D. 60 bis Décollage…

Ouais, j’ai déjà posté un truc aujourd’hui. Mais c’est l’heure du départ, ça y est.Tu auras remarqué que je dis « départ » et pas « retour ». C’est vraiment l’arnaque du siècle, de croire qu’on peut « revenir » de ce genre de voyage. Quand tu vas de l’avant comme ça, que tu affrontes des peurs, que tu te dépasses, accomplis des défis que tu n’aurais même pas imaginé il y a de cela quelques années, tu ne « reviens » pas à ton point de départ.

Tu vas de l’avant. Toujours. Tu vas plus loin qu’avant.

Je continue mon voyage, même si la prochaine étape ressemble à mon point de départ, je sais que ça n’aura rien à voir.

Hier soir, j’ai regardé le coucher du soleil depuis la plage de Kuta, saoûlée par la foule de touristes, saoûlée par les sollicitations permanentes des vendeurs en tous genre, bref, un peu saoûlée de tout en cette fin de trip.

Ce matin, je suis allée nager une demi-heure dans la piscine de l’hôtel, juste parce que je peux, un peu pour le kiff et beaucoup pour me fatiguer dès le matin, histoire de réussir à dormir dans l’avion.

Deux jours à Bali, c’était presque trop. Un de plus et je me faisais chier, c’est sûr. Et puis j’ai déjà fait tous les massages possibles (les massages d’une heure à 7€, ça va me manquer. Vrai-ment me manquer).

J’avais hâte de partir hier (aujourd’hui ça passait mieux, j’avais calibré ma journée pour ne pas avoir de temps mort). C’est parce que j’ai hâte de ce qui va suivre.

Je suis partie avec beaucoup de questions, sur moi-même, sur mes envies, sur mes projets, sur mes rêves, sur mon futur… sur mes ambitions. Et en deux mois, j’ai trouvé beaucoup de réponses. J’ai niqué des complexes et tué des démons, j’ai dépassé des frontières pour ma plus grande surprise.

C’est ma nouvelle drogue, je crois : ma capacité à me surprendre moi-même. Je vais continuer, c’est sûr : tu te lances un défi. Tu te demandes comment tu vas y arriver. Tu fais des plans, des tentatives, tu te plantes, tu corriges, tu améliores… et tu réussis.

Et ça, c’est vraiment un kiff de malade — pardon my french.

« Going home? »

À tous les gens qui me demandaient, ces derniers jours, si je rentre « chez moi », je répondais « oui » en pensant : rien à voir. J’ai pas de « chez moi », et quand bien même, « chez moi » c’est n’importe où je le décide, où j’ai des trucs à faire, où mes voyages m’emmènent.

Pour un temps encore, « mes voyages » m’emmènent à Paris, parce que c’est le départ d’une autre aventure, celle qui me motive le plus, et me donne envie de repousser encore plus de frontières. Encore des premières fois, encore des problèmes à résoudre, des puzzles à construire, encore des défis à relever.

Et puis, sans rire. J’vais pas abandonner le navire à la veille de l’élection présidentielle. Qui va monter au front contre l’OPA de l’extrême droite sur le féminisme, et démêler la xénophobie de la lutte anti-sexiste ?

Embarquement immédiat. See you on the other side, comme dirait Adèle.

D. 60 Tu crois que maigrir, c’est trahir ?

Je m’étais pas vue de plain-pied depuis mon départ. Les miroirs sont rares, petits, accrochés trop haut, bref, si j’avais accès au reflet de mon visage pendant mon séjour à Bira, impossible de me voir sous la poitrine.

D’où parfois des surprises en découvrant des bleus, des écorchures, parce que v’là la vie à bord d’un bateau. Et je ne parle pas des piqûres et morsures diverses, infligées par des animaux inconnus.

J’ai eu un mini-choc, quand même, en me découvrant dans le miroir mural de mon hôtel. Alors, je crois que j’ai perdu du poids. Mais genre pas mal, quoi. Au niveau du ventre je le vois pas, parce que les proportions ont l’air d’être toujours les mêmes, mais mon tour de cuisses et de hanches a diminué, et surtout, le haut du corps ptin…

Les clavicules, j’aperçois même des côtes, de face et sur les côtés… Même le trait de la mâchoire ressort vachement. C’est assez unique de réussir à voir le changement aussi nettement, parce qu’on se voit tellement souvent dans les reflets, dans les miroirs, qu’on intègre les micro-transformations au fur et à mesure. Il faut comparer des photos d’une année sur l’autre pour vraiment trouver la différence flagrante, en tout cas pour moi : je n’ai jamais « vu » mes différentes oscillations de poids/morphologies dans un miroir.

Là, ça m’a surprise, mais ça n’aurait pas dû, au fond. Ces dernières semaines, même si je ne voyais pas le changement, je le ressentais. De ouf. Au début du stage, je n’arrivais pas à porter les bouteilles d’air à une main, je n’arrivais pas à mettre et enlever le bloc toute seule, ni d’ailleurs à sortir du bateau avec le bloc sur le dos : il fallait monter une marche, et je n’avais pas assez de puissance dans mes jambes pour me hisser aussi haut.

Fin du stage, évidemment, tout ceci était devenu possible. J’ai des bleus assez moches au bras droit, là où je laissais glisser la stab’ de mon dos vers le sol, mais j’arrivais désormais à réaliser des gestes qui m’étaient inaccessibles auparavant : je n’avais tout simplement pas les capacités physiques pour.

Où l’on reparle des croyances limitantes…

Ma première pensée, en me voyant dans le miroir, c’était :

« Ah mais pourtant j’ai rien fait pour ! J’ai pas fait exprès ! »

Ah mais sérieux meuf ? Tu t’excuses d’avoir maigri ? Genre tant que « t’as rien fait pour » alors ça passe ? Parce que sinon, c’était une trahison du féminisme, c’est ça ? C’était de l’hypocrisie envers toutes les filles à qui t’as déjà conseillé de « nique tes complexes », c’est ça ?

Mais dans quel univers se faire du bien serait une trahison de quoi que ce soit ? Ce serait pas ENCORE une saloperie de croyance limitante que tu t’es/ qu’on t’a mise dans la tête, hmmm ?

Probablement oui. Parce que le problème avec la recherche de la maigreur/minceur, c’est :

1. Les moyens
2. Les objectifs

Si ton objectif, c’est d’être « beach body ready » selon des standards complexants et sexistes, tu fais fausse route. Si les moyens que tu mets en oeuvre pour atteindre l’objectif « minceur » sont : un régime nocif (ou une alimentation insuffisante) et « se faire violence » à tous les sens du terme, là encore, tu vas droit à la catastrophe. Moyens nocifs pour objectifs toxiques, voilà la recette du désastre.

