pensé : « ah trop relou quand il faudra laver-ramener-ranger le matériel tout à l’heure, au retour du bateau ».

Jamais.

Leçon n°3 : stand still to stand strong. Si tu penches toujours vers l’avant, tu perds l’équilibre.

Ne pas se laisser submerger : c’est ta décision

C’est pas toujours une partie de plaisir. Engoncée dans le néoprène rendu brûlant par le soleil, strappée aux douze kilos du scaphandre autonome, lestée de plomb, je suis tout sauf à l’aise. Le kif n’est pas présent.

Mais je sais pourquoi j’endure le calvaire de la préparation et du transport du matériel. Ce pourquoi donne du sens à la pénibilité, et la transforme en nécessité. Ce n’est pas une pénitence, c’est une étape.

Ma première fois, j’ai cru que j’allais couler direct dès la mise à l’eau. Forcément, je pesais une demi-tonne avec tout ce barda.

Sauf que non, tu ne coules pas. Cf la densité, Archimède, et caetera. Pour s’immerger, il faut faire un effort. Ce n’est pas naturel, et même complètement équipée pour plonger, l’immersion n’est pas automatique : elle se provoque.

Et voilà où je veux en venir. Comment je fais pour ne pas me laisser submerger ? C’est assez facile : tu décides de ne pas te laisser submerger. On n’est pas fait pour couler, tu sais. Naturellement, tu flottes. Quand tu coules, c’est que tu t’es coulée toute seule comme une grande.

Les voisins passent à ce moment précis « Je marche seul » à toute blinde, et je me rappelle à quel point j’aime les chansons de Goldman. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai pris le temps de hurler du Goldman à tue-tête toute seule chez moi. Je me demande s’il y a des soirées karaoké à Paris où ils passent du Goldman.

« Je m’en fous de tout, de ces chaînes qui pendent à mon cou,
J’m’enfuis, j’oublis,
Je m’offre une parenthèse, un sursis »

Ils enchaînent avec « Je te donne », l’une de mes chansons préférées au monde.

« Je te donne ce que j’ai, ce que je vaux ».

Oui, je donne beaucoup, je reçois beaucoup aussi. Mais je ne ME donne pas assez au quotidien, et je n’apprécie pas assez ce que je reçois.

Leçon n°4 : Don’t go under. Breathe in to stay afloat. Si tu arrêtes de respirer, tu coules. Si tu décides de couler, tu coules.

Des « Bonne Idée » à se remémorer

Ces neuf jours de vacances auront à peine suffi à me sortir du rouge. J’ai tellement l’habitude d’être au taquet de la réserve que j’avais même pas senti que j’y étais depuis des semaines déjà.

Il me faudra encore le week-end prochain pour revenir dans le vert. Mais je suis contente de m’être octroyé ces 9 neufs jours avant l’été, ça me donne donc tout l’été pour mettre en place ces excellentes leçons, dans le but de ne plus me laisser submerger.

(« Bonne idée », qui est clairement ma JJG pref, ex-aequo avec « Si j’étais né en 17 à Leidenstadt »).

« Bonnes idées » pour la semaine à venir :

  • ne pas reporter « tout ce qui ne rentre pas dans la semaine » sur le week-end (garder le week-end pour le kif, pas pour les nécessités).
  • ne pas reporter mes rendez-vous médicaux/bien-être au motif que « cette semaine, ça va être tendu ». Oui et ce sera d’autant plus tendu si je repousse ce qui est censé me faire du bien et me soulager. Duh.
  • ne pas planifier 3 demi-journées de travail sur une seule journée de travail. (On dirait de la logique élémentaire, n’est-ce pas)
  • solliciter de l’aide lorsque je me sens submergée.

Tu sais, comme en plongée, quand tu manques d’air. Combien de temps tu crois que t’attends avant d’appeler à l’aide ? Indice : vraiment pas longtemps!!!

Fais pareil à la surface, pour voir.

« Et puis y a toi qui débarque en ouvrant grand mes rideaux,
Et des flots de couleurs éclatent, et le beau semble bien plus beau,
Et rien vraiment ne change, mais tout est différent,
Comme ces festins qu’on mange seul ou en les partageant »

* * * * *

J’ai fini ma dernière relecture. Les voisins passent « place des Grands Hommes », mais je te propose qu’on se donne plutôt rendez-vous dans dix semaines.

Parce que dix ans, c’est trop loin. C’est maintenant que j’ai envie d’aller mieux, pas dans le futur.

(Ah bah tu vois quand tu veux!!)

No time like the present.

* * * * *

Je me suis interrompue pour faire ma méditation du jour, parce que j’en avais envie, et tant pis si j’avais pas fini d’écrire ce billet. Résultat : la Terre ne s’est pas arrêté de tourner (fou!!). Mais aussi : les clins d’oeil de l’univers…

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Ton temps ici est compté, donc savoure-le. Et quoiqu’il arrive : ne le subis pas, sinon tu en crèveras.

« Je marche seul
Quand ma vie déraisonne
Quand l’envie m’abandonne
Je marche seul
Pour me noyer d’ailleurs
Je marche seul
Dans les rues qui se donnent.
Et la nuit me pardonne, je marche seul.
En oubliant les heures.
Je marche seul.
Sans témoin, sans personne.
Que mes pas qui résonnent, je marche seul.
Acteur et voyeur.
Je marche seul.
Dans les rues qui se donnent.
Et la nuit me pardonne.
Je marche seul.
En oubliant les heures.
Je marche seul.
Sans témoin, sans personne. »

Écoute le silence, et réponds quand la peur te parle

Oui, je t’écoute, pas la peine de crier. Ce n’est plus la peine de crier. Je t’entends. Et mieux : je t’écoute.

Je croyais n’avoir aucune peur parce que je n’avais peur de rien, mais c’était tout le contraire : j’ai énormément de peurs, c’est juste que je les ignorais.

Ma peur a ressurgi au fond de cette calanque, que je connais pourtant. Ce décor familier devenait le théâtre d’une nouveauté déconcertante: ma première plongée depuis ma dernière plongée. La peur s’est invitée aux retrouvailles.

Penser à tout, cette tannée. Ne rien oublier, cette angoisse.

Et si je monte mal mon matos, j’ai oublié comment on sangle la bouteille. Et si je zappe une vérification essentielle ? Ça fait tellement longtemps. Ça s’oublie pas, car les réflexes sont toujours là, mais comment sais-tu que tu peux faire confiance à des gestes dont tu as oublié le sens ?

Pourquoi je tire sur cette sangle ? De quoi d’autre ai-je besoin ? J’ai déjà fait marcher ce parachute ? Je sais le faire ? Vraiment ?

Il n’y a pas si longtemps, j’aurais été aveugle et sourde à ces inquiétudes, à ce doute, à ma peur et tous ses avatars. J’aurais mis mon souffle court sur le compte de l’excitation, mes boyaux un peu trop mouvementés sur celui d’un repas trop riche et mal digéré. J’aurais trouvé mille excuses et le double d’explications à mon état perturbé.

