D 2. Coup de barre

Eh mais j’étais fatiguée, en fait. C’est fou les mille façons que le corps a de se rappeler à mon cerveau. Et c’est fou aussi les milles façons qu’a mon cerveau d’ignorer ces signes. Ça fait plusieurs semaines que mon appétit était devenu n’importe quoi, et j’avais associé ça à l’appréhension du départ, à l’anxiété des travaux en cours peut-être pas finis à temps, à la frustration de ceux laissés en suspens ou transférés faute de pouvoir m’en occuper…

J’avais combattu ça comme un symptôme d’une cause impérieuse, comme souvent dans ma vie. Je suis super fortiche pour identifier pourquoi mon corps part en couille, ce qui m’arrive (trop) souvent à conclure que : et bah puisque c’est pour cette raison que je déraille, je ne peux rien faire, à part garder le contrôle, et attendre que ça passe.

Sauf que non, en fait. Quand j’arrive plus à respirer, j’ai beau savoir que c’est une bronchite et qu’il n’y a pas grand chose à faire à part attendre que ça passe, je vais quand même aller réclamer de la drogue au toubib. De quoi neutraliser les symptômes, parce que je fonctionne vachement moins bien au quotidien quand j’arrive pas à respirer (comme beaucoup d’humains, j’imagine).

Alors pourquoi je le fais pas pour des symptômes aussi bénins que la fatigue ? Pourquoi je tape dans mes réserve, au lieu justement de ralentir, prioriser, me reposer ? Même si c’est le stress qui me fatigue et que parfois, je ne peux pas l’éradiquer complètement, même en connaissant sa cause, ça ne m’empêche pourtant pas de traiter le symptôme. De la même manière que je n’attends pas que mes bronchites virales « passent » pour continuer à vivre ma vie, je soulage mes symptômes, même si ça n’a aucune incidence sur la cause, et que seul le temps peut agir.

C’est si difficile que ça de « ménager sa monture » ?

Mon corps me parle, ça me coûte quoi de l’écouter ?

Première « vraie journée de vacances ». Je me suis levée à l’aurore, parce qu’il fallait que je m’inscrive vite à un cours de Rescue-EFR (Emergency First Response), parce que j’ai que quatre jours pour valider ces deux unités, que j’en ai besoin pour commencer le Dive Master après Komodo, et que j’ai envie de plonger-plaisir à Komodo et pas de faire des cours en piscine et RESPIRE MARIE-CHARLOTTE.

7h15, réveil, 7h40 je suis au club de plongée. La monitrice me briefe, on pourra commencer que demain, mais ça va le faire sur les 10-11-12 juillet. En attendant, ce matin, si je veux, je peux plonger avec d’autres N2 et un guide. Ouais, première plongée, OUAIS !!!

8h30, petit déjeuner, rendez-vous à 9h40 pour le briefing. 10h, on embarque, et là : le kiff. Dans le rush du départ, de l’arrivée, du transfert sportif Bali-Gili, l’installation au crépuscule, la première nuit sans clim dans la moiteur tropicale, j’avais oublié pourquoi j’étais là. POUR KIFFER !

Quinze minute de bateau à travers une eau turquoise, sous un ciel grisé qui ne lui rendait pas justice. On s’immerge, enfin. Je suis en shorty, sans cagoule. C’est la première fois de ma vie que je plonge aussi légère (même si j’ai quatre kilos à la taille, parce que les bouteilles sont en alu). On a passé 68 minutes entre 16 et 5 mètres, à scruter les anémones à la recherche d’hippocampes. Enfin, ça c’était le guide. Moi j’avais les yeux dans le bleu à la recherche des raies, et la tête dans les nuages de poissons d’aquarium, cette petite friture multicolore que je suis encore incapable de nommer à ce stade.

Je les appelle par leurs noms dans Finding Nemo, et forcément, l’émotion m’a serré la gorge dès les premiers « Nigel » aperçus.

Le kif. Tellement de kif.

Et puis la surface, le retour en bateau, au club, et la suite des activités : pour valider mon cours, y a un bouquin de théorie à avaler, six chapitres, j’en ai déjà bouclé un pendant le petit-dej (speed-reading, tout ça). Ah, et puis mon auberge organise un feu de camp au coucher du soleil, rendez-vous à 17h pour ceux qui veulent, ouais !

J’ai cru que j’allais pouvoir tout enchaîner, parce que bon, ok, y a que douze heures de jour ici, mais c’est pas une raison pour dormir douze heure par nuit et glandouiller la moitié de la journée. Je suis pas là pour enfiler des perles !

Non, je suis là pour les pêcher, les broder dans mes souvenirs et les emporter partout avec moi. Alors après le déjeuner, je me suis écroulée dans une sieste. Vingt bonnes minutes, une sieste efficace ! Je vais me balader dans le village pour me réveiller, j’ai avalé le deuxième chapitre pendant le déjeuner, il m’en reste quatre ! Retour à l’auberge, je me vautre dans les fat boys du salon ouvert à l’étage, sous les ventilateurs. Troisième chapitre… Et je tombe comme une masse à nouveau, pendant une heure.

17h30, je vais dîner, toujours au même restaurant, juste devant Gili La Bohème : The Yoga Place, un studio de Yoga qui fait aussi resto végétarien/végane, et des jus frais. Allez, encore un chapitre. Plus que deux.

Et je m’endors comme une masse à 20h, au milieu du cinquième. Trente minutes plus tard, je me réveille en sursaut. Je termine. Et j’ai fiché le test de chaque fin de chapitre, parce que c’est un texte à trous à la con, et que ça va plus vite d’apprendre par coeur les bonnes réponses que de chercher la cohérence (ça, c’est la raison pour laquelle j’ai vraiment lu le bouquin : retenir l’essentiel et noter mes questions. Ainsi que ma longue expérience scolaire me l’a appris : comprendre des notions et leur cohérence n’aide pas à réussir des examens de connaissance. Le bachotage permet ça.)

Relax, respire, profite

Voilà, 22h20. Je blogue. Parce que je me suis fixé un double défi pour ces 60 jours en Indonésie : faire une planche tous les matins au réveil (et tenir plus que 45 secondes à la fin de l’été), et écrire une entrée de journal par jour. Ce sera pas forcément long. Ce sera pas forcément sérieux, ni pertinent. Ce sera pas forcément en français. Mais c’est un temps que j’ai envie de prendre pour moi, chaque jour, de réfléchir à moi-même, sur moi-même, pour moi-même.

On s’inspecte bien la gueule dans le miroir tous les matins, j’ai envie de m’inspecter la tête et l’âme tous les soirs. Peut-être que j’en apprendrais plus sur moi-même, au passage.

Comme par exemple : à m’écouter quand je suis fatiguée. C’est moins grave qu’une bronchite, et bien moins chiant à soigner.

Jour 2, mais premier vrai jour de vacances, et j’ai déjà retenu une très bonne leçon : relax, respire, profite. Je sais pas pourquoi je cours comme ça, tout le temps. Ça ne fait pas ralentir les aiguilles de la montre, ça ne me fait pas avancer plus vite dans la vie. Ça me fatigue davantage, c’est tout.

PS : j’ai été piquée par un moustique sur le pied gauche. Je m’attends à mourir d’une affliction tropicale chelou à tout moment.

10h45. Bonne nuit.

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