Mais si ton objectif c’est de réussir à ouvrir les pots de cornichons, à porter tes courses sur 3 étages sans rendre un poumon, à pouvoir courir un 10 km de temps en temps sans te claquer tous les tendons, voire poursuivre une passion sportive sans finir en lambeaux à la fin de la saison, ALORS peut-être que de secouer un peu de gras et refiler la place dégagée aux muscles est tout sauf une mauvaise idée.

Si ton objectif est sain, et que les moyens que tu vas mettre en oeuvre le sont aussi, alors « perdre du poids » n’est plus un mauvais exutoire à complexes empoisonnés, mais bien un moyen, voire une finalité d’atteindre un état de santé physique confortable.

J’ai un peu hâte de me peser quand même : je suis persuadée que l’aiguille n’aura pas bougé d’un kilo, parce que j’ai fait pas mal de muscle cet été. Donc on devrait rester sur un indice d’IMC constant, qui me place « en surpoids », preuve supplémentaire s’il en fallait que cet indicateur est du bullshit en barres.

Fun fact : mon sac faisait 14kg au départ, et me taillait les épaules tellement je le trouvais lourd, surtout au bout de dix-quinze minutes.

Désormais, il pèse 16-17kg (pesé au départ de Makassar), et guess what? Je le porte pratiquement sans effort. Beaucoup moins d’effort qu’à l’aller.

Bordel, j’ai l’impression d’être Peter Parker s’étant réveillé avec une force surhumaine. Bien sûr que je vais continuer à me muscler, maintenant que j’ai pu goûter aux bénéfices d’une amélioration physique tangible, there’s no going back!

Et en parallèle, je continue la chasse aux croyances limitantes qui ont pris racine dans mon esprit, et je tâche de désherber tout ça fissa.

Oh, et by the way: je prends l’avion dans six heures.

D. 55 Point final

Quelle sensation étrange, euphorique, vertigineuse et flippante à la fois : le point final.

Déjà, c’est encore une première fois à épingler au tableau de cet été. C’est la première fois que je termine un roman. Rien que de l’écrire, ça me procure un sentiment bizarre. Comme « un soulagement positif ». Ce n’est pas une douleur ou un manque que je soulage, c’est un accomplissement que j’achève.

Et c’est étrange.

Je me suis relue, critique et scrupuleuse, avec un oeil acéré et les doigts tendus sur le clavier. J’ai traqué les anglicismes involontaires, les coquilles, les fautes d’accord. J’ai ciselé les phrases complexes, taillé dans les structures lourdes, construites à l’envers, les propositions mal reliées, mal assemblées.

J’ai interrogé mon intention, derrière chacune de mes idées. Est-ce que ces mots ont un sens ? Est-ce que leur contexte le rend univoque ? Est-ce que le point est clair, clairement amené ? (Est-ce que j’ai bien évité des anglicismes insupportables à la « le point est » ?)

Est-ce que j’ai pas intégré des références à d’autres oeuvres, qu’il faut soit assumer en bonne et due forme, soit retirer du texte ? (Ou la hantise de choper des idées chez les autres sans s’en rendre compte…)

Est-ce que ma chronologie est cohérente, est-ce que les « portes ouvertes » sont des négligences, ou des clins d’oeil volontaires à la suite ? (Spoiler alert : j’avais fait n’importe quoi dans les dates, MDR… ET je me suis surprise en retrouvant quelques unes de mes « pistes » pour les tomes suivants, en mode « ah mais oui lol faut pas que j’oublie çaaa »… Hashtag autrice en carton…) (mais c’est bon j’ai pris des notes hein)

Je me suis relue, et je ne peux pas m’empêcher de me demander : est-ce que c’est publiable ? Je ne doute pas vraiment que cette histoire soit intéressante à lire, sans fausse modestie : ça va faire dix fois que je la lis, et je prends toujours du plaisir à la re-découvrir, j’oublis certains détails (cf paragraphe précédent).

Après plusieurs relectures, je pense avoir lissé le style, même s’il doit rester quelques lourdeurs, et quelques répétitions (malgré mes efforts pour retirer mes usages abusifs de l’expression « briser le silence », il doit en rester trop…)

Et même après plusieurs relectures, toujours le même sentiment : bordel, j’ai vraiment TOUT découvert, là. Je ne me suis jamais sentie aussi nue qu’en voyant mes états d’âmes, mes dilemmes moraux, mes batailles intérieures exposées comme ça, tous ces sentiments traduits en paroles prêtées à des personnages, que j’agite comme des marionnettes, planquée derrière un mince écran de papier.

C’est exactement ça. Tout est de moi. Tous les personnages sont moi, leurs caractères, leurs hésitations, leurs doutes, leur détermination, leur courage et leur lâcheté, leur altruisme et leur égoïsme. Leurs ambitions et leurs angoisses, leurs rêves et leurs limites.

Ils ont les visages de gens que je connais ou que j’ai sans doute croisé, et que mon subconscient me recrache lorsque j’entends leur voix, dans mon esprit. Mais je n’ai pris aux gens qui existent que leur apparence physique, et encore, seulement à travers mes propres yeux. Un détail de chez eux.

C’est vraiment une expérience étrange, de coucher tout ça sur le papier. Et plus encore de le relire deux ans après le premier jet, et de toujours s’y retrouver. Comme si c’était une photo de moi qui vieillissait avec moi, sans que l’image ne change.

J’ai dis que j’y ai mis un point final, mais c’est faux, bien sûr. C’est un « à suivre » que j’ai apposé à la fin, parce que c’est pas du tout la fin, au contraire. C’est à peine le début de l’aventure.

Expi(r)ation, Renaissance, Tome 1. Peut-être bientôt en librairie (PS : je cherche un ou une éditeur•rice, à bon entendeur, cordialement), et sinon, sur Internet.

« Coming soon », whatever happens!

544 851 caractères
88 043 mots
241 pages en PDF, interligne 1.3
29 chapitres + 1 épilogue
Et un point final.
🙂

Ah, et du coup : défi relevé !!!