Mais j’ai travaillé sur moi, sur ma peur. Maintenant, je l’entends lorsqu’elle arrive, même très discrètement. J’ai peur d’avoir oublié les gestes essentiels. J’ai peur d’avoir perdu ma technique. J’ai peur du bateau putain, surtout quand la houle est forte et que le zodiac décroche sans prévenir par moments.

Les habitudes qui sauvent

J’entends ma peur, et donc j’entends tout ce qu’elle cherche à me dire. Justine Dupont a tellement raison : « La peur est un repère, elle nous aide et nous protège ».

Alors, je cherche en moi les réponses à cette information. Je me souviens des gestes et je leur fais confiance : ce sont mes habitudes qui sauvent, elles sont toujours en place.

Le bateau tangue fortement, mais si je respire bien profondément, que je garde la tête haute et le regard droit devant, que j’assouplis mes appuis, que je veille à ne pas crisper tous mes membres et à partir en apnée de panique, alors ça va beaucoup mieux. Je me sens plus sereine.

J’aime pas le putain de bateau quand ça tangue. Mais j’en ai moins peur. La nuance est de taille.

J’ai peur que le matos me lâche, même si je l’ai vérifié. Et devine quoi ? Mon ordi m’a lâchée. Sans doute la batterie. J’ai sans doute mal interprété ses warnings.

Je suis sous l’eau, j’ai plus d’ordi. Le pire truc. Tu sais, quand t’es lâchée par LE pilier, quand LE truc dont tu as le plus besoin te fait défaut.

Tu fais quoi ? Tu paniques ? Tu t’énerves ? Tu pleures ?

Ou alors… Tu t’écoutes.

Gérer l’urgent et l’important sous pression

La première pensée à émerger du triage qui s’opère désormais au sein de mon bide et de ma tête, maintenant que je sais détacher la peur qui polluait les ondes, c’est : respire.

C’est toujours la base, c’est toujours un bon conseil, c’est toujours la première étape vers la solution : respire. Tant que je peux respirer, ça va. Point. Les jours où je me prive d’une respiration sont ceux que je me plombe toute seule.

Je respire. Ensuite ?

Je ne suis pas seule. Fou, mais même quand les autres font partie du problème, ils font aussi partie de la solution. Je ne sais pas communiquer mon besoin, mais je sais qu’on partage le même : avoir un profil de plongée sécurisé.

Je reste près de mon binôme et de notre guide, et un peu au-dessus d’eux. Comme ça, je m’assure d’avoir un profil de plongée au plus proche du leur — et nous ne sommes pas partis pour une plongée profonde, on ne part pas dans des paliers.

Je m’appuie sur les autres. Ensuite ?

Ensuite, j’écoute : tout ce que je n’entendais pas lorsque je me reposais sur l’ordinateur pour répondre à mes questions. L’indication de la profondeur m’est donnée en continu par mes tympans. Ils crissent lorsque je descends, ils craquèlent lorsque je monte. Ils m’alertent des plus subtiles variations de pression. C’est qu’elle est fragile, cette membrane.

L’indication du temps m’est donnée par le manomètre : c’est l’air qu’il me reste à respirer, dans la bouteille. Tic tac tic tac. À 100 bars il faut faire demi-tour. Le premier qui arrive à mi-pression donne le signal aux autres. Le temps qu’on passe sous l’eau est conditionné par le volume d’air qu’on respire.

Mes sensations de plongée sont revenues en quelques minutes. La peur, le stress, l’inconfort de cette combi de néoprène (qui ne m’avait décidément pas manqué), toutes ces épreuves me faisaient appréhender, douter, redouter.

Les premières minutes sont une véritable mise à l’épreuve : le froid, le poids, le bruit, l’oppression, l’obscurité, le sel dans les yeux, et ce scaphandre qui m’écrase, me coule, me domine tant que je ne prends pas le pouvoir sur ma respiration et le contrôle de mes mouvements.

C’est dur putain, c’est toujours dur, c’est toujours pénible, c’est toujours une tannée de se préparer à cet exercice. C’est toujours flippant, inconfortable, c’est toujours désagréable… Puis ça devient un kif, quand je me rappelle pourquoi j’endure tout ça, pourquoi j’y reviens, pourquoi je persévère, pourquoi j’affronte mes peurs.

C’est toujours un kif de respirer dans cet environnement hostile : je me sens comme un voleur qui mettrait la main sur les joyaux de la couronne. C’est impossible ? Regarde-moi respirer dans ce monde bâti pour me tuer.

C’est toujours un kif d’oublier la gravité, de lâcher prise, de s’élever à la force de ses poumons, de s’enfoncer par la relaxation des membres et l’immobilité.

C’est toujours un kif de s’inviter dans un musée vivant, où les créatures t’ignorent et t’honorent de leur indifférence. Enfin un règne animal qui ne me craint pas, qui ne se soumet pas, mais qui m’accepte avec détachement, curiosité, et beaucoup de dédain. Je suis un animal étrange et gauche, eux sont les maîtres de ce territoire où je ne fais que passer, le temps d’une respiration.

J’aime toujours autant les bancs de castagnoles, qui virevoltent dans le bleu comme un nuage d’hirondelles en slow motion. J’aime toujours autant la sensation d’être engloutie par le froid, dans une bulle de cristal qui éclate si je bouge.

J’aime toujours autant tout ça, avec un peu de peur, dont je ne me débarrasserai pas. Comme une pointe de piment, elle relève le plaisir, au bord du gouffre que je surplombe en volant.

J’aime toujours autant ce silence oppressant, et la solitude de ce moment affranchi de la gravité et du temps terrestre.

D. 60 Tu crois que maigrir, c’est trahir ?

Je m’étais pas vue de plain-pied depuis mon départ. Les miroirs sont rares, petits, accrochés trop haut, bref, si j’avais accès au reflet de mon visage pendant mon séjour à Bira, impossible de me voir sous la poitrine.

D’où parfois des surprises en découvrant des bleus, des écorchures, parce que v’là la vie à bord d’un bateau. Et je ne parle pas des piqûres et morsures diverses, infligées par des animaux inconnus.

J’ai eu un mini-choc, quand même, en me découvrant dans le miroir mural de mon hôtel. Alors, je crois que j’ai perdu du poids. Mais genre pas mal, quoi. Au niveau du ventre je le vois pas, parce que les proportions ont l’air d’être toujours les mêmes, mais mon tour de cuisses et de hanches a diminué, et surtout, le haut du corps ptin…

Les clavicules, j’aperçois même des côtes, de face et sur les côtés… Même le trait de la mâchoire ressort vachement. C’est assez unique de réussir à voir le changement aussi nettement, parce qu’on se voit tellement souvent dans les reflets, dans les miroirs, qu’on intègre les micro-transformations au fur et à mesure. Il faut comparer des photos d’une année sur l’autre pour vraiment trouver la différence flagrante, en tout cas pour moi : je n’ai jamais « vu » mes différentes oscillations de poids/morphologies dans un miroir.

