D. 30 Thirty day sober

Je me suis noyée dans le ciel, au crépuscule. Dix-huit heures et des poussières, comme celles de corail blanc qui donnent au sable clair ses reflets de nacre.

On voit bien que la Terre est ronde quand on s’allonge à ses frontières, le corps et les yeux offerts à l’infini qui l’enveloppe.

Des traînées de nuages perlaient vers le couchant, filées de soie rose. À l’Est, un velours sombre bordait l’horizon. La lune est redevenue un croissant horizontal, comme au deuxième jour, un sourire de chat fou qui réfléchit le mien.

Trentième jour. La moitié seulement, la moitié déjà, j’en sais trop rien et ça n’a pas d’importance aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui : trentième jour… de sobriété.

Ma vie sans alcool est beaucoup plus simple à bien des niveaux. Financièrement, pour commencer. Mais à tant d’autres.

Ma grande peur, c’était de perdre une source d’inspiration. Mes meilleurs écrits (de mon point de vue), je les ai crachés après un, voire plusieurs verres. La lettre à mes parents, ma crise d’adolescence, mes lettres ouvertes, mon roman, les bonnes parties de l’autre aussi… Tout ce qui vient du coeur et des tripes, je suis allée le chercher au tire-bouchon.

La pression sociale, le goût, la convivialité, tout ça, je les ai dépassés avec le véganisme, j’aurais pu les dépasser avec l’alcool. Mais si en rebouchant la bouteille, je rebouche aussi le stylo, si je perds le moyen de connecter mes émotions à ma plume… Je ne peux pas. Je ne peux pas faire ça.

Alors, ça donne quoi, trente jours sans alcool ? J’ai écrit tous les jours. Parfois plusieurs textes, très différents. Et je n’ai pas l’impression d’avoir râpé la feuille avec mon sang pour trouver de l’authenticité. Oui c’est plus dur de déterrer mes émotions sans un peu de houblon pour huiler le passage. C’est plus dur, au début. Et puis, on s’habitue.

C’est toujours le même principe, le même processus : arrêter de se faire violence. Avant, je me mettais un coup dans le nez pour faire sortir des trucs, là, maintenant, extraire la matière brute en forçant.

Maintenant, je fais remonter à la surface progressivement, j’amène par la pensée consciente les matériaux que je veux travailler.

Le processus est doux, le résultat l’est aussi, plus subtil. Il y a moins de colère dans le solvant, il y a moins d’impatience dans l’extract et moins d’angoisses dans le résidu. C’est déjà fluide, raffiné.

J’ai les idées claires, tout le temps. Ça marche parce que je suis aussi plus indulgente, en général, je lâche prise avec mon corps et mon esprit quand je fatigue. Plus besoin de me faucher d’une cuite un peu provoquée, pour me forcer à glander pendant 24 heures. J’ai pas besoin d’une gueule de bois pour passer une journée-gueule de bois.

J’ai les idées claires le matin au réveil, le soir au coucher, et ça me faisait peur. J’avais peur de les laisser couler en permanence, qu’elles prennent feu et me tiennent éveillée. Je les noyais dans l’alcool pour griper les rouages et taire les dialogues. Après trois verres, y en a plus qu’une qui parle, les autres se taisent.

Mais quand j’ai les idées claires tout le temps, j’ai aussi la force et l’énergie de demander le silence, de classer les choses par ordre d’importance et par thèmes, j’ai toujours l’équilibre alors je suis les mouvements où ils m’entraînent en permanence… J’avais peur d’être noyée dans la foule, mais je suis le chef d’orchestre, en fait.

Je crois que j’avais peur de m’affronter, et que j’avais besoin, parfois, d’une excuse pour perdre un contrôle que j’avais tant de mal à imposer, tant de mal à céder. C’était une soupape de décompression, c’est pour ça que les émotions fusaient aussi vite, aussi fortes, il suffisait de me mettre devant un clavier, tu m’étonnes que les mots viennent tout seuls, dommage que je tape aussi lentement quand j’ai trois grammes dans le sang…

Avant, quand je me relisais le lendemain matin, je rajoutais un mot sur trois et je corrigeais les fautes. Maintenant, je rectifie trois coquilles et je fais la mise en page.

Le seul obstacle entre mon clavier et mes émotions, c’est moi. Le chemin le plus direct entre mes textes et mes émotions, c’est aussi moi.

Trente jours. Je ne serai pas sobre à vie, j’en ai pas envie, et j’en ai pas besoin. Ça y est, je me suis prouvé que je n’ai pas besoin d’alcool pour écrire.

Je me suis noyée dans le ciel, ce soir. Et je me suis rappelée de mes plus belles ivresses. Toutes avaient en commun d’avoir été vécues à jeun.

Note to self: ça va être chaud de traduire ça en mode « grande soeur » mais I’ll give it my best shot…

21h06 : ptin j’ai pas commencé ma note du jour, je sais pas comment la prendre, elle est importante celle-là, et si « elle me vient pas » ? :/ 

21h26 : *clics « Publier »* 

Non seulement j’écris plus vite, mais en plus y a moins de fautes. ZBHRLÀ.

 

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