D. 54 Le grain de sel et la gangrène

…Ou pourquoi je suis fatiguée d’être le messager. (Ouais j’suis allée le chercher un peu loin, ce titre. Au départ c’était « I’d hate to be the bearer of bad news », mais après avoir fini de l’écrire, j’ai commencé par décider de ne pas m’auto-qualifier d’oiseau de mauvaise augure. Parce que oui ça pique, mais je ne suis pas le problème de cette fable. Voilà pour les coulisses…)

Here comes the Killjoy…

C’est une phrase du bouquin de théorie de plongée, sur le respect de l’environnement, qui m’est restée en mémoire. Je l’ai lue il y a plus de trois semaines, et elle continue de me revenir à l’esprit, régulièrement.

Il y avait toute une partie consacrée à la surpêche, aux pratiques anti-écologiques qui font énormément de mal à la faune océanique, aux dangers assez imminents que représentent la pollution et l’action humaine, lorsqu’elles entraînent la destruction des mangroves et la mort des coraux.

Et il y avait une question du test :

« Comment pouvez-vous participer à la sauvegarde des écosystèmes marins ? »

Étonnamment, il n’y avait pas « #GoVegan » dans les propositions de réponse, mais j’y reviendrai.

L’une des réponses à cocher était (je paraphrase de mémoire) :

« Informer vos proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes »

Practice target on the messenger

Ah mais pas de souci les gars. Pas-de-souci. Et je pourrais aussi porter un T-shirt « #GoVegan », au cas où juste le fait d’être végane n’attirait pas suffisamment d’attention au quotidien, surtout au moment des repas.

C’est pas comme si « mes proches », « amis-famille-collègues » comme ils disent, mais rajoutons n’importe quel quidam au passage, n’avaient pas de base une réaction défensive au simple rappel de l’existence du véganisme.

Moi je veux bien « informer mon entourage », mais bordel, ça me fatigue. Ça me fatigue d’avoir à me justifier aussi souvent, de choix qui devraient être une évidence. Je ne parle pas de refuser de manger des animaux, je parle de refuser de consommer des produits dont l’achat participe à l’encouragement de pratiques nocives pour l’environnement, les animaux et l’Homme.

Le véganisme ne me prémunit pas contre TOUS les produits tombant dans cette catégorie, mais force est de constater que l’écrasante majorité des produits animaux entrent dans cette catégorie.

Non, les oeufs que pondent les poules que ta tante élève dans son jardin, effectivement, ils ne font de mal à personne. Ni les poulets qu’elle tue tous les trois mois pour te préparer son fameux coq au vin. Ni le fromage qu’elle fait maison quand sa chèvre lui donne du lait.

Les animaux de trait utilisés en permaculture, eux non plus, ils n’attaquent pas l’équilibre biologique naturel.

« De la culpabilité »…

Bon c’est dommage pour ceux de ces animaux qui finissent en coq au vin, ragoût, hachis ou sauciflard, mais je suis prête à cette concession morale. Si on pouvait ne consommer QUE les animaux qu’on élève et qu’on nourrit nous-même, avec nos propres ressources, et dont on s’occupe de A à Z, de la naissance à la (mise à) mort, en passant par les soins et la gestion des déchets, on éviterait déjà :

  • d’accaparer 75% des terres agricoles (pour la monoculture de la nourriture du bétail)
  • de ruiner les écosystèmes essentiels à la survie de l’humanité (en les rasant pour les transformer en terres agricoles, asséchées rapidement par la monoculture de… cf 1er point)
  • d’affamer et d’exproprier les paysan•es locaux, en accaparant les terres agricoles pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les populations locales en noyant de pesticides les terres agricoles accaparées pour la monoculture de… cf 1er point
  • d’empoisonner les eaux douces, les zones humides et les deltas, où charrient en permanence les pesticides et les milliards de tonnes de déchets organiques produits par les millions d’animaux d’élevages (Google : pollution océan élevage pour voir) (attends tiens, clique-là !).

… Et je pourrais continuer la liste. Je pourrais continuer la liste tellement longtemps, elle est tellement longue, désespérante, et me rend de plus en plus triste à mesure que je réalise qu’on a vraiment, nous, individuellement ET collectivement, le pouvoir de changer tout ça.

Mais je ne peux pas le dire. C’est culpabilisant, tu comprends. Faut pas culpabiliser les gens.

D’accord.

Juste. J’ai une question : pourquoi c’est ressenti comme culpabilisant quand je ne fais que PARLER de véganisme ?

Ce serait pas justement parce qu’on est tous un peu coupable de l’état du monde actuel, là, dites ? Parce que bon, perso, quand je lis une phrase de type : « la consommation de viande rouge est mauvaise pour la santé et l’environnement », je ressens zéro culpabilité. Et techniquement, c’est pas une phrase culpabilisante. Y a pas écrit : « Tu ruines ta santé et l’environnement en mangeant de la viande rouge, #LeSachiezTu ? »

Alors pas de souci, je suis super opé pour continuer à « informer [mes] proches (amis, famille, collègues) de l’impact des choix de consommation sur l’environnement marin, et des pratiques responsables & achats équitables qu’ils peuvent adopter pour contribuer à la préservation des écosystèmes ». Pas-de-souci.

Je vais juste m’équiper d’un gilet pare-balles avant, parce qu’à ce sujet, les gens ont la gâchette facile envers le messager.

La culpabilité des autres VS ma responsabilité

Mais tu sais quoi ? Challenge accepted. Au fond, j’ai pas choisi d’assumer publiquement mon véganisme pour qu’on me remette une médaille. J’aurais pu continuer très longtemps à manger ce que je veux chez moi, picorer ce que je peux ailleurs, voire développer des techniques d’évitement socialement acceptables, de type : je suis intolérante au lactose, je suis allergique aux fruits de mer, ah je suis un régime sans cholestérol donc pas de charcuterie pour moi, ah ça les oeufs, j’aime pas du tout ça mon bon ami !

On me trouverait tout aussi chiante, mais on me plaindrait en société au lieu de fantasmer mon jugement, de tester mes convictions, ou de les mépriser ouvertement (parce que le véganisme est une religion comme une autre, m’voyez…)

Ben non. J’ai fait un choix. Celui d’assumer publiquement que je base mes choix de consommation sur un raisonnement éthique, moral, humaniste (et rationnel aussi, parce que bon, continuer à soutenir que la viande et le lait sont bons pour la santé à une époque où la recherche médicale a désormais démontré le contraire, je sais pas, ça m’échappe.) (à propos du lien : ça se passe dans le 3ème paragraphe. De rien.)

En fait je sais pourquoi j’écris tout ça ce soir. Parce qu’hier soir, j’ai lu cet article de Black Voices, qui explique le problème avec le fait d’avoir « des amis racistes » (Rapport au fait que Daniel Radcliffe a déclaré avoir dans son entourage, des gens aux idées racistes avec lesquels il était « viscéralement en désaccord », mais sans pour autant considérer d’arrêter de les fréquenter). Fort bien. Moi non plus, je ne me vois pas arrêter d’être amie avec tous les carnistes de mon entourage (même si mes cercles VG ne sont qu’amour et bon délires).