Là, ça m’a surprise, mais ça n’aurait pas dû, au fond. Ces dernières semaines, même si je ne voyais pas le changement, je le ressentais. De ouf. Au début du stage, je n’arrivais pas à porter les bouteilles d’air à une main, je n’arrivais pas à mettre et enlever le bloc toute seule, ni d’ailleurs à sortir du bateau avec le bloc sur le dos : il fallait monter une marche, et je n’avais pas assez de puissance dans mes jambes pour me hisser aussi haut.

Fin du stage, évidemment, tout ceci était devenu possible. J’ai des bleus assez moches au bras droit, là où je laissais glisser la stab’ de mon dos vers le sol, mais j’arrivais désormais à réaliser des gestes qui m’étaient inaccessibles auparavant : je n’avais tout simplement pas les capacités physiques pour.

Où l’on reparle des croyances limitantes…

Ma première pensée, en me voyant dans le miroir, c’était :

« Ah mais pourtant j’ai rien fait pour ! J’ai pas fait exprès ! »

Ah mais sérieux meuf ? Tu t’excuses d’avoir maigri ? Genre tant que « t’as rien fait pour » alors ça passe ? Parce que sinon, c’était une trahison du féminisme, c’est ça ? C’était de l’hypocrisie envers toutes les filles à qui t’as déjà conseillé de « nique tes complexes », c’est ça ?

Mais dans quel univers se faire du bien serait une trahison de quoi que ce soit ? Ce serait pas ENCORE une saloperie de croyance limitante que tu t’es/ qu’on t’a mise dans la tête, hmmm ?

Probablement oui. Parce que le problème avec la recherche de la maigreur/minceur, c’est :

1. Les moyens
2. Les objectifs

Si ton objectif, c’est d’être « beach body ready » selon des standards complexants et sexistes, tu fais fausse route. Si les moyens que tu mets en oeuvre pour atteindre l’objectif « minceur » sont : un régime nocif (ou une alimentation insuffisante) et « se faire violence » à tous les sens du terme, là encore, tu vas droit à la catastrophe. Moyens nocifs pour objectifs toxiques, voilà la recette du désastre.

Mais si ton objectif c’est de réussir à ouvrir les pots de cornichons, à porter tes courses sur 3 étages sans rendre un poumon, à pouvoir courir un 10 km de temps en temps sans te claquer tous les tendons, voire poursuivre une passion sportive sans finir en lambeaux à la fin de la saison, ALORS peut-être que de secouer un peu de gras et refiler la place dégagée aux muscles est tout sauf une mauvaise idée.

Si ton objectif est sain, et que les moyens que tu vas mettre en oeuvre le sont aussi, alors « perdre du poids » n’est plus un mauvais exutoire à complexes empoisonnés, mais bien un moyen, voire une finalité d’atteindre un état de santé physique confortable.

J’ai un peu hâte de me peser quand même : je suis persuadée que l’aiguille n’aura pas bougé d’un kilo, parce que j’ai fait pas mal de muscle cet été. Donc on devrait rester sur un indice d’IMC constant, qui me place « en surpoids », preuve supplémentaire s’il en fallait que cet indicateur est du bullshit en barres.

Fun fact : mon sac faisait 14kg au départ, et me taillait les épaules tellement je le trouvais lourd, surtout au bout de dix-quinze minutes.

Désormais, il pèse 16-17kg (pesé au départ de Makassar), et guess what? Je le porte pratiquement sans effort. Beaucoup moins d’effort qu’à l’aller.

Bordel, j’ai l’impression d’être Peter Parker s’étant réveillé avec une force surhumaine. Bien sûr que je vais continuer à me muscler, maintenant que j’ai pu goûter aux bénéfices d’une amélioration physique tangible, there’s no going back!

Et en parallèle, je continue la chasse aux croyances limitantes qui ont pris racine dans mon esprit, et je tâche de désherber tout ça fissa.

Oh, et by the way: je prends l’avion dans six heures.

D. 59 Long Story Short…

Quelques « fun facts », hashtag Summer 2016.

J’ai passé 2 mois à me laver sans eau chaude, et même plusieurs jours sans douche, juste avec un bac d’eau et un seau. Et je pensais que ça me manquerait plus que ça, à vrai dire (Ok il fait 30 degrés, mais quand tu sors de plongée à 16h, t’as FROID. Et va pas me dire que c’est facile de prendre une douche VRAIMENT FROIDE le matin au saut du lit, hein. Vers 6h-7h du mat’ il fait pas 30°C…)

J’ai passé 2 mois en pyjama (tranquille, j’avais juste emmené un pantalon de trek, et j’ai fait qu’un seul trek de 2h, et de toute façon, ce pantalon est devenu beaucoup trop grand).

Je suis partie à l’arrache, en improvisant mon voyage jour après jours, surtout à Flores.

J’ai fait des rencontres précieuses, et vécu des moments vraiment uniques.

J’ai appris des rudiments d’indonésien, assez pour commander à manger, expliquer ce que Je mange ou non (pas d’animaux, pas de sucre dans mes jus, pas de lait ni de fromage, bof les oeufs merci)

Je me suis déplacée en scooter, en passagère sur des scooters conduits par d’autres gens, soit environ la peur de ma vie au carré.

J’ai appris à négocier. À réfléchir à un prix avant de le demander, et à le négocier, quitte à renoncer.

J’ai dormi dans des endroits qui ne ferment pas à clé, qui ne ferment pas tout court d’ailleurs, où des animaux plus ou moins gros s’invitaient parfois UN PEU TROP PRÈS.

J’ai encadré des plongeurs, pris le lead, du briefing à la remontée sur le bateau.

J’ai briefé des novices et assisté à des baptêmes de plongée, et ça c’était sans doute l’une des expériences les plus spéciales de cet été, pour moi. Mon baptême m’a laissé un tel souvenir, que de devenir celle qui participe à l’initiation d’autres curieux•ses était vraiment une étape significative. Et émouvante pour moi !

Bordel, j’étais À KOMODO !!! Et même si j’ai pas plongé, je me souviens des dimanches après midi passés à regarder des documentaires sur ce genre de paradis naturels, à rêver d’y aller un jour. Je revois la gamine fascinée par ces monstres terrestres et marins, ces paysages colorés, se promettre au fond d’elle : « un jour, j’irai là ». Komodo bordel. Non seulement j’y étais, mais j’y reviendrai pour plonger ! Donc en fait je peux carrément écrire : j’ai réalisé un rêve de gosse !

J’ai tenu un budget (genre, vraiment !!!)