L’article mettait le doigt sur notre responsabilité, lorsqu’on est témoin de discours ou d’actes oppressifs, de les challenger (ils disent « to check » en anglais. « These prejudices go unchecked »).

Et combien de fois, dans une discussion sur le véganisme que je n’ai pas sollicitée (souvent déclenchée par ma simple présence), je laisse mes interlocuteurs proférer des contre-vérités absurdes ?

« Non mais moi », l’exception qui confirme la règle

« Non mais le boeuf français, il est nourri au soja/blé français ». (Ah ouais ? Calcule voir la superficie nécessaire pour faire pousser assez de soja pour nourrir le nombre de boeufs qu’on s’enfile collectivement chaque année, juste pour voir combien de fois la France ça fait. Pas sûr que les plaines de Beauce suffisent, du coup. #JeDisCaJeDisRien)

« Non mais il faut manger de tout, au moins un peu, pour être en bonne santé ». (Passons l’info à 97% de la population asiatique, intolérante au lactose, et à tous les peuples végétariens depuis des lustres, au passage. Ça fait des générations entières de gens carencés, jésus-marie-joseph !)

« Non mais moi je sais ce que je consomme et d’où viennent mes produits. Je consomme local, bio et équitable ! ». (Su-per Norbert. C’est local comment le saumon de Norvège ? Et sinon, #ProTip : quand on calcule le chemin parcouru par un produit, on part de la matière première, donc pour ta côte de boeuf, c’est d’où vient le soja que ton boeuf a mangé qu’il faut prendre en compte. C’est pas la distance de chez toi à ton boucher qui fait qu’une viande est « locale », tu sais. Tiens lis cet article, c’est bien expliqué).

Oui voilà, c’est magnifique, personne n’est jamais le problème, c’est toujours les autres, cette foule innombrable dont on ne fait pas partie bien sûr (d’ailleurs on n’y est jamais confronté, dans des endroits comme, au hasard, la caisse des supermarchés), et c’est les « gros » le problème, les industriels qui ravagent l’environnement (et qu’on ne cautionne AU GRAND JAMAIS en achetant leurs produits, par exemple), et bien sûr aussi c’est à cause de l’inaction de tous ces hommes politiques (qui arrivent au pouvoir par l’action du Saint-Esprit, et pas en conséquence de nos votes ou de notre abstention, hein).

On est tous des exceptions, t’as vu. Et moi aussi.

Parce que « non mais moi », je suis végane parce que je suis intolérante au lactose et que j’ai perdu le goût pour les viandes, en fait. Pis les oeufs, j’ai jamais aimé ça, d’abord.

C’est vrai. C’est vrai, mais c’est lâche de ma part de le présenter comme ça. C’est lâche de dissocier la dimension éminemment politique, éthique et morale de mes discussions sur le véganisme, juste parce que je suis fatiguée d’être le messager, et que j’en ai marre de prendre des balles.

Mais j’ai une responsabilité, en fait. Assumer ce choix , c’est pas me balader avec un T-shirt #GoVegan. C’est assumer ma responsabilité dans la diffusion de l’information cruciale qui entoure ce choix .

Parce que bon, quand un ami profère un truc ouvertement raciste, je baisse pas les yeux sur mon assiette en disant « haha ouais, tant que c’est bio, ça passe ! », m’voyez. Quand on me tient un discours ouvertement homophobe, je ne temporise pas en disant « haha ouais, chacun ses choix, chacun s’occupe de son assiette et la paix des ménages sera préservée ! ». Non, hein. Je leur rentre dans le lard, à ces gens-là. Avec plus ou moins de tact, de patience, de colère ou de pédagogie, selon le contexte.

Pourquoi je suis aussi lâche sur le véganisme ?

Tu te sens coupable quand je te réponds que la consommation de viande rouge est nocive pour la planète ? Moi, je me sens coupable quand tu me dis que t’en manges « pas souvent, que du local », et que je ne te réponds pas.

C’est comme ça qu’on devient « une végane extrémiste », j’imagine. Quand on accepte cette responsabilité d’informer, et qu’on n’indulge plus l’ignorance coupable.

À ceux qui me demandent si ça a pas été trop dur d’arrêter la viande, j’ai envie de vous répondre : c’était à rien à côté du devoir de l’expliquer.

PS : bordel, j’ai craqué. J’ai créé le mot-clef « Mes états d’âme » spécialement pour ce billet. Faudrait pas que ce soit pris pour une leçon de morale, hein, faut bien que d’éventuel•les lecteur•rices comprennent que ce sont « Mes états d’âme » que je déverse…

…On n’est pas sorti de l’auberge.

D. 53 La motivation (aussi) est un muscle qui se travaille

Il fait trop chaud.
Sérieux, j’ai pas d’endroit confortable où me poser.
Je sais pas par où commencer.
Je sais pas comment reprendre les corrections.
Et si j’ai pas d’idées ?
Je vais pas y arriver.
J’ai laissé passer trop de jours, je pourrais plus finir maintenant.
À quoi bon ?
Et si ça valait pas le coup, au fond ?

Le doute, c’est comme les grains de sable. Ça enrayerait les plus belles mécaniques de productivité. Mais quand il y en a beaucoup, c’est tellement confortable de rester vautré dedans.

Oui c’est long. Non je sais pas par quel bout le prendre. Mais j’ai un objectif : je veux finir ce roman. Je veux avoir une version « finale » qui ME convienne de A à Z. Que je pourrais publier en ligne sans repasser dessus.

Je suis pas écrivain, j’ai même pas d’éditeur ou d’éditrice pour me relire, me donner des conseils, des critiques, du feedback. Je fais avec quelques retours de potes, sans doute trop bienveillants, pas assez sévères. Je navigue un peu à l’aveugle, c’est vrai.

En fait, des excuses pour laisser ce projet en plan, bien au chaud dans un carton rangé dans le placard de mes aspirations, j’en ai plus qu’il n’en faut. Donc ce n’est pas en pesant le « pour et le contre » des efforts à fournir que je vais m’en sortir.

Tout ce dont j’ai besoin pour finir ce roman, et réussir le défi que je m’étais fixé, c’est de motivation. Juste ça.

Ben si, juste ça. J’aurais pas déjà écrit plus de 85 000 mots sur le sujet si je n’avais pas d’inspiration, pas d’envie, pas d’intérêt à écrire cette histoire. Donc inspiration, envie et intérêt : check.

Bref, des raisons de mener le projet à bout, j’en ai déjà. Quid des moyens de boucler, en revanche ?

Écrire, ça ne me coûte rien. Je ne peux pas plonger, donc je n’ai virtuellement rien à faire de mes journées (étant entendu que le soleil c’est Satan, donc j’vais pas me coller sur la plage en journée).

Le temps disponible : check. Et de toute façon, le temps, ça se prend. C’est une monnaie relative, on a dit !

C’est quoi, la motivation ?

Je crois que j’ai souvent cherché en moi la motivation comme si c’était une donnée : est-ce que cette idée me motive ou non ? Alors qu’en fait, c’est moi qui décide : à moi de me motiver (ou non) pour m’impliquer dans tel ou tel projet.

C’est juste un choix, tout simplement, au fond. Choisir d’allouer des ressources (notamment du temps) à ce projet plutôt qu’un autre. Choisir de focaliser son énergie et son attention sur ce projet, plutôt qu’un autre.

La motivation est une pondération du choix. Comme un super-joker, que je peux sortir à volonté pour dériver mes moyens sur le bon canal.

Avec de la motivation, tout coule, déroule, sans accroc.

Il a suffit que je m’y mette, ce matin. Que je me dise : c’est aujourd’hui. Soit je tue les deux prochains jours à me ruiner en 3G, actualiser mon fil Facebook alors que c’est le milieu de la nuit en France, soit j’ouvre ma dernière version, et j’en fais une nouvelle.

J’ai réécrit tellement de trucs dans le premier chapitre, et le plus fou, c’est que ça me venait tout seul. La motivation a cette puissance étonnante, de stimuler le corps et l’esprit à volonté.

La motivation de finir la course, même si j’vais faire un temps de merde et que je sens plus mes jambes. La motivation d’aller à cette conférence, même si c’est loin et chiant d’y aller. La motivation de m’atteler à cette tâche, que je ne fais que repousser.

C’est aussi un muscle qui se travaille. Au début, je lutte pour tenir ma planche pendant 30 secondes. Mes épaules s’affaissent, le dos me lance et mes mollets brûlent. Et puis, de 30 secondes par jour, on passe à 45, puis à une minute. Et ce qui me paraissait inatteignable est devenu une routine.

Tout ce que j’avais à faire, au début, était de rassembler la motivation de faire cette foutue planche tous les matins. Et ça finit par devenir une bonne habitude.

Je suis en train de relire le 18ème chapitre (sur 28). Il y a plus de taf sur la fin, donc j’aurais probablement pas fini demain.

Mais je vais finir. Parce que j’ai décidé de finir, parce que j’ai trouvé la motivation de finir.

D. 49 It’s the details that will throw you off your game

Chances are, I won’t ever drop in the water for a dive forgetting my tank. And even if I did, there would be someone to point out the problem. It’s not the big, obvious mistakes you’ve got to worry about. You know the drill, you run the show, this is not a challenge. But it’s the details that will throw you off your game. A grain of sand grinding a smooth mechanic of well shaped habits.

I’ve been diving here for a little over 3 weeks, so focused on working on my leadership skills, improving the way I divide my attention between finding interesting stuff, and keeping an eye on my divers.

Because I’ve been carrying extra-weight most of the time, in case a diver needs some extra during a dive, I’ve neglected my own balance in the process.

Three weeks. And I’ve let this issue completely under the radar, not noticing its impact on my general behaviour underwater.

When I was practising how to properly demonstrate skills underwater with Laura, I was thrown off balance so often it became frustrating. I could not complete a sequence properly, when I had to struggle just to keep kneeling straight at the bottom.

Laura suggested that I added some weight next time, and I did, this morning, when I had another go at the exercice, this time in front of an actual student.

Granted, the conditions were not ideal, because the current was much stronger. But again, I struggled to keep my balance, and failed multiple times, constantly falling forward.

Once you know it, it becomes obvious

Needless to say, I wasn’t at all satisfied of my performance this morning. Once out of the water, Laura pointed out the problem to me:

« You need to wear your weight at the back. Not in the front. This is why you keep falling forward ».

So I was wearing the right amount of weight, just not in the right place. Of course, once she had pointed it out, I couldn’t believe how I had not seen it myself. I’m wearing all 3.5 kg at the front of my belt, and the extra kilo in the side pocket, also forward. Nothing cancels out the upward pull of the aluminum tank strapped to my back.

THIS IS WHY I’M FALLING FORWARD ALL THE TIME LOL. How did I not see that? For THREE FREAKING WEEKS???

Because it’s the details that will throw you off your game. The ones only an expert eye can see, the ones that creep up on you through « the habits that kill », the ones you can only get rid of by performing rigorous checks and asking yourself the right questions.

About those damn « habits that kill »

Interestingly enough, I did identify the source of the problem: it’s through what I’ve called « a habit that kills » that I came to wear my weights on the front, without even questioning why I always wear them there.

I am used to dive with a steel tank, which are shorter and denser than aluminum tanks. This is why I usually wear weights on the front, to avoid getting the weights pressed against my spine by the tank.

But when diving with an aluminum tank, I should have questioned this habit. It’s not the comfort that drives the decision, it’s the balance issue. Had I thought about that, I would have realised that I was wearing my weight on the wrong side.

But I didn’t. Force of habit. And I blamed external elements for my failure to master proper balance at all times.

Lesson one: you probably have the key to correct your own failure

So, two lessons must be learnt out of this experience: the first, is that I should look into my own behaviour for mistakes & potential improvements BEFORE blaming the elements or any outside influence.

It’s always so tempting to try and find an outside explanation for failure, even the little ones. But this is a dead end, when it comes to self-improvement. So what if the current was, in fact, making it difficult for me to keep my balance? Laura was managing perfectly. So it was achievable.

Lesson two: it’s the details that’ll throw you off your game

The second lesson, is the next step to follow from the first one: pay attention to details. It’s unlikely I’ll make a huge obvious mistake, with no one around to point it out to me. But I will look past an intermediary checkpoint, I will forget about the little things that pave out the way to perfection.

As my 11th Grade Drama teacher used to have us repeat every day:

« Excellence consists in doing ordinary things extraordinarily well »

You can hop on one leg while taking care of other people’s problems, because they matter more at the moment. But when your other leg gives way from exhaustion, a fat lot of good it’ll do you if you’re falling down too.

I should not have overlooked my balance issue for this long. When I really needed to be on my A-game, I couldn’t bring it. Worse, I couldn’t even figure out WHY I couldn’t bring it.