J’ai assimilé 600 pages de cours théoriques

Je suis devenue Divemaster PADI. 

J’ai arrêté d’être nulle en maths

J’ai lu 4 tomes d’Outlander (je te remercie pas Diana Gabaldon) (mais en fait si, parce que c’était chouette à lire, et ça m’a remotivée à écrire).

J’ai pas bu une goutte d’alcool tout en prenant des apéros et en faisant des restos très souvent…

J’ai écrit 4 Carnets de Sobriété pour mad, et d’autres articles à la volée

J’ai écris 62 billets de blog, and counting (il manque deux jours, quand j’étais malade sur la croisière, les jours 8 et 9. Mais j’ai écrit -1, -2 et -3…)

J’ai posé un point final à mon premier roman (disons la version « chasse à l’éditeur », en espérant en trouver un•e qui m’aidera à retravailler encore cette version) (ou me dire banco-j’achète, hein, je suis pas difficile).

J’ai fais des choix et des plans pour l’avenir, et j’ai commencé à bosser dessus.

Non, j’ai vraiment pas perdu mon été.

Et j’ai vraiment hâte de rentrer.
🙂

D. 58 L’autre ciel, plus dense que le velours et plus doux que la soie

J’ai toujours aimé l’odeur de la mer, tout en étant terrifiée par son étendue. Elle incarnait pour moi l’angoisse de l’inconnu, je pense. Face à elle, tu vois loin, jusqu’à l’horizon, et pourtant tu vois rien : en-dessous de la surface tout est un mystère. Pour de vrai, en plus.

L’Homme sait explorer l’Univers aux confins de la Galaxie par toute une tripotée d’instruments, mais on est toujours au moins aussi ignorants de ce qu’il se passe à des années lumières de la Terre, qu’à quelques kilomètres de fond entre deux continents.

L’activité humaine, entre pollution et surpêche, est en train de bouleverser l’équilibre d’écosystèmes dont on ignore encore l’existence. Les espèces marines meurent et disparaissent plus vite qu’on ne les découvre. La chaîne alimentaire aquatique se casse la gueule à mesure que la pêche intensive en pulvérise des maillons entiers. Les déchets de nos élevages intensifs charrient des polluants mortels pour la faune et la flore sous-marine.

J’ai toujours eu peur de la mer, mais c’est elle qui devrait avoir peur de nous.

J’avais arrêté d’acheter des fruits de mer ou du poisson avant de mettre la tête sous l’eau pour la première fois. Avant de découvrir la richesse, la majesté, la grâce, la beauté de cette environnement. Que dis-je, d’une infinitésimale fraction de cet environnement seulement.

J’ai effectué 109 plongées. Passé plus de soixante heures sous l’eau. Vécu des rencontres émouvantes, intrigantes, impressionnantes, excitantes… De l’extraordinairement petit (un hippocampe pygmée, moins de 5 millimètres), à l’incroyablement grand (une raie manta).

Et j’ai encore rien vu.

Sunset above the clouds

Lorsque mon avion a percé la couche de nuages, le soleil éclairait encore la voûte céleste, peignant un bandeau rose fluorescent par-dessus l’horizon.

La lumière descendante jetait un voile irisée sur la soie des nuages, et le velours de la mer, quelques kilomètres plus bas.

Voilà, ça y est, j’ai obtenu un niveau de plongée « pro », une étape seulement, comme une licence pour aller explorer toujours plus, toujours plus loin… Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’il restera à explorer d’ici quelques années.

Déjà, la différence est flippante entre les eaux ouvertes à la pêche et aux loisirs, versus les espaces protégés, les réserves marines. C’est bien simple, hors réserve, on ne voit pas de « gros » (pêchés, ou barrés vu qu’on pêche leurs proies). Il n’y a pas de « moyen » non plus (pêchés, barrés ou décimés par la pollution). On ne voit que du « petit », de l’anémone, de l’éponge, du petit crustacé, mais eux aussi souffrent de la pollution et disparaissent.

C’est marrant, parce que je m’étais toujours dit que je ne serais probablement pas végane si je n’habitais pas à Paris. Je consommerais du local si je vivais dans un îlot perdu, au bord d’une plage, au fin fond de l’Indonésie.

Sauf que le fin fond de l’Indonésie, j’en reviens. Et que même « manger local » augmente la demande, donc la pression sur les pêcheurs locaux, donc sur l’environnement. Donc en fait, c’est toujours non. Je ne sais pas quand est-ce qu’on finira par collectivement s’y résoudre, l’océan n’est pas notre garde-manger, c’est notre réserve d’oxygène, et le problème c’est qu’il ne peut pas continuer à assouvir ses deux fonctions en même temps.

C’est soit l’un, soit l’autre, à terme. Tu préfères : manger ou respirer ? Y a pas de piège…

Ma rencontre avec les tortues

C’était fascinant, et en même temps, j’ai eu un vrai choc en côtoyant les tortues de mer. Elles sont vraiment magnifiques. Il y a quelque chose de profondément surréaliste à voir des animaux aussi gros flotter sans effort. Ils vivent dans un autre monde, où la gravité n’a pas de prise.

Mais ils sont soudain rappelés au nôtre lorsqu’ils suffoquent en avalant des sacs en plastique, ou qu’ils se prennent au piège de filet dérivants.

J’ai vu ça de mes propres yeux. Des filets que même moi, avec mes yeux d’humain bien protégés à l’air de mon masque, je distingue à peine, malgré l’effet loupe.

J’ai scruté le bleu en plissant les yeux, persuadée d’apercevoir une méduse irisée, un calmar translucide, un animal marin non identifié batifoler à quelques mètres… C’était un sac en plastique. À chaque fois.

Décider et agir

Alors voilà. Tu prends les tortues, les filets, les sacs plastiques, et tu les additionnes. On serait choqués de donner de la mort au rat à des chats, pourquoi on ne s’émeut pas du fait qu’on approvisionne les tortues en sacs étouffoirs ?

Encore des questions que je ne peux pas poser, que je ne peux pas écrire, parce que c’est culpabilisant, n’est-ce pas. Moi je crois que c’est responsabilisant, et que c’est ça qui fait mal. Parce qu’on ne peut plus ignorer que notre utilisation abusive et fainéante du plastique nuit gravement, et directement à la faune océanique. (Je parle même pas de manger de la soupe de tortue, parce qu’après avoir nagé avec les bestioles, je sais pas, elles imposent tellement de respect et de majesté que finir en soupe, c’est vraiment une honte).

On ne peut plus ignorer non plus qu’on a le pouvoir de changer tout ça. C’est extrêmement facile. On a juste besoin de le décider, de le faire, et d’ajouter au nombre. C’est aussi simple, et compliqué que ça : décider et agir.

Dommage collatéral de mon voyage, je songe sérieusement à militer pour Sea Shepherd (mais je suis moyennement chaude à l’idée d’être fichée « éco-terroriste » aux RG pour la décennie à venir… Donc bof).