I learn a great deal from my failures, especially the smallest ones.

I moved the weight to the back of my belt for this afternoon’s dives.

My life underwater has just become a whole lot easier. Funny how much influence those little details can have…

D. 47 Parfois j’oublie que ça fait peur

Parfois, j’oublie que ça fait peur. Les responsabilités m’écrasent. C’est la gravité, ça te tire vers le bas, et la peur agit comme un poids. Du coup, ça t’écrase encore plus. Et ça te demande encore plus d’effort de relever la tête, de continuer à avancer.

La peur nourrit la peur, alors c’est de plus en plus lourd. Bientôt, tu peux plus mettre un pied devant l’autre tellement ça t’écrase les épaules, le dos, ça te serre la poitrine, ça comprime les poumons.

La pression t’étouffe. Et bientôt, tu respires plus.

Parfois j’oublie que la peur a cet effet toxique et paralysant. Et parfois, je me rappelle qu’elle peut aussi procurer un effet stimulant, enivrant, grisant. Et c’est juste une question d’état d’esprit.

Alors je me rappelle que la peur existe pour que mon cerveau soit en état d’alerte, parce que j’ai besoin d’être à 100%. Si je ne bouge pas, si je ne fais rien, c’est comme si je me laissais paralyser : puisque je refuse de prendre l’initiative, mon cerveau prend celle de m’immobiliser. C’est plus sûr. Si on reste sur place, il ne peut rien nous arriver.

Mais c’est faux, bien sûr. Ou plutôt, y a un peu de vrai : il ne peut rien m’arriver. Le bad, vraiment. Je veux vraiment d’une vie où il ne va rien m’arriver ? Bien sûr que non. Alors il faut que j’accepte le risque. Et l’annonciatrice du risque, souvent, c’est la peur.

Parfois j’oublie que la peur est aussi un stimulant. C’est juste à moi de le décider, et d’agir en conséquence, sans me laisser paralyser.

« Clémence, you’re leading today »

Bien sûr que ça me fout les jetons d’emmener 5 personnes par 30 mètres de fond. D’assumer la responsabilité d’un groupe de plongeurs, avec lesquels j’ai jamais plongé.

Bien sûr que ça me paralyse, de me dire qu’à l’avenir, ça pourrait être mon job à plein temps, que je serais responsable d’un groupe de plongeurs après l’autre. Sans instructrice pour assurer mes arrières. Ce serait sans filet.

Bien sûr que ça me fait flipper. Mais c’est à ça que je reconnais les frontières que je dois dépasser, les limites que je dois repousser pour me stimuler, apprendre, grandir, à tous les sens du terme.

Parfois j’oublie que la peur est grisante, quand je décide de ne plus la laisser m’étrangler, mais que je me sers de son poids pour garder les pieds sur terre.

D. 46 How can I help?

De l’aide. En recevoir, en demander, c’est difficile. On n’a pas l’habitude. C’est perçu comme une faiblesse. Et pourtant, c’est un moyen d’aller de l’avant.

Aujourd’hui, j’ai fait une plongée « pédagogique » : Laura (mon instructrice) et moi, on s’est posées par 13 mètre de fond, sur le sable, et on passé 48 minutes à répéter des gestes. Perdre et remettre son détendeur. Enlever et remettre son masque. Enlever et remettre sa ceinture de plomb, sa stab & la bouteille, nager sans masque, faire une remontée d’urgence, une remontée assistée, etc…

Une vingtaine de « compétences » dont je découvrais la plupart, n’ayant pas appris à les exécuter moi-même en France (parce qu’en soi, y a zéro raison de et zéro difficulté à enlever et remettre quoi que ce soit sous l’eau).

Mais faut pas juste savoir le faire : comme je viens de le dire, y a pas de difficulté. Faut savoir l’enseigner. Faut pouvoir exécuter les gestes suffisamment lentement, amplement, en soulignant suffisamment chaque étape, pour que l’élève en face puisse répéter la séquence et réussir la compétence.

Travaux pratiques

De retour au camp, pas le temps de lézarder au soleil, on repart pour une troisième plongée, après une grosse heure de pause. Un client veut tester la plongée, Laura l’emmène pour un baptème — avec moi.

Romain est français, donc j’ai commencé à taper la discute. Donc Laura m’a proposé de prendre les commandes : tu lui montres l’équipement, tu lui expliques tout, comment ça marche, à quoi ça sert, comment on l’utilise, et les 2 compétences qu’il va devoir réaliser sous l’eau : lâcher-reprise d’embout, et vidage de masque. OK?

OK.

C’est plus de la théorie, c’est même plus de la pratique, c’est In Real Life, sans filet. Le mec, si je le briefe mal, si je le surveille mal, il risque une surpression pulmonaire. Même à 10 mètres, ouais.

Et sous l’eau, il a eu plusieurs galères. Je le voyais, lutter pour équilibrer ses oreilles. Et j’arrêtais pas de me dire : est-ce que j’en ai trop dit ? Pas assez ? Est-ce que je lui ai mis trop de pression ? Pas assez ? Est-ce qu’il a peur de descendre parce qu’il a peur de se faire mal, ou est-ce qu’il se fait déjà mal en forçant ?

Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer, mais avec qui tu as du mal à communiquer ?

Je le voyais, galérer avec sa stab. Mettre trop d’air. Pas assez. Et puis, le dilemme : si je prends les choses en main, ça va attaquer sa confiance. « Laisse, je gère », sous entendu « parce que tu t’en sors pas ». Alors je démontre. Je démontre encore. Il n’imite pas comme il faut.

Comment tu aides quelqu’un que tu vois galérer sans le faire douter de ses propres capacités à résoudre le problème ?

J’ai appris à demander de l’aide, reste à apprendre à en apporter

C’était dur, aujourd’hui. Dur de se mettre à la place de l’élève pour décortiquer geste après geste des séquences que j’ai déjà intégrées dans mes automatismes. Dur d’être à la place du moniteur pour un novice absolu, d’être dans cette impuissance relative, et pourtant responsable.

Cette journée m’a fait réfléchir à l’aide. J’ai déjà appris à demander de l’aide, et c’était pas facile, tant cette forme d’humilité raisonnable est vue d’un mauvais oeil dans nos sociétés. Moi, je sais que c’est une forme de sagesse et de maturité.

Mais je dois encore apprendre à aider les autres. Proposer de l’aide, apporter de l’aide à ceux qui en demandent.

C’est un sujet complexe, faut que j’y réfléchisse. J’ai pas encore digéré cette journée. Parce qu’elle a été chargée :

– première plongée, Shark Point, je sers de guide à deux Espagnoles (Elles m’ont dit : « tu es une super guide, je me suis vraiment sentie en sécurité ! ») (et puis je leur ai débusqué deux tortues donc je suis un peu leur star)

– intervalle de surface : Laura me fait nager un 400M « nu » (sans masque ni palmes ni combi, juste en maillot), chronométrés. Je fais un 10min30 de merde, mais y avait du courant sur la moitié de la distance…

– deuxième plongée : plongée « pédagogique ». Je suis sortie lessivée.

– Pause dej (après avoir rangé le matos de la matinée et déchargé une partie du bateau)

– troisième plongée : le baptême de Romain, que j’ai équipé, briefé, coaché, accompagné pendant toute sa plongée (y compris sa remontée accidentelle, et sa ré-immersion).

– …re-rinçage et rangement du matos, je vais me doucher, et de retour à la terrasse :

– une Française vient se renseigner pour passer son Open Water, donc j’offre nos services en français.

– je débrief toutes les compétences que j’ai foirées, je détaille les séquences à l’écrit pour les revoir avec Laura

– Laura me demande de l’aide avec un client espagnol qui parle très mal anglais, j’me retrouve à improviser un coup de fil en espagnol pour préparer les sorties du lendemain (Jaume, donc, nous rejoint pour deux plongées demain).

Help. Help help help. Pourquoi des fois c’est facile d’aider les gens, et parfois, il faudrait presque trouver une parade juste pour prêter main forte ?

Comment on aide à apprendre ? #WorkInProgress.

À suivre… Ce soir, j’ai posé les questions. Demain, je chercherai les réponses. Pour l’heure, je vais me coucher. Je suis épuisée.

PS : j’ai corrigé mille coquilles à la première relecture, à ce compte-là il doit en rester plein. Signe s’il en est qu’il est temps de mettre les méninges en veille…

D. 45 Est-ce que le temps joue pour ou contre nous ?

Bira Dive Camp est un oasis, posé sur une plage, au milieu d’une baie. Y a pas vraiment de route, de toute façon y a pas grand chose autour, y a pas vraiment de ville à proximité. Y a pas l’Internet, tout juste de la 3G (dieu merci), et y a pas d’horloge aux murs, nulle part.

Y a un seul miroir, au-dessus des « lavabos » du bloc sanitaire. Du coup, je me vois une fois par jour, au sortir de la douche (le soir, j’ai ma lampe frontale qui inonde le reflet).

L’horloge mesure le temps, le miroir me montre ses marques sur mon corps… À part mon épilation du sourcil qui se barre sérieusement en couille, il ne se passe pas grand chose sur ma gueule, en 45 jours…

45 jours. Je les compte pour éviter qu’ils ne m’échappent, mais ça ne marche pas : le temps passe quand même, à ses vitesses relatives et capricieuses.

L’heure et demi d’intervalle de surface qu’on passe sur le bateau entre deux plongées fait en réalité 10 minutes quand j’ai décidé de dormir, et 4 heures quand le vent bat la coque et siffle à mes oreilles.

Le temps gouverne, et je subis

Le temps en profondeur joue toujours contre nous. Plus je reste, moins j’ai d’air, plus j’ai d’azote dans les tissus, plus courte sera mon exploration, plus longue sera la remontée. Le temps gouverne, et j’obéis. Je subis ?

Et à la surface ? J’ai déjà réfléchi sur le temps pendant ce voyage, celui qu’on (ne) perd (pas) à réfléchir, mais aussi à sa valeur (Time is of the essence). Mais c’est une question complexe, et elle revient en ce 45ème jour, parce que le temps qu’il reste vient de reprendre une dimension concrète : deux semaines.

En deux semaines, est-ce que je vais réussir à boucler mon Divemaster ? Il me reste tellement d’épreuves physiques et de tests à compléter… Il y en a pour plusieurs jours entiers, et il va falloir jongler avec les plongées pour les clients.

Et je voudrais vraiment boucler mon roman, auquel j’ai pourtant pas touché depuis ma promesse de m’y remettre. J’ai une infinité d’excuses, entre ma crève, la théorie à se coltiner, les plongées, ma fatigue profonde après, j’ai faim et j’peux pas manger quand je veux, j’arrive pas à me concentrer le ventre vide.

Je subis.

Comment ne pas subir le temps qui passe ?

Ça m’obsède un peu, cette question. J’ai pas peur de vieillir, mais j’ai peur de passer à côté de ma vie, comme une vache regarde passer le train. Je ne veux pas être baladée par les flots de l’existence, je veux faire quelque chose de ce temps imparti, dont j’ignore la durée.

Ne pas subir, c’est choisir. J’avais écris cette phrase, une année, dans mes bonnes résolutions (2008, de mémoire — yep !) :

« C’est étonnant, un choix. Certains sont morts pour permettre aux générations futures de l’avoir, d’autres se tuent pour ne pas avoir à en faire.

On hurle et se plaint quand on ne l’a pas, et par moments, on préfèrerait ne pas l’avoir. En fait, on n’y échappe pas.

Si pour avancer dans l’espace, il faut mettre un pied devant l’autre, chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix.

Tourner à droite, rentrer chez soi, partir, revenir, choisir ses amis, son école, ses études, choisir un nom pour son poisson rouge, un mot de passe pour sa boîte mail, choisir ses mots quand on parle, choisir d’entendre sans écouter, choisir d’aller, ou de rester. Choisir entre poulet ou poisson, entre le vert et le bleu, entre colère et pardon.

Tant de choix qu’on fait sans s’en rendre compte, et d’autres qui nous coûtent chaque fibre de volonté.

Je sais que je déteste choisir, sans doute autant que j’aurais haï vivre sans avoir le choix. Ce paradoxe me rend folle de rage à chaque fois que je me retrouve sur la corde raide devant cet éternel problème, qui porte en lui-même sa solution : le choix »

« Chaque mouvement qu’on fait dans le temps est un choix »

C’est ça, la solution, n’est-ce pas ? Les choix. Pas les grands choix de vie, qui filent le vertige et la nausée, et de toute façon je ne crois pas aux grands carrefours, comme si « prendre à droite » ce jour-là allait bouleverser mon existence. De 1, c’est déjà suffisamment balèze de faire des choix sans avoir la pression supplémentaire de se dire : ce choix va changer ma vie.