De la responsabilité…

J’avais commencé à écrire ce billet hier soir, et j’avais pas prévu de lui donner un tournant aussi pessimiste. Mais en fait, je sais pourquoi j’ai fait ça. Entre temps, depuis l’atterrissage, j’ai fait un tour dans Kuta, passé du temps à feuilleter les cartes des resto. Boeuf, porc, poulet, poisson, crevettes… Déclinés à toutes les sauces.

Oh, y a bien quelques plats végétariens, mais ils sont relégués en fin de carte. On peut bien sûr obtenir un curry sur demande, hein. Mais faut demander. Ce n’est pas proposé.

Boeuf, porc, poulet, poisson, crevettes… Multiplié par combien de resto ? Par combien de touristes ? Par combien de repas ? C’est pour les touristes, tout ça. Les locaux mangent beaucoup moins de viande, et alternent pas mal avec le tofu et le tempeh.

Et donc, vous croyez que tous ces boeufs poussent à Bali ? Que tout ce commerce n’a aucune incidence sur la population et l’environnement, dans un pays qui peine à organiser la collecte de ses déchets (je ne parle pas de tri, hein. Je parle de COLLECTE. Du fait qu’il n’y a pas de poubelles dans les rues, ou plutôt, que les bords de rues deviennent des poubelles par endroits…)

On est en train de détruire des paradis à coups de fourchette. Qu’on se le dise. C’est pas pour se culpabiliser, j’en ai rien à secouer de nos états d’âme. C’est pour nous responsabiliser.

Qu’on arrête enfin de se convaincre que « poulet ou poisson » c’est notre choix, comme s’il n’impactait que notre taux de cholestérol.

Ça va au-delà de l’empathie pour l’animal ou l’être humain, et ça va bientôt devenir une question de survie, pour nous tous.

Une fois au pied du mur, est-ce qu’on attendra encore une loi, ou que « les autres » fassent le premier pas ?

Here we go again…

C’est fou, j’étais persuadée que ce voyage me ferait lâcher du leste sur le véganisme. C’était ma grande réserve, à ce sujet : n’est-ce pas là un régime de petit bourgeois, au fond ? Est-ce que les populations moins aisées n’ont pas d’autres préoccupations que celle de l’éthique alimentaire et la sauvegarde de l’environnement ?

Eh bien non, figurez-vous. Les populations moins aisées sont d’autant plus vulnérables à la tension qui pèse sur les ressources naturelles. Nos fruits de mer sont contaminés par la hausse de température et l’apparition de micro-organismes nocifs ? Oh bah. Ça râle, mais on se rabattra sur le foie gras à Noël.

Sauf qu’il n’y a pas de « plan B » pour les gens qui vivent directement de l’exploitation d’une ressource. Sous nos latitudes, y a toujours quelques subventions publiques, assurances ou aides exceptionnelles pour tenir jusqu’à la saison prochaine.

Mais ici, il n’a pas vraiment pas de « plan B ».

Bref. Encore une mise au point avec moi-même : je peux désormais embrasser le véganisme en toute sérénité, j’ai vu que c’était aussi une nécessité pour les gens que j’imaginais vivre de la pêche ici. Ils en vivent, oui. Nous, on s’en gave. La nuance est de taille.

— Samedi, 3 septembre 2016

D. 57 You can’t miss what you’ve never left behind

I used to cling on to stuff like talismans against the passing of time. Now that I’ve made my peace with time, I understand how my compulsive collection of random objects to save as « memories » was a waste of space and energy.

You cannot lose nor miss what you’ve never left behind.

I am leaving tomorrow, but I will take with me so much of Bira, so much of this summer that no matter how much time passes by, I’m sure to remember the essential.

Because, how could I forget any of this?

How could I forget that I nearly drowned out of excitement when I spotted the tiny pigmy seahorse that Laura had found, on my very last dive here? Or when I almost forgot to breathe, when we came across one of the most massive turtles I have ever seen, and another one swimming gracefully above and away, while a school of big bumphead parrot fishes passed us by?

There’s no way I could forget that last dive here, not with these massive, unknown fishes that swam right in front to us, to inquire about our presence. We’re still not sure what they were, clearly not tunas nor sharks, even though they shared characteristics with both species. [UPDATE: they were COBIAS omggg]

No way I would forget my first dive here, it was Eagle Rock again, the same site we did this afternoon, again, with Laura. Again, I was scanning the blue, and again, there was too much to see. A gigantic Napoleon Wrass, and especially a school of giant barracudas passed us by.

How could I ever forget the feeling in my chest during our first dive of the day, when my heart skipped a beat as I recognised the unmistakable mouth of a Manta Ray, flying away, a few meters under our fins.

I’ll take a piece of everything, for the rainy days

I’ll take away a piece of everything I love about this place, and store it close to this spot in my heart, where sadness sometimes sinks in. So the next time I’ll be feeling blue, I’ll flood it all with another kind of blue, where I used to fly around magnificent, strange and impressive creatures. All so beautiful and fascinating, that they must belong in my dreams anyway.

I’ll remember the laughters we shared on the boat, the warm tones of Wendy’s australian accent, and the way she called me « Clemo » (and how that nickname stuck the entire summer lol). The way Hannah’s big brown eyes light up when she laughs, the way Laura’s face breaks into a smile, how Charlotte celebrates her most exciting sightings with an enthusiastic « BOOYA! »… And so much more.

I won’t forget all of our smiles, how they shine so much brighter on darker skins. Surti’s laughter across the Rumah Makan, Ismail’s « Hey sister! » and our daily life here, in paradise. All the looks, signs, silences and smiles that made up for our lack of words between English and Bahasa.

I’ll take all of this with me, they’ll get me through the rainy days. Even if sometimes, it rains here too, in paradise; even those days were blessed.

Thank you, the #DreamTeam of Bira Dive Camp, for a summer to remember (entirely spent in my jammies, thus the name of this blog) (see what I did there?!)

I did 44 dives here, seen incredible sights, and I drowned myself many times: into the sky at sunset, through the moon and stars at night, into our laughters, and into pure bliss, every day here, and every night.

Thanks for everything ❤

Until We Meet Again.
🙂

D. 56 Garde les yeux sur la ligne d’arrivée

Au départ, tu transpires de l’énergie par tous les pores. Tous les niveaux sont au vert. La motivation est là, l’envie te donne des ailes comme un vent de large gonflerait les voiles. Les premières foulées te libèrent, l’effort te soulage, t’en avais besoin pour lâcher la pression.

Tu persévères même si ça tire dans les jambes, et ta force nourrit ta motivation. Tu penses à l’arrivée mais elle est loin, et plus ça tire moins tu vas vite, parce qu’il t’en coûte de continuer à ce rythme.