De 2, je pense qu’on peut toujours re-prendre un embranchement plus tard, changer de voie, recommencer, et qu’un choix n’est jamais aussi dramatique qu’il se présente. Parfois, j’aimerais qu’il le soit davantage, les gens ne choisiraient plus aussi légèrement de manger de la viande s’ils mesuraient réellement les conséquences de leur choix à chaque repas.

Faire des choix, ça se travaille

En 2008, j’étais torturée par le choix… En 2016, ça va beaucoup mieux. Qu’est-ce qui a changé ? J’ai arrêté de considérer tous les choix que je suis amenée à faire comme des pièges qu’on me tend, comme s’il y avait une mauvaise réponse ou une mauvaise option.

Un choix, c’est un mouvement dans le temps. Mais le temps n’est pas linéaire (vu que j’ai établi qu’il était relatif !). Donc choisir, c’est LE moyen que j’ai d’agir sur le temps, avec le temps.

Si je voulais vraiment terminer mon roman, j’enverrais bouler ma formation divemaster. Merci les meufs (car toutes les plongeuses sont des meufs, meilleur camp de plongée du monde), c’était fun, mais finalement je suis pas si intéressée que ça pour obtenir mon diplôme cet été, je préfère finir mon roman en continuant à profiter de ce cadre paradisiaque, et à plonger de temps à autres pendant ces deux dernières semaines.

Si je voulais vraiment obtenir mon divemaster, je me débrouillerais pour passer toutes les épreuves le plus vite possible et en être physiquement débarrassée en 4-5 jours. Et me dégager plus de temps de repos. Quitte à suspendre ce journal de bord.

Si je voulais vraiment écrire plus, progresser dans mes brouillons en cours, je m’aménagerais ce temps quotidien.

Et si c’était aussi simple que ça, de maîtriser le temps ? En faisant des choix.

Et si c’était aussi simple que ça, de prendre les commandes de sa vie ? En faisant des choix. Ses propres choix.

La différence entre agir ou subir, c’est pas le pouvoir qu’on a ou pas, les capacités, les possibilités, ce ne sont pas des éléments extérieurs. Ce sont nos choix, et notre propension à les fuir ou à les assumer. (À peu près Dumbledore, au passage).

La différence entre les résolutions que je tiens et celles que j’abandonne, c’est un choix. Entre les projets sur lesquels je m’investis et ceux que je délaisse, c’est un choix.

La différence entre la personne que j’étais et celle que je suis devenue, c’est une succession de choix. Et le premier d’entre eux, c’était la volonté de changer.

Alors, est-ce que le temps joue pour ou contre nous, dans la vie ? Ça dépend, meuf. C’est toi qui choisis.

All My Days

Oh, et le son du soir : Alexis Murdoch, All My Days.

Well I have been searching all of my days
All of my days
Many a road, you know
I’ve been walking on
All of my days
And I’ve been trying to find
What’s been in my mind
As the days keep turning into night

Well I have been quietly standing in the shade
All of my days
Watch the sky breaking on the promise that we made
All of this rain
And I’ve been trying to find
What’s been in my mind
As the days keep turning into night

Well many a night I found myself with no friends standing near
All of my days
I cried aloud
I shook my hands
What am I doing here
All of these days
For I look around me
And my eyes confound me
And it’s just too bright
As the days keep turning into night

Now I see clearly
It’s you I’m looking for
All of my days
Soon I’ll smile
I know I’ll feel this loneliness no more
All of my days
For I look around me
And it seems you’ve found me
And it’s coming into sight
As the days keep turning into night
As the days keep turning into night
And even breathing feels all right
Yes, even breathing feels all right
Now even breathing feels all right
It’s even breathing
Feels all right

D. 41 Bullshit Me Not

6h00. J’ouvre un oeil, péniblement. J’ai pas encore bougé l’autre que déjà, je le sens : le tympan droit crépite encore. C’est toujours pas aujourd’hui que je reprends la plongée, mais je m’en doutais déjà hier. Ça tire toujours quand je me mouche ou que je baille.

Je soupçonne mon corps de se complaire dans sa routine-confort : on fait la grasse mat’, petit-dej sur la plage à 9h, on potasse la théorie, pause-dej à 13h, retour des plongeurs vers 15h, on surfe en 3G après la sieste, on re-potasse la théorie, on chill…

…Tant que l’oreille m’en empêche, je n’ai pas à me lever deux heures avant tout le monde, à préparer le matos, à me préparer, à me taper une demi-heure de bateau, à plonger deux fois une heure dans l’eau qui me refroidit (et agresse mon corps), re-le bateau, débarquer, débarquer le matos, bordel c’est lourd ces conneries, démonter, rincer, ranger le matos, bordel j’ai pas le temps pour la sieste : faut potasser la théorie.

Donc. Comme un gosse de six ans qui veut pas aller à l’école, je soupçonne mon corps d’être en mode : on est quand même mieux à lézarder sur la plage avec un bouquin dans les mains qu’immergé sous pression dans l’eau à 25°C deux fois par jour. JDCJDR hein.

Bon. Donc ce matin, 7h, j’ai pris les choses en main : ok, j’peux pas plonger, mais ça suffit de paresser comme un (gros) chat. J’ai enfilé mon legging, mes chaussures de trek, mon soutif de sport & mon maillot, et c’est parti pour 40 minutes de running à travers la jungle.

Naturellement j’ai oublié que j’étais en milieu de la jungle, donc au lieu de surprendre des biches et de croiser des chiens, j’ai failli me faire attaquer par des cochons sauvages et j’ai croisé un macaque. Same old same old.

Voilà, on se secoue le gras, on va suer un peu. J’ai décidé que ça suffit la convalescence. J’peux pas plonger, mais j’peux quand même me bouger, t’as vu.

Et comme par magie, BIEN SÛR, mon oreille va mieux. Amélioration significative juste après le run, qui s’est maintenue toute la journée.

Moralité ? Mon corps est peut-être un cheval sauvage, mais parfois, c’est un putain de mulet. Bullshit me not, fucking mule.

Demain, j’enseigne un cours théorique et je fais passer leur exam de nage et de théorie à deux Open Water, et je passe mon propre exam théorique en fin d’aprèm. Parce que je suis ready as fuck, bitch.

Et après demain, retour à l’eau. Faut pas déconner.

 

Qu’on s’entende bien : j’ai aucunement l’intention de forcer quoi que ce soit. J’ai juste décidé que j’étais pas malade et que j’allais me comporter en adéquation avec cette croyance empouvoirante (par opposition aux croyances limitantes, n’est-ce pas).

Et je m’attends naturellement à ce que mon état physique s’aligne sur mon état d’esprit.