C’est de plus en plus dur, ton corps proteste, t’envoie des signaux de détresse, et toi, tu te demandes ce que tu fais là, parmi les fous qui se font du mal et entretiennent l’illusion que c’est pour leur bien. Tu ne sais plus pourquoi t’as cru que le jeu en valait la chandelle, tu ne vois même plus s’il y a vraiment de la lumière à l’autre bout du tunnel.

Tu te demandes à quoi bon… Pourquoi tout ça ? Pour le challenge ? Arrêtez-tout, qu’est-ce que je fais là ?

Y a plus de motivation, y a plus d’envie, y a même plus de force, t’es au taquet de la réserve et y a bientôt plus d’énergie…

Mais tu repenses à la ligne d’arrivée. À l’objectif qui t’avait amenée à t’aligner au départ, et à te lancer dans la foulée. Elle est loin, tellement loin, mais tellement plus près que quand t’avais commencé. Tu la vois pas, mais tu sais qu’elle est là, et qu’elle se rapproche à chacun de tes pas.

Tu chasses de ton esprit la douleur de l’effort, la fatigue et les velléités d’abandon, et tu y installes au milieu, en grand, en brillant, l’image de la ligne d’arrivée que tu franchis en triomphe.

Alors ton souffle revient, tes muscles trouvent une nouvelle force, et l’envie de continuer dépasse la tentation d’arrêter. Tu crois que t’as retrouvé de l’énergie, mais elle a toujours été là : c’est la motivation que t’avais perdue en route, et que tu viens de récupérer et de regonfler, en gardant les yeux sur la ligne d’arrivée.

« Congratulations, you are now: a Divemaster! »

Quand Laura a prononcé ces mots, j’ai oublié que j’avais froid, que le sel piquait mes écorchures aux orteils, que la piqûre de méduse me brûlait au contact du vinaigre, que mes oreilles bourdonnent encore après la remontée, que je meurs de soif et que j’ai une sacrée dalle.

Deux secondes avant j’aurais tué pour une douche chaude et un plat de pâtes, deux secondes après j’ai oublié tout ça, et je suis au bord des larmes, j’ai les mains qui tremblent et les poumons plein d’un air que je ne me souviens pas avoir inspiré.

J’ai passé la ligne d’arrivée, et je savoure l’euphorie des vainqueurs dans un éclat de rire. Un high-five à l’équipage, et je me suis auto-baptisée d’un plongeon élancé. Je sens plus les plaies, les bleus, le vinaigre sur la piqûre de méduse (enfoirée), je sens plus le froid, le sel, plus rien d’autre que cette profonde satisfaction mêlée de fierté.

#AchievementUnlocked. Et bordel, je suis allée le chercher loin. (Petite pensée à mon prof de sport de 5ème, qui m’a prononcée « nulle en sport ». Je suis désormais une plongeuse « pro », genre c’est un métier, t’as vu. Allez bisou. And Don’t ever fucking tell me what I can’t do)

Débriefing : on refait le match

J’ai énormément appris sur moi-même cet été, mais particulièrement durant ce mois de formation Divemaster.

C’était ma première formation « concrète », parce que ça peut pas s’apprendre dans les bouquins. Bien sûr, il y a une partie théorique, mais c’est juste la base. La réalité du métier s’apprend au quotidien. Et mine de rien, ce que je retiens de ce training intensif est assez facilement transposable à mon quotidien loin des plages. Je m’explique…

Assess the situation

La base du secourisme en plongée (et du secourisme tout court d’ailleurs), c’est d’évaluer la situation AVANT de se ruer sur la victime. Si tu te fais renverser par une voiture ou dégager fissa par un courant, ça fait désormais deux victimes. Donc bof, comme stratégie de rescue, n’est-ce pas.

C’est pas le pire des réflexes à prendre, dans la vie, au taf, lorsque t’es confrontée à un problème : commencer par évaluer la situation, c’est faire un point sur l’objectif, les moyens, les obstacles.

Un bon point de départ pour tout projet, au fond.

Review and adjust your plans

Une plongée, ça se planifie. Où on va, à quelle profondeur, pour combien de temps, combien d’air on se garde en réserve, comment on se met à l’eau et comment on en sort… On ne laisse rien au hasard — on n’a jamais vu des astronautes sortir de la station spatiale en disant « on va se balader, on verra quand/comment on rentre, LOL ». (NOPE).

En milieu hostile, la préparation est la clé. Transposé à ma vie de bureau, ça donne : quand je me lance dans un projet difficile, un temps de préparation et de planification en amont est indispensable.

Mais ça c’est la partie « plans », dont on remarque qu’elle est précédé de « review and adjust ». Parce que le plan c’est la base, le fil d’Ariane, le filet de sécurité, mais c’est pas figé dans le marbre. Ne serait-ce que parce que les circonstances changent, et que : cf 1er point, évaluer la situation…

Réévaluer le plan, c’est avoir la capacité d’adapter sa réponse et sa réaction en temps réel. C’est lâcher prise parfois, utiliser son expérience et son intuition comme des ressources au moins aussi importantes, sinon davantage, que la théorie. La théorie, c’est une base. L’expérience, c’est ce qu’on construit dessus.

Les mouvements parasites ne sont qu’une perte d’énergie

J’en ai vu passer des plongeurs, en un mois. Des débutants, des confirmés, des hésitants, des chevronnés, mais c’est pas toujours à leur niveau de certification ou à leur nombre de plongées que je les repère. C’est à leur position dans l’eau, et à leurs mouvements de bras.

Les plongeurs inexpérimentés moulinent comme pas permis dès qu’ils changent de position ou de direction. Ils crachent des colonnes de bulles assourdissantes. Et forcément, ils siphonnent leur bouteille en moitié moins de temps que les autres.

Les « bons », ceux qui tiennent le plus longtemps sous l’eau, gardent les bras croisés sous la poitrine, ont un rythme de respiration lent, une seconde d’inspiration pour plus de trois consacrées à l’expiration. Ils sont calmes en toutes circonstances sous l’eau et avant d’y aller.

Et ça tu vois, c’est pas la pire des leçons à retenir, au quotidien. Les mouvements parasites ne sont qu’une perte d’énergie. Ce sont tous les mouvements ou toutes les actions qui ne servent à rien, mais ça inclut aussi les émotions et l’état d’esprit.

Tout à l’heure, pendant mon épreuve de « skill demo » (je dois faire des démonstrations de compétences sous l’eau, comme si j’apprenais à quelqu’un à vider son masque, etc), la houle s’est levée et j’ai commencée à être sévèrement ballotée, donc à perdre mon équilibre (alors que j’étais correctement lestée ce coup-ci, sans déconner).

Je me fais balayer une fois, deux fois, ça m’énerve, je sens plusieurs émotions monter en même temps :

  • la peur de l’échec : si j’arrive pas à rester stable, je vais me planter
  • la frustration : mais putain de bordel de merde, j’peux avoir CINQ MINUTES DE CALME SVP?

…Et je me suis rappelée que ni la peur de l’échec, ni la frustration n’étaient des réactions productives. Que la seule conséquence de ces sensations, c’était d’augmenter ma fréquence respiratoire, DONC de me déséquilibrer encore plus.

Je souffle. En plus, souffler, ça calme (et ça marche aussi à la surface, by the way). Je souffle encore. Je me déplace pour offrir moins de prise au courant (ie : je m’adapte aux conditions extérieures au lieu de pester contre elles). Je souffle. Oh ben magique je suis stabilisée.

Magique, ou logique, en fait : quand tu élimines les mouvements parasites, il te reste bien plus d’énergie pour l’essentiel.

Stay calm, never panic

Une panique en plongée, c’est un accident imminent. C’est un plongeur qui arrache son détendeur, parce que son cerveau lui crie qu’il respirera mieux sans.

Alors quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe, on ne panique pas. On respire. Au pire, on s’arrête, on bouge plus, on respire, et on signale qu’on a un problème.

Si on arrive à l’expliquer, rendez-vous au point suivant. Si on n’arrive pas, les autres nous sortent de là, et on discute ensuite.

C’est plutôt une bonne stratégie de gestion de la pression qui te dépasse, je trouve. Tu sais plus quoi faire, t’es paralysée, et tu sens la panique monter ? Stop. On respire. On appelle à l’aide. Et met un terme à la situation de stress. Que ce soit de suspendre un projet, provisoirement ou définitivement, décaler une deadline, y a jamais aucune situation qui justifie d’être physiquement en souffrance.

Si je sais gérer une panique par 30 mètres de fond, je sais gérer une panique à la surface, quand je suis capable de communiquer avec la personne autrement qu’à travers trois signes de la main droite.

Problem solving skills

La résolution de problèmes est sans doute l’apprentissage qui m’a le plus surpris, et appris sur moi-même. On ne peut rien faire sous l’eau quand on s’énerve, quand on est mal à l’aise, quand on est en souffrance, quand on n’est pas concentré.

C’est simple : on se stabilise en utilisant notamment ses poumons. Donc quand tu bloques ta respiration (à ne jamais faire), quand tu respires plus fort ou plus vite, tu te déséquilibres. Ce qui complique immédiatement toute tentative de quoi que ce soit.

Un autre test que j’ai eu à passer, était d’échanger tout mon équipement avec ma partenaire, incluant : masque, le gilet + bouteille et les palmes, tout en se partageant un seul détendeur pour deux.

Bon alors. Sous l’eau, on peut pas parler. Même en utilisant l’octopus, le tuyau est pas long, donc on est très proches l’une de l’autre. Et faut se passer le détendeur, et ne pas retenir sa respiration quand on l’a pas, donc expirer en continu. Et bien sûr, on se retrouve avec un équipement qui n’est pas le sien ensuite… Donc en gros :

  • ne pas paniquer et bloquer sa respiration
  • ne pas paniquer et ne pas prendre une inspiration d’eau !!!
  • ne pas paniquer et s’emmêler dans l’équipement
  • ne surtout pas paniquer quand tu te retrouves sans masque ET sans détendeur
  • ne pas paniquer quand tu dois remettre un masque sans détendeur

On n’échange pas la ceinture de plomb. Voilà, on avait réussi notre échange dans un calme relatif (bon ok j’ai perdu un point parce que j’ai failli étrangler ma partenaire avec le tuyau de l’octopus en mettant son bloc sur mon dos, pff vlà le souci du détail j’te jure :/ ) mais alors que je me tournais vers Laura en mode « c’est terminé », elle nous a fait signe « ceinture de plomb ».

Euh alors là mais pardon, c’était pas prévu ça. Donc je commence à *stresser* intérieurement, et je me calme, illico, parce que ça va pas m’aider à faire l’échange.

Ce test s’appelle un « stress test ». Le but, c’est juste de vérifier que tu sais multi-tasker sous l’eau, sous pression, sans y succomber.

Encore une fois, ce que je sais faire avec 4 mètres d’eau au-dessus de la tête, je dois pouvoir y arriver les yeux fermés à la surface.

Mais c’est pas idiot de garder à l’esprit combien ça aide de rester calme et de maîtriser sa respiration, sur un rythme ample et souple.

Garde les yeux sur la ligne d’arrivée

C’est l’essentiel, vraiment. Pourquoi je suis là ? Pourquoi je fais tout ça ? Qu’est-ce que j’espère en retirer ? Non : qu’est-ce que je veux en retirer ?

Trop longtemps, je ne me suis pas autorisée à poursuivre des objectifs, préférant entretenir des espoirs. Je pensais qu’en faisant ça, je m’épargnais des déceptions. En réalité, j’excusais par avance mes échecs.

Je suis un sujet agissant. La déception, l’échec, la frustration, la lassitude, la démotivation sont des sentiments que je m’autorise. Il ne tient qu’à moi de les redéfinir, et de les analyser autrement.

J’ai arrêté de ressentir des frustrations, pour préférer analyser l’information qu’elles me portent. Je suis frustrée de quoi ? Je suis déséquilibrée ? Mobiliser de l’énergie pour identifier les causes de ce problème d’équilibre est bien plus productif que de nourrir un sentiment négatif stérile. Ça me fait chieeeeer. Oui, et ensuite ?

Tous les chemins mènent à la ligne d’arrivée

…C’est juste une question de volonté. Tu veux quelque chose ? Va le chercher. C’est vraiment aussi simple, et aussi compliqué que ça, en même temps. Il y a trois jours, j’avais le tympan figé au fond de l’oreille, et je me disais : fuck that, je m’en fous au fond d’avoir mon Divemaster ou pas, je compte pas bosser avec dans l’immédiat… J’avais juste besoin de me prouver que je suis capable de le passer, et je sais que oui, il me manque juste 4 épreuves que je sais faire.

Et puis hier soir, je me suis dis : mais quoi ? Il me reste 48 heures sur ce camp, et je vais même pas essayer de mettre la tête dans l’eau, des fois que l’oreille passe ? Je dois descendre à 4-6 mètres pour faire mes 2 tests sous-marin, ça se tente, non ? Soit j’ai un vrai problème et ça va faire mal et on force pas, soit c’est passé et ça va le faire, mais je ne le saurai pas si je le tente pas.

Alors c’est pas forcément en rush l’avant-dernier jour que j’aurais choisi de boucler le truc, et du coup, j’ai pas eu des notes exceptionnelles, mais le résultat est là. J’ai réussi.

Set yourself up for success

Dernière leçon, et non des moindres, celle de l’état d’esprit : tu peux pas plonger si t’as pas envie d’être là, que t’as peur d’y aller, et que t’es convaincue qui va t’arriver un truc. Les gens qui arrivent dans cet état d’esprit, on les repère assez vite, et s’ils sont déjà sur le bateau, en général, ils ne passent pas la surface de l’eau.

Parce qu’on n’arrive à rien si on ne commence pas par se motiver. Et je re-boucle ce mémo avec ma métaphore d’intro sur la course à pied. C’est pas la peine d’aller prendre le départ si tu te dis que t’es pas capable de tenir la distance. Tu viens forcément parce que tu crois que tu peux le faire. Tu as la conviction que tu peux le faire. Passe-la en certitude, et conjugue-la au présent : Tu vas le faire, et tu le fais. Voilà. Si échec ou déception il y a, on s’en occupera en temps voulu.

Rafael Nadal a passé deux heures seul sous la douche, à pleurer, après sa défaite en finale de Wimbledon en 2007 (il le raconte dans son autobiographie). L’année suivante, il a sorti le match de sa vie et a battu Federer au terme d’un dimanche épique. La finale 2008 est l’un des plus beaux, des plus fous matchs de l’histoire du tennis. Donnez-moi des échecs qui servent de terreaux à de pareilles victoires. 

J’ai pas pu plonger depuis 5 jours, j’ai pas eu une seule session d’entraînement sur certaines des « skills » dont je devais faire la démonstration. Pour certaines, je les avais jamais apprises moi-même.

Mais hier soir, j’ai dit à Laura : je suis prête, on peut tenter de faire le test demain ?

Je suis prête. Et ce matin, en montant sur le bateau, je ne me suis pas dit « omg j’vais me planter, j’ai pas du tout pu pratiquer mes skills ».

Je me suis dit : « ce soir, quand je descendrai de ce bateau, je serai Divemaster ». Parce que je ne suis pas venue jusqu’ici, j’ai pas fait tous ces efforts pour abandonner la course au pied de la ligne d’arrivée.

On est le soir. Et je suis désormais : Divemaster.

Et ce soir, au son de Coldplay, je savoure cette victoire en me noyant encore une fois dans un Ciel plein d’étoiles (tu l’as ?!).

Fuck yeah!!!

D. 51 The Captain with the right hand hook

So I’ve talked a while ago about my body being the stallion and my mind being the rider, and how I need to listen to my body as if I were riding a horse. That is, if I intent to go the distance. I could very well keep burning through my power, and see where that would get me.

Then I figured out that I couldn’t let my body dictate the terms either: if I indulge too much in resting, we’ll get used to moving slowly, and I can’t have that.

All in all, throughout this trip, I have finally managed to get my mind & my body to find a sort of balance between them. But there’s one more lesson I need to learn.

So I wasn’t at the top of my game today, which is the understatement of the year. I had been extremely tired the day before, and both my ears were ringing. When I woke up, the right ear (A-G-A-I-N) felt stiff, swollen, and painful.

I felt it coming though. It was already burning pretty badly the day before, but not yet painful. I am so used to discarding pain, that when I feel something is painful, it’s the sort of pain I cannot ignore anymore.

I guess I got that from the leg muscle-tear I got playing soccer when I was 10 years old. Because all the adults assumed that I was faking it because I hated soccer at school, they kept saying that I was faking it to get out of soccer practice. (I honestly don’t know how they got to this conclusion, since I had been playing soccer with my brothers all the time, and it was about THE ONLY SPORT I actually liked).

I guess I ended up telling myself that I was not really hurt, and I kept walking — or rather, limping on that injured leg for about 2 weeks. Until one morning, I couldn’t take it anymore. I sat up on the stairs of our house, and demanded to see a doctor, refusing to move until promised so. My dad said he would take me after school, so I limped another day on it, until finally, a doctor examined me.

What might have been a minor tear if treated & rested properly early on, had become a knee tendinitis, made worse by my constant limping on it.

3 weeks of rest left this knee weaker than the other for years.

I should have learnt then to take care of pain when it first manifests, but I was 10 years old. Instead, I learnt that if it’s anything serious, the pain will come back worse after I have discarded it.

And most of the time, biting through it combined with a little rest usually works. And if it doesn’t, I’m usually the only one to pay the price.

« Usually ». Well. I had to sit the day out yesterday, and we had 8 guests wanting to do a Try Dive. A fourth Divemaster would have been appreciated. Because I was unable to dive, the team had to divide the try divers in 2 groups, and do 2 rotations each.

It’s not the ear that hurt me most yesterday, although the lack of painkillers on the boat made itself sharply obvious. It’s the feeling that I’m letting the team down, and they have to handle double work because I’m out.

Try Dives can be really tough to monitor, because they tend to go up and down a lot, failing to equalise properly, or to maintain their buoyancy underwater. This very enthusiastic crew was no exception, and everybody’s ears were subjected to quite a strain. Twice.

And a third time that day, with 3 other Try Divers.

Helping out with equipment set up on the boat, rinsing and clearing out the gear was the least I could do that day, and it felt like not enough.

Not because the girls made me feel like I was letting them down (on the contrary), but because I felt like I could have avoided this situation by taking a day off earlier, when I first felt tired and strained.

I won’t be the only one paying the price anymore

I need to remember that I’m not the only one paying the price anymore. I may be paying the highest toll, but as long as I’ll be part of a team, it’s the collaterals I need to think of, not just my own stakes in the matter.

That lesson gets even more essential transposed to team captain, instead of just team member. Sure, I can be a captain with a right hand hook, even with a wooden leg and a glass eye.

But wouldn’t I be better at it if I kept all my parts, to the best of my ability? Doesn’t it make more sense to rest when I need to, instead of when I can’t handle it anymore?

Isn’t it easier to plan a day off, than to suffer through sick days, waiting for my body to be functional again?

I probably have an ear inflammation. AGAIN. I probably need to stay out of the water for a couple of days. AGAIN. Yet I barely have more than « a couple of days » left here, and 4 trials to complete, 2 of which underwater.

I need to accept 2 things about myself:

My mind is in far better shape than my body. I’m faster, smoother, sharper in my mind than with my body.

My mind can always negotiate a little extra energy, I can always persuade myself that « I’m OK ». I waited 18 hours with 2 broken wrists last year, before asking to go to a hospital. I should have known right away that this kind of pain meant that something WAS wrong. But no matter what my mind tells me, my body will always have the last word.

There really is no point in being a healthy, exercising, non-drinking vegan, if I keep ignoring the earliest signs of something going wrong.

I’m not talking about making a fuss every time I have an itch, I just need to stop ignoring the small signals my body sends me.

It’s like clicking « later » on the important updates pop ups on your computer: sooner or later, the thing shuts down and you have to wait out the installation of the 12 657 updates you neglected to download earlier.

I might have to leave this place without completing my Divemaster. It’s a dire price to pay for this lesson, but again, it’s one I really should have learnt by now. And one I really cannot afford to suffer through again.

…Worst case scenario, though: I’ll have to come back here to complete all of my trials.

— Saturday, August 27th

#CheatDay because, once again, I was too tired to be bothered to open up my computer.